En cette fin d'année, alors que le Parti Socialiste se cherche un leader en se cherchant lui-même, voici, pour oublier un peu ces temps moroses, un bouquet de citations de celui qui, malgré ses gros défauts, avait su regrouper ses forces, les mettre en ordre de marche et les conduire à la victoire. Je veux parler de François Mitterrand. Curieux comme la mémoire fonctionne parfois à l'inverse des lois de la perspective : certains, en s'éloignant dans le passé, ne rapetissent pas comme ils le devraient. Au contraire, ils grandissent.
"Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort."
"L’homme politique s’exprime d’abord par ses actes ; c’est d’eux dont il est comptable ; discours et écrits ne sont que des pièces d’appui au service de son oeuvre d’action."
"Le socialisme n’est pas un dogme, ni une philosophie, moins encore une religion. C’est une méthode."
"On crée pour l’éternité même si elle se charge de démentir."
"On gouverne un pays par le souffle, pas seulement par le raisonnement."
"L’excès du langage est un procédé coutumier à celui qui veut faire diversion. "
"L’Europe abstraite, forme géométrique dessinée sur un papier blanc, c’est la caricature qu’en donnent ses détracteurs. La véritable Europe a besoin des patries comme un corps vivant de chair et de sang."
"Quelle leçon tirer de l’Histoire, s’il en est une, de ce tourbillon d’événements, sinon que rien n’est achevé, que rien ne s’achève jamais ? Que le combat change de forme mais pas de sens. Que de nouveaux orages surgissent du plus clair horizon, d’autres dominations se substituent à celles que l’on avait détruites, qu’apparaissent d’incessantes ruptures entre l’idéal et le réel ?"
"Une politique qui se borne à brasser des rêves les trompe tous. Une politique qui les ignore se trompe sur la nature de ceux qu’elle prétend conduire."
Et ma citation préférée :
"Dans les épreuves décisives on ne franchit correctement l’obstacle que de face."
Voilà, c'était mon bouquet de Noël!
Bonnes fêtes à tous, et rendez-vous à l'année prochaine!
lundi 17 décembre 2007
dimanche 9 décembre 2007
Iran nucléaire : la leçon de 2003
Notre ami Bruno Tertrais vient d'expliquer dans "le Monde" de samedi que le programme nucléaire militaire iranien s'était arrêté en 2003 sous l'effet des pressions internationales. C'est d'ailleurs l'analyse du rapport de la communauté américaine du renseignement.
Pour qui a vécu la période, la réalité est plus nuancée. Depuis la "découverte" de l'usine d'enrichissement de Natanz, en 2002, des pressions croissantes s'exerçaient en effet sur l'Iran et les Américains ne cachaient pas leur intention de le traîner au Conseil de Sécurité. C'est alors que, sous l'impulsion de Dominique de Villepin, trois ministres européens des affaires étrangères, Jack Straw, Joschka Fischer et lui-même, se rendent ensemble à Téhéran pour offrir une sortie de crise. C'est ce geste spectaculaire de bonne volonté qui fait baisser la tension et ramène, au moins provisoirement, les Iraniens sur le droit chemin.
Bruno se désole que la teneur du rapport américain rende aujourd'hui beaucoup plus difficile l'adoption de nouvelles sanctions au Conseil de Sécurité. Qu'il n'aie pas trop de regrets. Ce ne sont pas les sanctions des Nations Unies qui font mal aujourd'hui à l'Iran, mais les vieilles sanctions américaines, toujours en vigueur, et les nouvelles sanctions informelles, sous forme de pressions du Trésor américain sur les banques du monde entier, pour les décourager de traiter avec des Iraniens.
Mais surtout, contrairement à un discours répandu, ce n'est pas en alliant sanctions et offre de dialogue que l'on fera bouger l'Iran. Personne n'a jamais attiré quiconque à soi, même un âne, en agitant simultanément carotte et bâton. Mieux vaut les utiliser en ordre séquentiel. C'est la leçon de l'épisode de 2003.
Or l'on associe depuis deux ans l'offre d'une reprise des négociations avec l'Iran à l'exigence d'une interruption préalable de ses activités d'enrichissement de l'uranium. C'est ce qui occupe depuis deux ans le Conseil de Sécurité. Mais l'Iran, échaudé par une première expérience de suspension sans résultat, fait la sourde oreille. Et faute de négociation, il progresse sans entraves dans la maîtrise de cette technologie sensible. C'est le plus beau cadeau que l'on pouvait faire aux durs du régime. Continuons comme cela, et nous parviendrons en 2009 à faire réélire Ahmadinejad.
Deux ans de perdus, donc. Heureusement, le rapport de la communauté américaine du renseignement nous confirme que nous avons au moins trois ou quatre années devant nous avant que l'Iran ne puisse, s'il s'y décide, produire une bombe. Pourquoi ne pas consacrer le tiers ou le quart de ce temps à une vraie négociation, sans préjugé, sans préalable? Rien n'exclut qu'au fil des premières rencontres, nous parvenions déjà à obtenir des avancées que nous n'obtenons pas aujourd'hui. Rappelons que l'analyse américaine conclut à la capacité du régime iranien à agir rationnellement en termes de coûts et d'avantages.
Et si la négociation échoue, si l'on constate que les Iraniens se dirigent décidément vers la production d'une arme nucléaire, il sera encore amplement temps de revenir à la gamme des mesures coercitives du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Mais ce serait alors sur des bases mieux étayées.
Pour qui a vécu la période, la réalité est plus nuancée. Depuis la "découverte" de l'usine d'enrichissement de Natanz, en 2002, des pressions croissantes s'exerçaient en effet sur l'Iran et les Américains ne cachaient pas leur intention de le traîner au Conseil de Sécurité. C'est alors que, sous l'impulsion de Dominique de Villepin, trois ministres européens des affaires étrangères, Jack Straw, Joschka Fischer et lui-même, se rendent ensemble à Téhéran pour offrir une sortie de crise. C'est ce geste spectaculaire de bonne volonté qui fait baisser la tension et ramène, au moins provisoirement, les Iraniens sur le droit chemin.
Bruno se désole que la teneur du rapport américain rende aujourd'hui beaucoup plus difficile l'adoption de nouvelles sanctions au Conseil de Sécurité. Qu'il n'aie pas trop de regrets. Ce ne sont pas les sanctions des Nations Unies qui font mal aujourd'hui à l'Iran, mais les vieilles sanctions américaines, toujours en vigueur, et les nouvelles sanctions informelles, sous forme de pressions du Trésor américain sur les banques du monde entier, pour les décourager de traiter avec des Iraniens.
Mais surtout, contrairement à un discours répandu, ce n'est pas en alliant sanctions et offre de dialogue que l'on fera bouger l'Iran. Personne n'a jamais attiré quiconque à soi, même un âne, en agitant simultanément carotte et bâton. Mieux vaut les utiliser en ordre séquentiel. C'est la leçon de l'épisode de 2003.
Or l'on associe depuis deux ans l'offre d'une reprise des négociations avec l'Iran à l'exigence d'une interruption préalable de ses activités d'enrichissement de l'uranium. C'est ce qui occupe depuis deux ans le Conseil de Sécurité. Mais l'Iran, échaudé par une première expérience de suspension sans résultat, fait la sourde oreille. Et faute de négociation, il progresse sans entraves dans la maîtrise de cette technologie sensible. C'est le plus beau cadeau que l'on pouvait faire aux durs du régime. Continuons comme cela, et nous parviendrons en 2009 à faire réélire Ahmadinejad.
Deux ans de perdus, donc. Heureusement, le rapport de la communauté américaine du renseignement nous confirme que nous avons au moins trois ou quatre années devant nous avant que l'Iran ne puisse, s'il s'y décide, produire une bombe. Pourquoi ne pas consacrer le tiers ou le quart de ce temps à une vraie négociation, sans préjugé, sans préalable? Rien n'exclut qu'au fil des premières rencontres, nous parvenions déjà à obtenir des avancées que nous n'obtenons pas aujourd'hui. Rappelons que l'analyse américaine conclut à la capacité du régime iranien à agir rationnellement en termes de coûts et d'avantages.
Et si la négociation échoue, si l'on constate que les Iraniens se dirigent décidément vers la production d'une arme nucléaire, il sera encore amplement temps de revenir à la gamme des mesures coercitives du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Mais ce serait alors sur des bases mieux étayées.
jeudi 6 décembre 2007
Attention, rodéo, femmes voilées au volant!
Le chef de la police routière iranienne vient de se plaindre amèrement du comportement de certaines conductrices : "malheureusement, certaines femmes, nouvelles conductrices, ont surpassé les contrevenants professionnels et ont un comportement très dangereux au volant... au cours des deux dernières semaines, la police a saisi les voitures de cinq de ces femmes qui faisaient des zigzags sur les routes, insultaient les autres automobilistes et causaient des troubles pour les citoyens... certaines de ces nouvelles conductrices ont commis pas moins de cinquante infractions en moins d'un an depuis l'obtention de leur permis."
Mais jusqu'où les femmes iront-elles dans l'Iran d'Ahmadinejad? N'y a-t-il plus de limites? Et à pied, cela ne va pas mieux. C'est maintenant le chef de la police de Téhéran qui proteste: "avec le début de l'hiver la police va commencer une campagne visant les femmes qui portent des vêtements inappropriés... les pantalons serrés portés avec de grandes bottes et des manteaux courts sont contraires aux règles islamiques... porter un chapeau ou une casquette sous un voile est également contraire aux règles vestimentaires islamiques."
Pauvre, pauvre Iran! l'Imam Khomeyni doit se retourner dans sa tombe!
Mais jusqu'où les femmes iront-elles dans l'Iran d'Ahmadinejad? N'y a-t-il plus de limites? Et à pied, cela ne va pas mieux. C'est maintenant le chef de la police de Téhéran qui proteste: "avec le début de l'hiver la police va commencer une campagne visant les femmes qui portent des vêtements inappropriés... les pantalons serrés portés avec de grandes bottes et des manteaux courts sont contraires aux règles islamiques... porter un chapeau ou une casquette sous un voile est également contraire aux règles vestimentaires islamiques."
Pauvre, pauvre Iran! l'Imam Khomeyni doit se retourner dans sa tombe!
mardi 27 novembre 2007
Les chacals de Monsieur Poutine
Ça y est, Poutine a sauté le pas en qualifiant publiquement ses adversaires politiques de chacals, tournant autour des ambassades étrangères, en attente de fonds de l'Occident.
J'avais dans une précédente rubrique traité cette question du vocabulaire déshumanisant sur un mode plutôt léger, à propos de la façon dont Sarkozy traitait les fonctionnaires de "petits pois". Mais là, nous sommes devant l'un des marqueurs très significatifs de la tentation totalitaire, qui nous ramène aux mauvais jours des "vipères lubriques", terme visant dans les années 1930 les Trotskistes, des "hyènes capitalistes", voire des "hyènes dactylographes" et des "rats visqueux".
Poutine nous fait donc régresser dans le monde des signes de la société totémique, où l’individu se fond dans la tribu, elle-même dotée de tous les droits, et surtout du droit du plus fort, de l’animal dans lequel elle s’incarne. Et dans ce monde archaïque, les symboles jouent dans les deux sens : aux adversaires les animaux impurs, à soi et aux siens les animaux nobles : loups gris, panthères noires, tigres tamouls et autres. Mais se qualifier ainsi, et qualifier les autres, c’est bien dire que l’on entre dans un monde de combat sans règles, de combat d’animaux où tous les instincts sont mobilisés pour détruire l’adversaire.
Comment détruit-on des chacals ? on tire à vue, on les empoisonne, on les met en cage. C’est ce que l’on a fait à Anna Politkovskaïa, à Alexandre Litvinenko, et maintenant à Garry Kasparov. Pour les animaux nuisibles, il n’y a pas d’Etat de droit. Il y a en revanche des primes de capture et d’abattage. Quel est leur montant dans les officines de M.Poutine ?
J'avais dans une précédente rubrique traité cette question du vocabulaire déshumanisant sur un mode plutôt léger, à propos de la façon dont Sarkozy traitait les fonctionnaires de "petits pois". Mais là, nous sommes devant l'un des marqueurs très significatifs de la tentation totalitaire, qui nous ramène aux mauvais jours des "vipères lubriques", terme visant dans les années 1930 les Trotskistes, des "hyènes capitalistes", voire des "hyènes dactylographes" et des "rats visqueux".
Poutine nous fait donc régresser dans le monde des signes de la société totémique, où l’individu se fond dans la tribu, elle-même dotée de tous les droits, et surtout du droit du plus fort, de l’animal dans lequel elle s’incarne. Et dans ce monde archaïque, les symboles jouent dans les deux sens : aux adversaires les animaux impurs, à soi et aux siens les animaux nobles : loups gris, panthères noires, tigres tamouls et autres. Mais se qualifier ainsi, et qualifier les autres, c’est bien dire que l’on entre dans un monde de combat sans règles, de combat d’animaux où tous les instincts sont mobilisés pour détruire l’adversaire.
Comment détruit-on des chacals ? on tire à vue, on les empoisonne, on les met en cage. C’est ce que l’on a fait à Anna Politkovskaïa, à Alexandre Litvinenko, et maintenant à Garry Kasparov. Pour les animaux nuisibles, il n’y a pas d’Etat de droit. Il y a en revanche des primes de capture et d’abattage. Quel est leur montant dans les officines de M.Poutine ?
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mardi 20 novembre 2007
Un intéressant coup de téléphone
Avant de partir pour l'Iran je tombe sur cet extrait de l'allocution de notre Président aux Français des Etats-Unis, très significative de sa façon de fonctionner et de décider : méfiance à l'égard des fonctionnaires, confiance dans le cercle doré des amis fortunés.
Il s'agit en l'occurrence de la mise en place cet automne de la gratuité pour les élèves de classe de terminale dans les établissements français à l'étranger. Première étape d'une mesure promise en effet par le candidat au cours de sa campagne. Mesure qui n'était soutenue par personne, à droite comme à gauche. Car le bon sens conduisait à constater que la gratuité réservée à la fin du secondaire créait un effet de discrimination difficilement supportable entre niveaux scolaires, et aboutissait à dépenser de l'argent public pour un certain nombre de familles qui n'en avaient pas besoin. La mesure s'applique en effet sans plafond de ressources pour les familles, ni plafond des écolages pour les établissements.
Voici donc les propos du Président :
"Je vais vous parler très librement ... Il y avait tellement de choses à faire que j'étais presque au point de me laisser faire par la machine administrative qui m'avait dit : "naturellement votre engagement de campagne, c'est un engagement de campagne. Il faut l'oublier". "Eh bien, non. Vous allez voir, on va faire la même chose". Oui, c'était peut-être la même chose, mais cela coûtait beaucoup moins cher. Je me suis quand même dit, à un moment, que ce n'était pas tout à fait la même chose, "on va multiplier les bourses, vous allez voir, cela va arriver". Guy m'a téléphoné en me disant que je n'avais pas le droit de faire cela.
Je suis quand même heureux parce que la scolarité en terminale, c'est gratuit et c'est quand même quelque chose qu'il fallait et que j'avais promis. "
Qui est le fameux Guy dont le coup de téléphone a emporté la conviction du Président, contre l'avis de toutes les associations de parents d'élèves, de tous les syndicats d'enseignants, de l'administration des Affaires étrangères et de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger? car tous considéraient que le même argent serait plus utilement et équitablement distribué en abondant le niveau des bourses scolaires, tous niveaux confondus.
Il s'agit de Guy Wildenstein, Français tout à fait honorable, puisqu'il siège à l'Assemblée des Français de l'étranger. Il est aussi marchand d'art connu dans le monde entier, à la tête d'une immense fortune. L'a-t-il constituée à la force du poignet? non, il l'a héritée de son père, lui-même marchand de tableaux, qui avait fait l'essentiel de la réputation de la galerie Wildenstein.
Joue-t-il un rôle social positif, prend-il des risques importants, en promouvant de jeunes créateurs, en défendant l'art contemporain? non, son fond de commerce est la peinture du XVème au XIXème siècle. Son coeur de métier est donc purement spéculatif : il s'agit d'acheter le moins cher possible et de revendre le plus cher possible des artistes morts depuis longtemps, dont la célébrité a été faite par d'autres. Pour être complet, reconnaissons aussi qu'il est un généreux mécène.
Et ajoutons, pour revenir au coeur de notre sujet, qu'il réside à New-York et qu'il a fait toutes ses études au Lycée français de cette ville. A-t-il eu, a-t-il encore en classe terminale de ce célèbre établissement privé des enfants, ou des petits-enfants, ou des neveux, que sais-je? A vrai dire peu importe, mais le monde qu'il fréquente en a certainement. Il ne sont pas dans le besoin. Ils n'ont en particulier besoin ni de bourses, ni de gratuité de l'enseignement. Ce sont eux, cependant, qui ont forgé sur ce sujet la conviction de notre Président.
Il s'agit en l'occurrence de la mise en place cet automne de la gratuité pour les élèves de classe de terminale dans les établissements français à l'étranger. Première étape d'une mesure promise en effet par le candidat au cours de sa campagne. Mesure qui n'était soutenue par personne, à droite comme à gauche. Car le bon sens conduisait à constater que la gratuité réservée à la fin du secondaire créait un effet de discrimination difficilement supportable entre niveaux scolaires, et aboutissait à dépenser de l'argent public pour un certain nombre de familles qui n'en avaient pas besoin. La mesure s'applique en effet sans plafond de ressources pour les familles, ni plafond des écolages pour les établissements.
Voici donc les propos du Président :
"Je vais vous parler très librement ... Il y avait tellement de choses à faire que j'étais presque au point de me laisser faire par la machine administrative qui m'avait dit : "naturellement votre engagement de campagne, c'est un engagement de campagne. Il faut l'oublier". "Eh bien, non. Vous allez voir, on va faire la même chose". Oui, c'était peut-être la même chose, mais cela coûtait beaucoup moins cher. Je me suis quand même dit, à un moment, que ce n'était pas tout à fait la même chose, "on va multiplier les bourses, vous allez voir, cela va arriver". Guy m'a téléphoné en me disant que je n'avais pas le droit de faire cela.
Je suis quand même heureux parce que la scolarité en terminale, c'est gratuit et c'est quand même quelque chose qu'il fallait et que j'avais promis. "
Qui est le fameux Guy dont le coup de téléphone a emporté la conviction du Président, contre l'avis de toutes les associations de parents d'élèves, de tous les syndicats d'enseignants, de l'administration des Affaires étrangères et de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger? car tous considéraient que le même argent serait plus utilement et équitablement distribué en abondant le niveau des bourses scolaires, tous niveaux confondus.
Il s'agit de Guy Wildenstein, Français tout à fait honorable, puisqu'il siège à l'Assemblée des Français de l'étranger. Il est aussi marchand d'art connu dans le monde entier, à la tête d'une immense fortune. L'a-t-il constituée à la force du poignet? non, il l'a héritée de son père, lui-même marchand de tableaux, qui avait fait l'essentiel de la réputation de la galerie Wildenstein.
Joue-t-il un rôle social positif, prend-il des risques importants, en promouvant de jeunes créateurs, en défendant l'art contemporain? non, son fond de commerce est la peinture du XVème au XIXème siècle. Son coeur de métier est donc purement spéculatif : il s'agit d'acheter le moins cher possible et de revendre le plus cher possible des artistes morts depuis longtemps, dont la célébrité a été faite par d'autres. Pour être complet, reconnaissons aussi qu'il est un généreux mécène.
Et ajoutons, pour revenir au coeur de notre sujet, qu'il réside à New-York et qu'il a fait toutes ses études au Lycée français de cette ville. A-t-il eu, a-t-il encore en classe terminale de ce célèbre établissement privé des enfants, ou des petits-enfants, ou des neveux, que sais-je? A vrai dire peu importe, mais le monde qu'il fréquente en a certainement. Il ne sont pas dans le besoin. Ils n'ont en particulier besoin ni de bourses, ni de gratuité de l'enseignement. Ce sont eux, cependant, qui ont forgé sur ce sujet la conviction de notre Président.
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vendredi 16 novembre 2007
carnets de voyage : la France à Kaboul
Pour ceux que cela pourrait intéresser, voici le compte-rendu, pour les membres de Français du Monde-ADFE, de mon voyage à Kaboul dans le cadre de la campagne pour des élections partielles à l'Assemblée des Français de l'étranger dans la circonscription de New Delhi.
Grâce à l'obstination de nos amis d'Islamabad - merci à Valérie et à Faqir Khan! -, nous arrivons avec Paul Graf à embarquer mardi sur le vol humanitaire des Nations Unies, petit avion à hélices de 20 places. En une heure de vol paisible, nous voici à Kaboul, aussitôt pris en charge par l'Ambassade de France.
Arrêt au cimetière des Européens, où nous nous recueillons sur les très modestes tombes des Français et de bien d'autres qui, du XIXème siècle à ces derniers mois, ont donné leur vie à ce pays. En traversant la ville poussiéreuse, encore stigmatisée par plus de vingt années de guerre, nous passons par le quartier des nouveaux puissants du jour, barons de la politique et de la drogue, où se pressent des dizaines de villas toutes neuves, plus kitsch les unes que les autres, au murs couleurs pastel, avec colonnades, frontons et escaliers extérieurs massifs, marbres et stucs ostentatoires.
L'ambassade se trouve au coeur du quartier diplomatique et gouvernemental, lourdement protégé par barbelés, sacs de sable et chicanes. Datant des années 1960, elle a, elle aussi, souffert de temps difficiles. C'est néanmoins, avec ses massifs de roses et sa grande pelouse arborée, un vrai havre de paix. Une dizaine de policiers français, visiblement aguerris, assurent sa sécurité et veillent, avec trois voitures blindées, à la protection des déplacements sensibles.
Mais ce qui frappe en parlant aux uns et aux autres, c'est la faiblesse des moyens humains. Quelques agents à peine pour couvrir non seulement l'évolution de la situation intérieure, mais aussi l'international, l'économique, le consulaire, la coopération. La petite équipe a un moral d'acier, indispensable pour ne pas sombrer dans un environnement extraordinairement difficile.
Tous sont profondément motivés et de la plus haute qualité. Il le faut pour maintenir à flot notre image, alors que des pays aux intérêts proches des nôtres, Grande-Bretagne, Allemagne ou Canada, sans parler des Américains, ont su adapter leurs effectifs aux enjeux, et disposent de moyens sans comparaison avec les nôtres. Ici, comme en d'autres endroits difficiles, Paris demande de faire plus avec moins, et se montre faiblement réactif. Dans des circonstances de ce type, pourquoi ne parvient-on pas à réorienter, au moins pour un temps, quelques agents de postes paisibles et bien pourvus afin de renforcer nos équipes?
Il y a évidemment nos cinq coopérants, conduits par notre ami Michel Ouliac, auprès des deux lycées de tradition française, Malalai pour les filles, Esteqlal pour les garçons : 7.000 élèves au total, avec l'ambition pour notre part d'enseigner à terme en français à partir de la classe de seconde au moins les matières scientifiques, et de diriger les meilleurs éléments vers notre enseignement supérieur. Deux beaux établissements, construits en leur temps par la France. Ils ont eux aussi souffert de l'intervention soviétique et de la guerre, non seulement dans leurs murs, mais encore bien plus par la dispersion du corps enseignant francophone, qu'il faut patiemment reconstituer et motiver. Ils ont néanmoins, avec notre soutien, déjà restauré leur image et leur force d'attraction.
Il y a aussi notre centre culturel, animé avec une foi vibrante par Gabriel Buti. C'est une très belle structure : grand hall polygonal pour les expositions, salle de spectacle de 450 places, bien équipée, médiathèque à la chaleureuse ambiance. Avec de très modestes moyens de fonctionnement, heureusement démultipliés par beaucoup d'imagination, notre centre occupe une place hautement visible, unique en son genre, dans une ville à peu près privée de toute offre culturelle.
Et grâce à l'hospitalité de Michel et Roseline Ouliac, nous avons passé notre unique soirée avec une trentaine de Français (dont une bonne moitié de Françaises!) travaillant ici, soit pour des ONG, soit pour des institutions humanitaires de la famille des Nations Unies. Tous gens de qualité, clairement compétents dans leurs domaines respectifs, parlant avec ferveur de leurs projets, qu'il s'agisse de santé publique, de médecine d'urgence ou réparatrice, d'agriculture et de micro-développement, de lutte contre la drogue, d'adduction d'eau ou tout simplement de logistique associée.
Mais tous aussi se montrent inquiets quant à la pérennité de leurs programmes, alors que l'Afghanistan cède la place dans les médias internationaux à d'autres urgences humanitaires, telles que le Darfour, et que commence à apparaître la fatigue des donateurs. Là comme ailleurs, le secret du succès réside pourtant dans la capacité à maintenir notre aide sur longue durée, en la protégeant des fluctuations des modes, des aléas politiques et stratégiques.
Nous repartons par le même avion des Nations Unies en fin de matinée du mercredi, pour refaire un dernier point avec nos amis d'Islamabad, avant de prendre en début de soirée un bus sur Lahore, où nous arrivons à une heure avancée de la nuit. Quelques heures de sommeil, et départ le lendemain matin, Paul sur Téhéran, moi sur Paris. Mardi prochain, nous nous retrouvons en Iran pour poursuivre la campagne.
Grâce à l'obstination de nos amis d'Islamabad - merci à Valérie et à Faqir Khan! -, nous arrivons avec Paul Graf à embarquer mardi sur le vol humanitaire des Nations Unies, petit avion à hélices de 20 places. En une heure de vol paisible, nous voici à Kaboul, aussitôt pris en charge par l'Ambassade de France.
Arrêt au cimetière des Européens, où nous nous recueillons sur les très modestes tombes des Français et de bien d'autres qui, du XIXème siècle à ces derniers mois, ont donné leur vie à ce pays. En traversant la ville poussiéreuse, encore stigmatisée par plus de vingt années de guerre, nous passons par le quartier des nouveaux puissants du jour, barons de la politique et de la drogue, où se pressent des dizaines de villas toutes neuves, plus kitsch les unes que les autres, au murs couleurs pastel, avec colonnades, frontons et escaliers extérieurs massifs, marbres et stucs ostentatoires.
L'ambassade se trouve au coeur du quartier diplomatique et gouvernemental, lourdement protégé par barbelés, sacs de sable et chicanes. Datant des années 1960, elle a, elle aussi, souffert de temps difficiles. C'est néanmoins, avec ses massifs de roses et sa grande pelouse arborée, un vrai havre de paix. Une dizaine de policiers français, visiblement aguerris, assurent sa sécurité et veillent, avec trois voitures blindées, à la protection des déplacements sensibles.
Mais ce qui frappe en parlant aux uns et aux autres, c'est la faiblesse des moyens humains. Quelques agents à peine pour couvrir non seulement l'évolution de la situation intérieure, mais aussi l'international, l'économique, le consulaire, la coopération. La petite équipe a un moral d'acier, indispensable pour ne pas sombrer dans un environnement extraordinairement difficile.
Tous sont profondément motivés et de la plus haute qualité. Il le faut pour maintenir à flot notre image, alors que des pays aux intérêts proches des nôtres, Grande-Bretagne, Allemagne ou Canada, sans parler des Américains, ont su adapter leurs effectifs aux enjeux, et disposent de moyens sans comparaison avec les nôtres. Ici, comme en d'autres endroits difficiles, Paris demande de faire plus avec moins, et se montre faiblement réactif. Dans des circonstances de ce type, pourquoi ne parvient-on pas à réorienter, au moins pour un temps, quelques agents de postes paisibles et bien pourvus afin de renforcer nos équipes?
Il y a évidemment nos cinq coopérants, conduits par notre ami Michel Ouliac, auprès des deux lycées de tradition française, Malalai pour les filles, Esteqlal pour les garçons : 7.000 élèves au total, avec l'ambition pour notre part d'enseigner à terme en français à partir de la classe de seconde au moins les matières scientifiques, et de diriger les meilleurs éléments vers notre enseignement supérieur. Deux beaux établissements, construits en leur temps par la France. Ils ont eux aussi souffert de l'intervention soviétique et de la guerre, non seulement dans leurs murs, mais encore bien plus par la dispersion du corps enseignant francophone, qu'il faut patiemment reconstituer et motiver. Ils ont néanmoins, avec notre soutien, déjà restauré leur image et leur force d'attraction.
Il y a aussi notre centre culturel, animé avec une foi vibrante par Gabriel Buti. C'est une très belle structure : grand hall polygonal pour les expositions, salle de spectacle de 450 places, bien équipée, médiathèque à la chaleureuse ambiance. Avec de très modestes moyens de fonctionnement, heureusement démultipliés par beaucoup d'imagination, notre centre occupe une place hautement visible, unique en son genre, dans une ville à peu près privée de toute offre culturelle.
Et grâce à l'hospitalité de Michel et Roseline Ouliac, nous avons passé notre unique soirée avec une trentaine de Français (dont une bonne moitié de Françaises!) travaillant ici, soit pour des ONG, soit pour des institutions humanitaires de la famille des Nations Unies. Tous gens de qualité, clairement compétents dans leurs domaines respectifs, parlant avec ferveur de leurs projets, qu'il s'agisse de santé publique, de médecine d'urgence ou réparatrice, d'agriculture et de micro-développement, de lutte contre la drogue, d'adduction d'eau ou tout simplement de logistique associée.
Mais tous aussi se montrent inquiets quant à la pérennité de leurs programmes, alors que l'Afghanistan cède la place dans les médias internationaux à d'autres urgences humanitaires, telles que le Darfour, et que commence à apparaître la fatigue des donateurs. Là comme ailleurs, le secret du succès réside pourtant dans la capacité à maintenir notre aide sur longue durée, en la protégeant des fluctuations des modes, des aléas politiques et stratégiques.
Nous repartons par le même avion des Nations Unies en fin de matinée du mercredi, pour refaire un dernier point avec nos amis d'Islamabad, avant de prendre en début de soirée un bus sur Lahore, où nous arrivons à une heure avancée de la nuit. Quelques heures de sommeil, et départ le lendemain matin, Paul sur Téhéran, moi sur Paris. Mardi prochain, nous nous retrouvons en Iran pour poursuivre la campagne.
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jeudi 15 novembre 2007
carnets de voyage : le Pakistan dans la tourmente
Une semaine de séjour, de longues conversations avec de fins connaisseurs de la région (notamment notre ami Georges Lefeuvre) et la lecture d'une presse écrite abondante, de haute qualité et étonnamment libre, conduisent à la conviction que ce pays de 170 millions d'habitants aborde une tourmente qui pourrait être l'une des pires de son histoire.
Le général-président Musharraf a récemment dissous la Cour suprême qui menaçait de le priver de son poste, et proclamé l'état d'urgence au nom de la lutte contre le terrorisme. La société civile a mal réagi à ce qu'elle considère comme l'instauration de la loi martiale, et Benazir Bhutto a pris la tête des protestations contre cette décision, en réclamant la tenue des élections législatives prévues pour le début de l'année prochaine. Les Etats-Unis, l'Europe, le Commonwealth font pression dans le même sens au nom de la défense des droits de l'Homme et de la démocratie.
Mais le retour à l'ordre et au calendrier constitutionnels n'a rien en soi de rassurant. Il rendrait en effet probable le retour de Benazir, icône en Occident, mais lourdement discréditée dans son pays par sa pratique clanique et corruptrice du pouvoir. Il paraît surtout douteux qu'elle puisse avec son parti, ou même en coalition avec d'autres qui ont, comme le sien, si souvent cédé aux Islamistes, faire face à la montée de l'insurrection talibane qui menace l'Etat pakistanais dans son existence même.
Car le Pakistan, en un effet de dominos, se trouve aujourd'hui déstabilisé par la persistance de la crise afghane. L'intervention américaine a en effet redonné à Ben Laden et à ses "Arabes", éléments importés dont la greffe n'avait pas vraiment pris du temps de la lutte nationale contre les Soviétiques, une nouvelle chance de créer le lien entre un jihad local, résistance séculaire des populations pachtounes contre tout envahisseur, et un jihad global. Ce jihad global qui cherche toutes les occasions, de la Tchétchénie à l'Irak, pour recréer, en opposition à la mondialisation déstructurante conduite par l'Occident, le Califat des origines, la grande communauté des Croyants.
Les Pachtounes, rappelons-le, forment à peu près la moitié de la population de l'Afghanistan, mais sont au moins deux fois plus nombreux dans la zone Nord-Ouest du Pakistan. Pour eux, la frontière qui les sépare n'a aucun sens, elle ne devrait donc pas exister. Et les Islamistes réfugiés dans ce sanctuaire de montagnes s'associent désormais à cette aspiration pour détruire le Pakistan en tant qu'Etat. La proie est autrement plus appétissante que le maigre Afghanistan. C'est certainement pour eux un but en soi, désormais prioritaire. Et ce serait d'ailleurs le meilleur biais pour déloger les Occidentaux de Kaboul et faire tomber le régime qu'ils soutiennent.
Les militants pachtounes, ou Talibans, mènent en ce moment l'offensive pour étendre leur contrôle à toute la zone du Pakistan où leur communauté est majoritaire. Les derniers combats, où ils affrontaient des supplétifs pachtounes comme eux, donc faiblement motivés, leur ont laissé l'avantage du terrain. L'armée régulière se voit obligée de monter au front. Elle est composée majoritairement de Penjabis, ce qui risque d'exacerber les tensions inter-communautaires. Elle n'est pas formée à la contre-guerilla. Il n'est donc pas certain qu'elle fasse beaucoup mieux que toutes les armées du monde qui ont eu à affronter les Pachtounes sur leur territoire.
La mouvance islamiste où se rejoignent un solide fond pakistanais, mais aussi des Tchétchènes, des Ouzbeks et, bien sûr, les Arabes de Ben Laden, soutient cette offensive en portant le fer bien au-delà de la région pachtoune, dans l'ensemble du pays. Ce sont les attentats suicides comme celui de Karachi (140 morts) qui a marqué le retour d'exil de Benazir. C'est aussi la transformation spectaculaire de la Mosquée rouge d'Islamabad en fort retranché, qu'il a fallu réduire par de sanglants combats.
L'on discerne ici la stratégie bien connue qui vise à ajouter au combat frontal la démoralisation de l'arrière : meilleure façon de faire perdre à leur tour le moral aux troupes de première ligne. Or les Américains, dont les trois quarts de l'approvisionnement destiné à leurs troupes en Afghanistan passent par le Pakistan, ne peuvent tolérer l'effondrement de cet Etat. Et ils ne peuvent tolérer qu'un pays doté de l'arme nucléaire tombe entre les mains de fondamentalistes musulmans.
La scène est donc dressée pour une pénétration de l'armée américaine au Pakistan, en appui à l'armée nationale. Bush peut y voir l'occasion de jouer son va-tout avant de quitter la Maison blanche. Avec un peu de chance, il pourrait en effet remporter des succès au moins provisoires et qui sait, mort ou vif, capturer Ben Laden. L'armée pakistanaise, inquiète du défi des Talibans, fait de son côté passer le message qu'elle pourrait enfin accepter la coopération opérationnelle de l'armée américaine.
Mais il y a dans tout cela une part de fuite en avant. Comment l'opinion pakistanaise prendra-t-elle la présence américaine sur son sol? Talibans et Islamistes s'en trouveront-ils légitimés dans leur combat, verront-ils affluer de nouveaux adeptes? Comment par ailleurs combiner les impératifs de la lutte contre le terrorisme et la consolidation de la démocratie? et si l'Amérique en profitait pour à peu près au même moment frapper l'Iran? Alors de l'Euphrate à l'Indus, là où s'était joué le "grand jeu" d'Alexandre, l'on pourrait en 2008 voir monter les flammes d'une large zone de crise.
Le général-président Musharraf a récemment dissous la Cour suprême qui menaçait de le priver de son poste, et proclamé l'état d'urgence au nom de la lutte contre le terrorisme. La société civile a mal réagi à ce qu'elle considère comme l'instauration de la loi martiale, et Benazir Bhutto a pris la tête des protestations contre cette décision, en réclamant la tenue des élections législatives prévues pour le début de l'année prochaine. Les Etats-Unis, l'Europe, le Commonwealth font pression dans le même sens au nom de la défense des droits de l'Homme et de la démocratie.
Mais le retour à l'ordre et au calendrier constitutionnels n'a rien en soi de rassurant. Il rendrait en effet probable le retour de Benazir, icône en Occident, mais lourdement discréditée dans son pays par sa pratique clanique et corruptrice du pouvoir. Il paraît surtout douteux qu'elle puisse avec son parti, ou même en coalition avec d'autres qui ont, comme le sien, si souvent cédé aux Islamistes, faire face à la montée de l'insurrection talibane qui menace l'Etat pakistanais dans son existence même.
Car le Pakistan, en un effet de dominos, se trouve aujourd'hui déstabilisé par la persistance de la crise afghane. L'intervention américaine a en effet redonné à Ben Laden et à ses "Arabes", éléments importés dont la greffe n'avait pas vraiment pris du temps de la lutte nationale contre les Soviétiques, une nouvelle chance de créer le lien entre un jihad local, résistance séculaire des populations pachtounes contre tout envahisseur, et un jihad global. Ce jihad global qui cherche toutes les occasions, de la Tchétchénie à l'Irak, pour recréer, en opposition à la mondialisation déstructurante conduite par l'Occident, le Califat des origines, la grande communauté des Croyants.
Les Pachtounes, rappelons-le, forment à peu près la moitié de la population de l'Afghanistan, mais sont au moins deux fois plus nombreux dans la zone Nord-Ouest du Pakistan. Pour eux, la frontière qui les sépare n'a aucun sens, elle ne devrait donc pas exister. Et les Islamistes réfugiés dans ce sanctuaire de montagnes s'associent désormais à cette aspiration pour détruire le Pakistan en tant qu'Etat. La proie est autrement plus appétissante que le maigre Afghanistan. C'est certainement pour eux un but en soi, désormais prioritaire. Et ce serait d'ailleurs le meilleur biais pour déloger les Occidentaux de Kaboul et faire tomber le régime qu'ils soutiennent.
Les militants pachtounes, ou Talibans, mènent en ce moment l'offensive pour étendre leur contrôle à toute la zone du Pakistan où leur communauté est majoritaire. Les derniers combats, où ils affrontaient des supplétifs pachtounes comme eux, donc faiblement motivés, leur ont laissé l'avantage du terrain. L'armée régulière se voit obligée de monter au front. Elle est composée majoritairement de Penjabis, ce qui risque d'exacerber les tensions inter-communautaires. Elle n'est pas formée à la contre-guerilla. Il n'est donc pas certain qu'elle fasse beaucoup mieux que toutes les armées du monde qui ont eu à affronter les Pachtounes sur leur territoire.
La mouvance islamiste où se rejoignent un solide fond pakistanais, mais aussi des Tchétchènes, des Ouzbeks et, bien sûr, les Arabes de Ben Laden, soutient cette offensive en portant le fer bien au-delà de la région pachtoune, dans l'ensemble du pays. Ce sont les attentats suicides comme celui de Karachi (140 morts) qui a marqué le retour d'exil de Benazir. C'est aussi la transformation spectaculaire de la Mosquée rouge d'Islamabad en fort retranché, qu'il a fallu réduire par de sanglants combats.
L'on discerne ici la stratégie bien connue qui vise à ajouter au combat frontal la démoralisation de l'arrière : meilleure façon de faire perdre à leur tour le moral aux troupes de première ligne. Or les Américains, dont les trois quarts de l'approvisionnement destiné à leurs troupes en Afghanistan passent par le Pakistan, ne peuvent tolérer l'effondrement de cet Etat. Et ils ne peuvent tolérer qu'un pays doté de l'arme nucléaire tombe entre les mains de fondamentalistes musulmans.
La scène est donc dressée pour une pénétration de l'armée américaine au Pakistan, en appui à l'armée nationale. Bush peut y voir l'occasion de jouer son va-tout avant de quitter la Maison blanche. Avec un peu de chance, il pourrait en effet remporter des succès au moins provisoires et qui sait, mort ou vif, capturer Ben Laden. L'armée pakistanaise, inquiète du défi des Talibans, fait de son côté passer le message qu'elle pourrait enfin accepter la coopération opérationnelle de l'armée américaine.
Mais il y a dans tout cela une part de fuite en avant. Comment l'opinion pakistanaise prendra-t-elle la présence américaine sur son sol? Talibans et Islamistes s'en trouveront-ils légitimés dans leur combat, verront-ils affluer de nouveaux adeptes? Comment par ailleurs combiner les impératifs de la lutte contre le terrorisme et la consolidation de la démocratie? et si l'Amérique en profitait pour à peu près au même moment frapper l'Iran? Alors de l'Euphrate à l'Indus, là où s'était joué le "grand jeu" d'Alexandre, l'on pourrait en 2008 voir monter les flammes d'une large zone de crise.
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jeudi 8 novembre 2007
Afghanistan : la grande godille
Tout ceci aura été mis en valeur par les éditorialistes lorsque vous lirez ces lignes, mais je ne résiste pas à l’envie de mettre personnellement en parallèle quatre propos de Nicolas Sarkozy, émis en un délai de six mois.
6 mai 2007, " A vous de juger ", France 2
"Il était certainement utile qu'on les envoie dans la mesure où il y avait un combat contre le terrorisme, mais la présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive… Il y a eu un moment donné pour aider le gouvernement de M. Karzaï, où il fallait faire un certain nombre de choix, et d'ailleurs le président de la République a pris la décision de rapatrier nos forces spéciales et un certain nombre d'éléments. C'est une politique que je poursuivrai."
5 juin 2007, interview au New York Times
"Nous d’avons pas mission de rester la-bas indéfiniment, mais partir maintenant montrerait un manque d’unité avec nos alliés."
27 août 2007, discours aux Ambassadeurs
" Face à des crises internationales telles que celle de l'Irak, il est aujourd'hui établi que le recours unilatéral à la force conduit à l'échec ; mais les institutions multilatérales, qu'elles soient universelles, comme l'ONU, ou régionales, comme l'OTAN, peinent à convaincre de leur efficacité, du Darfour à l'Afghanistan. "
et curieusement, dans le même discours :
" Notre devoir, celui de l'Alliance atlantique, est aussi d'accentuer nos efforts en Afghanistan... Mais nos actions en Afghanistan seraient vaines si, de l'autre côté de la frontière, le Pakistan demeurait le refuge des Talibans et d'Al Qaeda, avant d'en devenir, peut-être, la victime. Je suis convaincu qu'une politique plus déterminée de la part de toutes les autorités pakistanaises est possible et qu'elle est dans leur intérêt à long terme. Nous sommes naturellement prêts à les y aider. "
…Ce qui semble laisser entendre que l’on pourrait intervenir, non seulement en Afghanistan, mais aussi au Pakistan.
Enfin, le 7 novembre, devant le Congrès américain :
"Je vous le dis solennellement aujourd'hui : la France restera engagée en Afghanistan aussi longtemps qu'il le faudra, car ce qui est en cause dans ce pays, c'est l'avenir de nos valeurs et celui de l'Alliance atlantique."
Notons bien désormais que l’avenir de l’OTAN se joue entre Hérat, Kandahar et Kaboul…
Comprendra qui pourra. Ou faut-il comprendre que Nicolas Sarkozy tient à chacun, de l’électeur français au Congressman américain, le discours que celui-ci veut entendre ?
6 mai 2007, " A vous de juger ", France 2
"Il était certainement utile qu'on les envoie dans la mesure où il y avait un combat contre le terrorisme, mais la présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive… Il y a eu un moment donné pour aider le gouvernement de M. Karzaï, où il fallait faire un certain nombre de choix, et d'ailleurs le président de la République a pris la décision de rapatrier nos forces spéciales et un certain nombre d'éléments. C'est une politique que je poursuivrai."
5 juin 2007, interview au New York Times
"Nous d’avons pas mission de rester la-bas indéfiniment, mais partir maintenant montrerait un manque d’unité avec nos alliés."
27 août 2007, discours aux Ambassadeurs
" Face à des crises internationales telles que celle de l'Irak, il est aujourd'hui établi que le recours unilatéral à la force conduit à l'échec ; mais les institutions multilatérales, qu'elles soient universelles, comme l'ONU, ou régionales, comme l'OTAN, peinent à convaincre de leur efficacité, du Darfour à l'Afghanistan. "
et curieusement, dans le même discours :
" Notre devoir, celui de l'Alliance atlantique, est aussi d'accentuer nos efforts en Afghanistan... Mais nos actions en Afghanistan seraient vaines si, de l'autre côté de la frontière, le Pakistan demeurait le refuge des Talibans et d'Al Qaeda, avant d'en devenir, peut-être, la victime. Je suis convaincu qu'une politique plus déterminée de la part de toutes les autorités pakistanaises est possible et qu'elle est dans leur intérêt à long terme. Nous sommes naturellement prêts à les y aider. "
…Ce qui semble laisser entendre que l’on pourrait intervenir, non seulement en Afghanistan, mais aussi au Pakistan.
Enfin, le 7 novembre, devant le Congrès américain :
"Je vous le dis solennellement aujourd'hui : la France restera engagée en Afghanistan aussi longtemps qu'il le faudra, car ce qui est en cause dans ce pays, c'est l'avenir de nos valeurs et celui de l'Alliance atlantique."
Notons bien désormais que l’avenir de l’OTAN se joue entre Hérat, Kandahar et Kaboul…
Comprendra qui pourra. Ou faut-il comprendre que Nicolas Sarkozy tient à chacun, de l’électeur français au Congressman américain, le discours que celui-ci veut entendre ?
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dimanche 4 novembre 2007
Triste naufrage
Lorsque l'on croit à l'importance de la coopération décentralisée et des interventions de la société civile dans les situations d'urgence et dans l'aide au développement, l'on ne peut qu'être abattu par l'affaire de l'Arche de Zoé. Le reportage télévisé du journaliste Marc Gamirian sur l'ensemble de l'opération, que vient de diffuser la chaîne M6, est accablant sur le comportement d'Eric Breteau, son chef de file. Les effets de ce désastre ne manqueront pas de se faire longuement sentir dans nos rapports avec les pays africains, dont la confiance a été fortement ébranlée. Comment en est-on arrivé là?
Les diplomates qui ont géré des situations de crise, avec leur afflux d'ONG humanitaires (j'ai pour ma part connu cela avec le tremblement de terre de Bam, en Iran, qui a tué en quelques secondes 30.000 personnes le lendemain de Noël 2003) savent toute l'importance du rôle de conseil, de coordination et d'appui d'une ambassade bien mobilisée et connaissant son terrain. Un certain nombre de volontaires débarque en effet avec plus de bonne volonté que de capacité à agir, du moins dans l'immédiat. Beaucoup demandent, parfois impérieusement, qu'on les aide à débloquer leur matériel de la douane ou à trouver des moyens locaux d'acheminement sur les lieux de l'opération. Souvent quelques conseils très simples de comportement, quelques mises en contact (par exemple pour trouver de bons guides et interprètes) leur permettent d'éviter de lourdes erreurs. Tous sont évidemment anxieux de démontrer leurs capacités dans un monde qui est, à sa façon, très concurrentiel quand il s'agit ensuite de l'emporter dans des appels à projets européens ou multilatéraux.
Et c'est très bien ainsi. Car les ONG, la société civile, ne peuvent pas tout faire. Et l'administration d'Etat non plus. C'est de leur bonne collaboration que peuvent sortir des opérations réussies, qu'il s'agisse d'humanitaire ou d'aide dans la durée au développement.
Dans le cas de l'Arche de Zoé, l'on voit que l'ambassade de France et l'armée française ont cru bien faire en apportant à cette équipe toute l'aide possible, d'autant qu'Eric Breteau leur a soigneusement dissimulé le but ultime de l'opération. Manifestement, comme disent les militaires, elles n'ont pas "percuté".
Mais ce but d'exfiltration des enfants était, lui, connu du cabinet de Rama Yade et des services parisiens, de même que les noms des responsables de l'association qu'ils avaient reçus à plusieurs reprises. L'Ambassade n'en aurait-elle pas été informée? Il est pourtant de règle, quand un service parisien est saisi d'une affaire de ce genre, d'alerter aussitôt l'ambassade concernée par télégramme, et vice-versa. Pour ce qui concerne la responsabilité du ministère des Affaires étrangères et européennes, c'est la question essentielle.
Si Rama Yade et ses collaborateurs n'ont pas répercuté l'information qu'ils détenaient, ils sont responsables. S'ils l'ont fait et que l'ambassade n'a pas correctement exploité l'information, c'est elle la responsable. Espérons que l'inspection demandée par le Premier Ministre fera la clarté au plus vite sur ce point crucial. Il y va de la bonne information des Français, et de la confiance qu'eux aussi peuvent faire, ou non, aux membres de leur gouvernement et à leur administration.
Les diplomates qui ont géré des situations de crise, avec leur afflux d'ONG humanitaires (j'ai pour ma part connu cela avec le tremblement de terre de Bam, en Iran, qui a tué en quelques secondes 30.000 personnes le lendemain de Noël 2003) savent toute l'importance du rôle de conseil, de coordination et d'appui d'une ambassade bien mobilisée et connaissant son terrain. Un certain nombre de volontaires débarque en effet avec plus de bonne volonté que de capacité à agir, du moins dans l'immédiat. Beaucoup demandent, parfois impérieusement, qu'on les aide à débloquer leur matériel de la douane ou à trouver des moyens locaux d'acheminement sur les lieux de l'opération. Souvent quelques conseils très simples de comportement, quelques mises en contact (par exemple pour trouver de bons guides et interprètes) leur permettent d'éviter de lourdes erreurs. Tous sont évidemment anxieux de démontrer leurs capacités dans un monde qui est, à sa façon, très concurrentiel quand il s'agit ensuite de l'emporter dans des appels à projets européens ou multilatéraux.
Et c'est très bien ainsi. Car les ONG, la société civile, ne peuvent pas tout faire. Et l'administration d'Etat non plus. C'est de leur bonne collaboration que peuvent sortir des opérations réussies, qu'il s'agisse d'humanitaire ou d'aide dans la durée au développement.
Dans le cas de l'Arche de Zoé, l'on voit que l'ambassade de France et l'armée française ont cru bien faire en apportant à cette équipe toute l'aide possible, d'autant qu'Eric Breteau leur a soigneusement dissimulé le but ultime de l'opération. Manifestement, comme disent les militaires, elles n'ont pas "percuté".
Mais ce but d'exfiltration des enfants était, lui, connu du cabinet de Rama Yade et des services parisiens, de même que les noms des responsables de l'association qu'ils avaient reçus à plusieurs reprises. L'Ambassade n'en aurait-elle pas été informée? Il est pourtant de règle, quand un service parisien est saisi d'une affaire de ce genre, d'alerter aussitôt l'ambassade concernée par télégramme, et vice-versa. Pour ce qui concerne la responsabilité du ministère des Affaires étrangères et européennes, c'est la question essentielle.
Si Rama Yade et ses collaborateurs n'ont pas répercuté l'information qu'ils détenaient, ils sont responsables. S'ils l'ont fait et que l'ambassade n'a pas correctement exploité l'information, c'est elle la responsable. Espérons que l'inspection demandée par le Premier Ministre fera la clarté au plus vite sur ce point crucial. Il y va de la bonne information des Français, et de la confiance qu'eux aussi peuvent faire, ou non, aux membres de leur gouvernement et à leur administration.
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mardi 30 octobre 2007
Nicolas et la Bombe
Depuis bientôt six mois que nous voyons notre président à l'oeuvre, une question me travaille. Peut-on être totalement tranquille à l'idée que Nicolas Sarkozy ait à portée de doigt, de par sa fonction de Chef des Armées, le bouton nucléaire?
Question saugrenue? qui ne se pose pas aujourd'hui? Mais si la France se donne la peine, près de vingt ans après la fin de la guerre froide, de maintenir en veille permanente, toujours prêtes à frapper, nos forces nucléaires aériennes et sous-marines, c'est bien parce que nos dirigeants estiment qu'à tout moment, aussi improbable que cela puisse paraître, il y a au moins un risque résiduel que, par un enchaînement de circonstances imprévisibles, la question puisse se poser. Sinon, pourquoi se fatiguer?
Et je reviens à mon souci. Peut-on faire confiance à Nicolas Sarkozy pour gérer une situation de ce type avec la détermination, mais aussi la maîtrise de soi, la hauteur de vues, le sens des responsabilités indispensables? Devant le fameux bouton, compte tenu de ce que l'on perçoit de son profil, pourrait-il faire le mauvais choix?
Bien sûr, à vue humaine, on ne va pas faire la guerre à la Russie. Mais Chirac avait laissé entendre que face à une entreprise terroriste qui menacerait nos intérêts vitaux, la France pourrait envisager de mettre en oeuvre l'arme nucléaire. Et l'on sait que notre dispositif a été repensé pour n'être pas prisonnier d'un seul scénario, celui de frappes de destruction massive. Dans le même ordre d’idées, rappelons que les Etats-Unis maintiennent, et même améliorent, leur capacité d'utiliser des engins atomiques très précis pour détruire des cibles invulnérables à des bombes classiques. De tels cas de figure pourraient se présenter un jour ou l'autre, et qui sait, plus rapidement que prévu. C'est peut-être ce qu'a voulu dire Kouchner en disant qu'il fallait "se préparer au pire, c'est-à-dire à la guerre".
Donc, comment se comporterait l'homme que nous connaissons dans une situation de ce genre?
Vous vous souvenez de la question que l'on posait en Amérique à propos de Nixon :"achèteriez-vous une bagnole d'occasion à ce type?". Si on me la posait à propos de Nicolas Sarkozy, je répondrai oui à la rigueur, si j'arrive à lui faire croire que je suis riche et célèbre (et expatrié fiscal en Suisse). Car dans ce cas, j’arriverais peut-être à lui tirer un bon prix.
Mais je répondrais non s'il fallait lui confier les clefs de ma voiture. C'est sûr, elle n'est pas flambante. Mais nerveux et impulsif comme il est, j'aurais trop peur qu'il me la ramène toute esquintée. Alors la clef des codes atomiques...
Question saugrenue? qui ne se pose pas aujourd'hui? Mais si la France se donne la peine, près de vingt ans après la fin de la guerre froide, de maintenir en veille permanente, toujours prêtes à frapper, nos forces nucléaires aériennes et sous-marines, c'est bien parce que nos dirigeants estiment qu'à tout moment, aussi improbable que cela puisse paraître, il y a au moins un risque résiduel que, par un enchaînement de circonstances imprévisibles, la question puisse se poser. Sinon, pourquoi se fatiguer?
Et je reviens à mon souci. Peut-on faire confiance à Nicolas Sarkozy pour gérer une situation de ce type avec la détermination, mais aussi la maîtrise de soi, la hauteur de vues, le sens des responsabilités indispensables? Devant le fameux bouton, compte tenu de ce que l'on perçoit de son profil, pourrait-il faire le mauvais choix?
Bien sûr, à vue humaine, on ne va pas faire la guerre à la Russie. Mais Chirac avait laissé entendre que face à une entreprise terroriste qui menacerait nos intérêts vitaux, la France pourrait envisager de mettre en oeuvre l'arme nucléaire. Et l'on sait que notre dispositif a été repensé pour n'être pas prisonnier d'un seul scénario, celui de frappes de destruction massive. Dans le même ordre d’idées, rappelons que les Etats-Unis maintiennent, et même améliorent, leur capacité d'utiliser des engins atomiques très précis pour détruire des cibles invulnérables à des bombes classiques. De tels cas de figure pourraient se présenter un jour ou l'autre, et qui sait, plus rapidement que prévu. C'est peut-être ce qu'a voulu dire Kouchner en disant qu'il fallait "se préparer au pire, c'est-à-dire à la guerre".
Donc, comment se comporterait l'homme que nous connaissons dans une situation de ce genre?
Vous vous souvenez de la question que l'on posait en Amérique à propos de Nixon :"achèteriez-vous une bagnole d'occasion à ce type?". Si on me la posait à propos de Nicolas Sarkozy, je répondrai oui à la rigueur, si j'arrive à lui faire croire que je suis riche et célèbre (et expatrié fiscal en Suisse). Car dans ce cas, j’arriverais peut-être à lui tirer un bon prix.
Mais je répondrais non s'il fallait lui confier les clefs de ma voiture. C'est sûr, elle n'est pas flambante. Mais nerveux et impulsif comme il est, j'aurais trop peur qu'il me la ramène toute esquintée. Alors la clef des codes atomiques...
jeudi 25 octobre 2007
Lagardère, EADS et la loi salique
Le jeune Arnaud Lagardère s’explique en ce moment dans divers enceintes : l’Assemblée générale d’EADS, l’Autorité des marchés financiers, des commissions parlementaires… Tout ceci ouvre d’intéressants aperçus sur les entrailles du capitalisme au plus haut niveau.
Rappelons que la constitution de ce groupe européen de la défense, de l’aéronautique et de l’espace a été conçue et réalisée au sein du cabinet de Lionel Jospin. La clef de voûte en était la forte personnalité de Jean-Luc Lagardère, industriel de haute volée, certainement sans états d’âmes, mais avec une vision stratégique des intérêts de son entreprise de pointe, Matra, qu’il percevait comme liés aux intérêts de la «maison France» et même de la «maison Europe».
C’est en partant de là que Lionel Jospin, soutenu par Dominique Strauss-Kahn, a fait le pari de la privatisation du fleuron public qu’était l’Aérospatiale et de sa fusion dans un grand groupe européen, pour l’essentiel franco-allemand (mais dont le siège est aux Pays-Bas, pour des raisons fiscales et autres que je vous laisse deviner). Et l’Etat français, sur la foi des engagements de Jean-Luc Lagardère, a d’avance renoncé à peser sur la gestion du nouveau groupe. EADS est né.
En 2003, Jean-Luc Lagardère meurt à la suite d’une opération de la hanche. Il avait 75 ans. Et son fils Arnaud lui succède à l’âge de 42 ans. On ne connaissait alors à ce jeune homme aucun talent particulier. On n’en a pas découvert depuis. Il aime le sport, et surtout le tennis. Il s'intéresse beaucoup plus à la dernière passion de son père, la presse et les médias, qu'à l'aéronautique, l'espace et la défense. Voilà pourtant l'homme qui pèse, dans une mesure non négligeable, sur l'avenir de notre pays et de l'Europe dans des secteurs stratégiques.
Inutile de raconter les catastrophes qui ont suivi. Ce qui est intéressant en cette affaire est de voir que des enjeux d'un tel niveau, dans des sociétés aussi développées, aussi sophistiquées que les nôtres, se trouvent soumis aux aléas de circonstances remontant à la nuit des temps : la maladie, la mort subite, l'application d'une loi gothique comme la loi salique en matière de succession.
Et encore, dans beaucoup de sociétés primitives, ou même de sociétés traditionnelles contemporaines, les successions s'organisent à l'avance, et l'on choisit dans l'entourage du chef, même si le lien du sang est parfois fort ténu, voire inexistant, celui qui est collectivement jugé le plus apte à lui succéder. Ce qui fonctionne au fond de la jungle birmane, ou pour le royaume d'Arabie saoudite, ne peut donc pas s’appliquer à la tête d’une entreprise de pointe comme EADS? Où est alors la rationalité du système capitaliste, qu'on nous présente comme un modèle indépassable pour le progrès de nos sociétés?
Et pour la bonne bouche, une intéressante citation d'Arnaud Lagardère, attestée par plusieurs personnes: «C’est quoi l’indépendance en matière de presse ? Du pipeau. Avant de savoir s’ils sont indépendants, les journalistes feraient mieux de savoir si leur journal est pérenne.» Voilà comment l'on en vient à virer Alain Genestar de la direction de Paris Match pour avoir publié des photos de Cécilia en galante compagnie, ou que l'on gomme le disgracieux pneu qui orne le ventre de notre Président lorsqu'il se fait photographier en maillot de bain.
Rappelons que la constitution de ce groupe européen de la défense, de l’aéronautique et de l’espace a été conçue et réalisée au sein du cabinet de Lionel Jospin. La clef de voûte en était la forte personnalité de Jean-Luc Lagardère, industriel de haute volée, certainement sans états d’âmes, mais avec une vision stratégique des intérêts de son entreprise de pointe, Matra, qu’il percevait comme liés aux intérêts de la «maison France» et même de la «maison Europe».
C’est en partant de là que Lionel Jospin, soutenu par Dominique Strauss-Kahn, a fait le pari de la privatisation du fleuron public qu’était l’Aérospatiale et de sa fusion dans un grand groupe européen, pour l’essentiel franco-allemand (mais dont le siège est aux Pays-Bas, pour des raisons fiscales et autres que je vous laisse deviner). Et l’Etat français, sur la foi des engagements de Jean-Luc Lagardère, a d’avance renoncé à peser sur la gestion du nouveau groupe. EADS est né.
En 2003, Jean-Luc Lagardère meurt à la suite d’une opération de la hanche. Il avait 75 ans. Et son fils Arnaud lui succède à l’âge de 42 ans. On ne connaissait alors à ce jeune homme aucun talent particulier. On n’en a pas découvert depuis. Il aime le sport, et surtout le tennis. Il s'intéresse beaucoup plus à la dernière passion de son père, la presse et les médias, qu'à l'aéronautique, l'espace et la défense. Voilà pourtant l'homme qui pèse, dans une mesure non négligeable, sur l'avenir de notre pays et de l'Europe dans des secteurs stratégiques.
Inutile de raconter les catastrophes qui ont suivi. Ce qui est intéressant en cette affaire est de voir que des enjeux d'un tel niveau, dans des sociétés aussi développées, aussi sophistiquées que les nôtres, se trouvent soumis aux aléas de circonstances remontant à la nuit des temps : la maladie, la mort subite, l'application d'une loi gothique comme la loi salique en matière de succession.
Et encore, dans beaucoup de sociétés primitives, ou même de sociétés traditionnelles contemporaines, les successions s'organisent à l'avance, et l'on choisit dans l'entourage du chef, même si le lien du sang est parfois fort ténu, voire inexistant, celui qui est collectivement jugé le plus apte à lui succéder. Ce qui fonctionne au fond de la jungle birmane, ou pour le royaume d'Arabie saoudite, ne peut donc pas s’appliquer à la tête d’une entreprise de pointe comme EADS? Où est alors la rationalité du système capitaliste, qu'on nous présente comme un modèle indépassable pour le progrès de nos sociétés?
Et pour la bonne bouche, une intéressante citation d'Arnaud Lagardère, attestée par plusieurs personnes: «C’est quoi l’indépendance en matière de presse ? Du pipeau. Avant de savoir s’ils sont indépendants, les journalistes feraient mieux de savoir si leur journal est pérenne.» Voilà comment l'on en vient à virer Alain Genestar de la direction de Paris Match pour avoir publié des photos de Cécilia en galante compagnie, ou que l'on gomme le disgracieux pneu qui orne le ventre de notre Président lorsqu'il se fait photographier en maillot de bain.
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jeudi 18 octobre 2007
journée mondiale bla bla bla
J'adore le dernier communiqué du Quai d'Orsay sur la journée mondiale de la misère. Le voilà, à déguster bien installé dans son fauteuil :
"La France s'associe à la journée mondiale du refus de la misère, co-organisée par l'ONU et ATD Quart-monde, dont nous célébrons aujourd'hui le 20ème anniversaire.
La France, qui participe activement à la lutte conte la misère menée par les organisations internationales, a porté la question de l'extrême pauvreté aux Nations unies dans le prolongement des actions entreprises par le père Wresinski.
L'extrême pauvreté empêche les plus vulnérables de jouir de leurs droits fondamentaux. Elle constitue une atteinte inadmissible à la dignité de la personne. Il convient de la combattre en rendant effectifs les droits existants, dont chaque être humain doit pouvoir jouir.
C'est dans cet esprit que nous soutenons, en liaison avec ATD Quart monde, l'émergence de principes directeurs sur l'extrême pauvreté au Conseil des Droits de l'Homme et que nous allons demander le renouvellement du mandat de l'expert indépendant des Nations unies sur les Droits de l'Homme et l'extrême pauvreté.
La France ne ménagera pas ses efforts pour que de nouveaux progrès dans la lutte contre la misère puissent être accomplis au sein des enceintes multilatérales."
Le paragraphe central qui explique que la misère empêche les gens d'accéder à leurs droits fondamentaux, et que pour la combattre il faut rendre effectifs ces mêmes droits fondamentaux laisse en particulier rêveur. C'est le serpent qui se mort la queue. Imaginons un instant que ces droits fondamentaux deviennent effectifs. Comment les gens pourront-ils y accéder puisqu'ils sont toujours dans la misère?
A moins que ces droits fondamentaux, en devenant effectifs, ne suppriment aussitôt la misère? C'est cela, j'ai compris. le Quai d'Orsay veut nous faire passer le lumineux message que le droit fondamental de tous les miséreux c'est la suppression de la misère. Sommes-nous plus avancés?
Mais si, le Quai d'Orsay nous donne ensuite la formule. Deux choses très importantes à faire pour faire disparaître la misère. D'abord, faire émerger des principes directeurs sur l'extrême pauvreté au Conseil des Droits de l'Homme. Ensuite renouveler le mandat de l'expert des Nations Unies sur la question. Deux tâches herculéennes. La Patrie des Droits de l'Homme va-t-elle y arriver? On retient son souffle...
Après un tel communiqué, la misère qui règne sur ce bas monde doit se sentir dans ses petits souliers. Car la France, vous l'avez lu, "ne ménage pas ses efforts". La misère peut-elle continuer encore longtemps à embêter les pauvres? Si j'en crois le Quai d'Orsay, je ne donnerais pas cher de sa peau.
"La France s'associe à la journée mondiale du refus de la misère, co-organisée par l'ONU et ATD Quart-monde, dont nous célébrons aujourd'hui le 20ème anniversaire.
La France, qui participe activement à la lutte conte la misère menée par les organisations internationales, a porté la question de l'extrême pauvreté aux Nations unies dans le prolongement des actions entreprises par le père Wresinski.
L'extrême pauvreté empêche les plus vulnérables de jouir de leurs droits fondamentaux. Elle constitue une atteinte inadmissible à la dignité de la personne. Il convient de la combattre en rendant effectifs les droits existants, dont chaque être humain doit pouvoir jouir.
C'est dans cet esprit que nous soutenons, en liaison avec ATD Quart monde, l'émergence de principes directeurs sur l'extrême pauvreté au Conseil des Droits de l'Homme et que nous allons demander le renouvellement du mandat de l'expert indépendant des Nations unies sur les Droits de l'Homme et l'extrême pauvreté.
La France ne ménagera pas ses efforts pour que de nouveaux progrès dans la lutte contre la misère puissent être accomplis au sein des enceintes multilatérales."
Le paragraphe central qui explique que la misère empêche les gens d'accéder à leurs droits fondamentaux, et que pour la combattre il faut rendre effectifs ces mêmes droits fondamentaux laisse en particulier rêveur. C'est le serpent qui se mort la queue. Imaginons un instant que ces droits fondamentaux deviennent effectifs. Comment les gens pourront-ils y accéder puisqu'ils sont toujours dans la misère?
A moins que ces droits fondamentaux, en devenant effectifs, ne suppriment aussitôt la misère? C'est cela, j'ai compris. le Quai d'Orsay veut nous faire passer le lumineux message que le droit fondamental de tous les miséreux c'est la suppression de la misère. Sommes-nous plus avancés?
Mais si, le Quai d'Orsay nous donne ensuite la formule. Deux choses très importantes à faire pour faire disparaître la misère. D'abord, faire émerger des principes directeurs sur l'extrême pauvreté au Conseil des Droits de l'Homme. Ensuite renouveler le mandat de l'expert des Nations Unies sur la question. Deux tâches herculéennes. La Patrie des Droits de l'Homme va-t-elle y arriver? On retient son souffle...
Après un tel communiqué, la misère qui règne sur ce bas monde doit se sentir dans ses petits souliers. Car la France, vous l'avez lu, "ne ménage pas ses efforts". La misère peut-elle continuer encore longtemps à embêter les pauvres? Si j'en crois le Quai d'Orsay, je ne donnerais pas cher de sa peau.
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samedi 13 octobre 2007
Nicolas aime les petits pois
Avez-vous remarqué l'intérêt de notre Président pour les petits pois? Il y a quelque temps, il qualifiait ainsi de hauts magistrats. Plus récemment, c'est à des petits pois, tous semblables, tous bien calibrés, qu'il comparait les fonctionnaires. Et en une autre occasion, il invitait les parlementaires de sa majorité à ne pas leur ressembler.
Dans le langage politique , les images de ce genre ne sont pas innocentes. Par exemple, un seuil symbolique est franchi lorsque l'on traite ses adversaires de noms d'animaux. Ceci implique qu'on peut les éliminer sans état d'âme. C'est ainsi vrai des rats, des cloportes, des moucherons. L’on se souvient des hyènes capitalistes et des vipères lubriques de la grande époque de l’Union soviétique. Ceux qui ont connu la guerre d'Algérie ont en mémoire les communiqués de fins d'opération donnant le nombre de « rebelles abattus ». On exécute, on tue des humains, on abat les animaux, dans des abattoirs. C’était nier aux gens d’en face la qualité d’homme.
Mitterrand, une fois, a traité des gens de chiens, après la mort de Pierre Bérégovoy, qu’il imputait aux journalistes. Sans doute était-ce voulu, mais l’émotion a été considérable.
On a aussi les « mort aux vaches ! ». Mais là, c’est moins méchant. Sans doute parce que l'expression ne vient pas de l’animal, même si tout le monde l’a oublié, mais du mot allemand « die Wache », la garde.
Encore plus bas que les animaux, il y a les choses : roulure, traînée, paillasse, boudin et j’en passe. Là, ce sont plutôt, qui sait pourquoi, les femmes qui trinquent. A côté de ces qualificatifs, celui de souris est presque affectueux. Il y a aussi les numéros, les matricules qui réduisent les êtres humains à des chiffres dans une colonne.
Et il y a maintenant les petits pois : minuscules, insipides, asexués, uniformes dans leur taille et leur couleur, indiscernables les uns des autres, qu’on avale ou qu’on écrase d’un coup de fourchette. Voilà le peuple des petits pois. J’en suis, vous en êtes. Que l’œil du Président se pose sur nous, et l’on se dit qu’il va peut-être nous gober sans penser à mal. 60 millions de petits pois, pardon 60 millions de Français, non, non, de petits pois, cela fait combien de repas à l’Elysée ?
Dans le langage politique , les images de ce genre ne sont pas innocentes. Par exemple, un seuil symbolique est franchi lorsque l'on traite ses adversaires de noms d'animaux. Ceci implique qu'on peut les éliminer sans état d'âme. C'est ainsi vrai des rats, des cloportes, des moucherons. L’on se souvient des hyènes capitalistes et des vipères lubriques de la grande époque de l’Union soviétique. Ceux qui ont connu la guerre d'Algérie ont en mémoire les communiqués de fins d'opération donnant le nombre de « rebelles abattus ». On exécute, on tue des humains, on abat les animaux, dans des abattoirs. C’était nier aux gens d’en face la qualité d’homme.
Mitterrand, une fois, a traité des gens de chiens, après la mort de Pierre Bérégovoy, qu’il imputait aux journalistes. Sans doute était-ce voulu, mais l’émotion a été considérable.
On a aussi les « mort aux vaches ! ». Mais là, c’est moins méchant. Sans doute parce que l'expression ne vient pas de l’animal, même si tout le monde l’a oublié, mais du mot allemand « die Wache », la garde.
Encore plus bas que les animaux, il y a les choses : roulure, traînée, paillasse, boudin et j’en passe. Là, ce sont plutôt, qui sait pourquoi, les femmes qui trinquent. A côté de ces qualificatifs, celui de souris est presque affectueux. Il y a aussi les numéros, les matricules qui réduisent les êtres humains à des chiffres dans une colonne.
Et il y a maintenant les petits pois : minuscules, insipides, asexués, uniformes dans leur taille et leur couleur, indiscernables les uns des autres, qu’on avale ou qu’on écrase d’un coup de fourchette. Voilà le peuple des petits pois. J’en suis, vous en êtes. Que l’œil du Président se pose sur nous, et l’on se dit qu’il va peut-être nous gober sans penser à mal. 60 millions de petits pois, pardon 60 millions de Français, non, non, de petits pois, cela fait combien de repas à l’Elysée ?
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lundi 8 octobre 2007
jusqu'où peut-on changer le Parti Socialiste? (4/4)
Avec ce quatrième papier, j'aborde la dernière question posée en introduction de ma réflexion sur l'évolution du Parti Socialiste :
"Jusqu'où peut-on aller dans la volonté de rassemblement sans diluer notre propre identité?"
Avant d'explorer l'avenir, il est toujours bon d'interroger le passé. Nous vivons en ce moment une période de désarroi, mêlée à la conviction qu'il nous faut profondément rénover notre parti pour pénétrer dans une nouvelle époque. Avec l'extinction du Parti Communiste, nous arrivons aussi à la fin d'un cycle ouvert en 1920 où le monde du travail était représenté par deux mouvements en dure concurrence. François Mitterrand, comme chacun sait, a beaucoup contribué à affaiblir le Parti Communiste. L''effondrement du Bloc soviétique a tari sa raison d'être. Aujourd'hui, si mal en point que nous soyons, nous sommes les seuls à gauche, à l'exception quelques groupuscules. Le terrain est dégagé pour reconstruire.
Mais en 1920, précisément, alors que le Parti Socialiste, après quinze ans d'unité sous le label de la SFIO, subissait les assauts de la nouvelle Internationale Communiste, que disait Léon Blum pour sauver ce qui pouvait rester de la "vieille maison"?
"Le Parti était un parti de recrutement aussi large que possible et pour cette raison bien simple, c'est que, comme le disaient Marx et Engels dans "Le Manifeste communiste", en l'appliquant au vrai Parti communiste, au Parti communiste d'autrefois, le socialisme n'est pas un parti face à d'autres partis. Il est la classe ouvrière toute entière. Son objet, c'est de rassembler, par leur communauté de classe, les travailleurs de tous les pays".
Et un peu plus loin :
"Il n'y a pas d'autre limite à un parti socialiste, dans l'étendue et le nombre, que le nombre des travailleurs et des salariés. Notre parti était donc un parti de recrutement aussi large que possible. Comme tel, il était un parti de liberté de pensée, car les deux idées se tiennent et l'une dérive nécessairement de l'autre. Si vous voulez grouper dans le même parti tous les travailleurs, tous les salariés, tous les exploités, vous ne pouvez les rassembler que sur des formules simples et générales."
Voilà ce qui, à mon avis, devrait être pour nous une source d'inspiration. En termes d'aujourd'hui, notre Parti a vocation a représenter l'ensemble du monde salarial et tous ceux dont le travail forme la source principale de revenu. C'est ce monde que nous devons reconquérir à partir d'idées simples.
Donc, pas trop de commissions, de sous-commissions et de rapports. Quelles idées peuvent nous permettre de convaincre au-delà des viviers actuels de notre Parti - les intellectuels, les fonctionnaires...-, d'atteindre le peuple des entreprises, les jeunes, notamment chez les jeunes débutant dans la vie professionnelle? et s'il faut aller chasser sur les terrres du centrisme, pourquoi pas? Comme le disait plaisamment un vieux dirigeant de gauche : "c'est chez les civils qu'on recrute les militaires, c'est chez les non-socialistes que l'on doit recruter les socialistes".
Et si dans ce processus, nous pouvions découvrir en notre sein un grand dirigeant, un dirigeant fédérateur de toutes les énergies, comme Jaurès, comme Blum, un dirigeant capable de regrouper et de mettre au travail la génération suivante, comme l'a été Mitterrand, alors nous serions comblés. Les victoires à venir seraient assurées!
"Jusqu'où peut-on aller dans la volonté de rassemblement sans diluer notre propre identité?"
Avant d'explorer l'avenir, il est toujours bon d'interroger le passé. Nous vivons en ce moment une période de désarroi, mêlée à la conviction qu'il nous faut profondément rénover notre parti pour pénétrer dans une nouvelle époque. Avec l'extinction du Parti Communiste, nous arrivons aussi à la fin d'un cycle ouvert en 1920 où le monde du travail était représenté par deux mouvements en dure concurrence. François Mitterrand, comme chacun sait, a beaucoup contribué à affaiblir le Parti Communiste. L''effondrement du Bloc soviétique a tari sa raison d'être. Aujourd'hui, si mal en point que nous soyons, nous sommes les seuls à gauche, à l'exception quelques groupuscules. Le terrain est dégagé pour reconstruire.
Mais en 1920, précisément, alors que le Parti Socialiste, après quinze ans d'unité sous le label de la SFIO, subissait les assauts de la nouvelle Internationale Communiste, que disait Léon Blum pour sauver ce qui pouvait rester de la "vieille maison"?
"Le Parti était un parti de recrutement aussi large que possible et pour cette raison bien simple, c'est que, comme le disaient Marx et Engels dans "Le Manifeste communiste", en l'appliquant au vrai Parti communiste, au Parti communiste d'autrefois, le socialisme n'est pas un parti face à d'autres partis. Il est la classe ouvrière toute entière. Son objet, c'est de rassembler, par leur communauté de classe, les travailleurs de tous les pays".
Et un peu plus loin :
"Il n'y a pas d'autre limite à un parti socialiste, dans l'étendue et le nombre, que le nombre des travailleurs et des salariés. Notre parti était donc un parti de recrutement aussi large que possible. Comme tel, il était un parti de liberté de pensée, car les deux idées se tiennent et l'une dérive nécessairement de l'autre. Si vous voulez grouper dans le même parti tous les travailleurs, tous les salariés, tous les exploités, vous ne pouvez les rassembler que sur des formules simples et générales."
Voilà ce qui, à mon avis, devrait être pour nous une source d'inspiration. En termes d'aujourd'hui, notre Parti a vocation a représenter l'ensemble du monde salarial et tous ceux dont le travail forme la source principale de revenu. C'est ce monde que nous devons reconquérir à partir d'idées simples.
Donc, pas trop de commissions, de sous-commissions et de rapports. Quelles idées peuvent nous permettre de convaincre au-delà des viviers actuels de notre Parti - les intellectuels, les fonctionnaires...-, d'atteindre le peuple des entreprises, les jeunes, notamment chez les jeunes débutant dans la vie professionnelle? et s'il faut aller chasser sur les terrres du centrisme, pourquoi pas? Comme le disait plaisamment un vieux dirigeant de gauche : "c'est chez les civils qu'on recrute les militaires, c'est chez les non-socialistes que l'on doit recruter les socialistes".
Et si dans ce processus, nous pouvions découvrir en notre sein un grand dirigeant, un dirigeant fédérateur de toutes les énergies, comme Jaurès, comme Blum, un dirigeant capable de regrouper et de mettre au travail la génération suivante, comme l'a été Mitterrand, alors nous serions comblés. Les victoires à venir seraient assurées!
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mercredi 3 octobre 2007
le Bal de la Honte
Vous avez peut-être déjà lu à cette heure l'article du Monde racontant la fête somptueuse organisée à la mi-septembre par un dirigeant et camarade du Parti Socialiste pour célébrer son mariage avec une personnalité du cinéma et de la télévision. Vous en avez au moins entendu parler. 800 invités du monde de la politique, de l'argent et du show-biz étaient de la soirée. L'ambiance, paraît-il, était euphorique...
J'ai hésité un moment à prendre la plume, car je n'aime pas faire du "basisme" facile. Je ne citerai pas les noms des personnalités du Parti Socialiste qui se trouvaient là, car je suis persuadé que beaucoup d'entre elles se sont rendues à cette invitation pour faire plaisir à un vieux camarade, sans savoir dans quoi elles allaient tomber.
Et je ne suis pas contre les fêtes. C'est une dimension importante de la vie. De par mon métier, j'ai organisé de belles fêtes, en particulier de beaux "14 Juillet". J'y ai donné et reçu beaucoup de plaisir, et j'avais le sentiment de faire aussi mon devoir.
Je suis néanmoins catastrophé de l'insouciance que la tenue d'une telle soirée démontre à l'égard de la tristesse actuelle du peuple de gauche, et des connivences qu'elle révèle au sein d'un petit monde où se mêlent argent, célébrité et politique. Ce bal sur les ruines de notre défaite est une vraie provocation. Et cette provocation sème le discrédit, non seulement sur ses organisateurs, ce qui est très mérité, mais aussi sur des camarades sincères et dévoués.
Imagine-t-on Blum, Jaurès ou Mitterrand dans une fête de ce type? Je déteste les surenchères de l'extrême-gauche, mais cette fois-ci, me voilà forcé d'être d'accord avec "Rouge", qui écrit : "ce dîner politico-mondain... montre que nous ne vivons pas dans le même monde et n'avons pas la même conception de la politique".
J'ai hésité un moment à prendre la plume, car je n'aime pas faire du "basisme" facile. Je ne citerai pas les noms des personnalités du Parti Socialiste qui se trouvaient là, car je suis persuadé que beaucoup d'entre elles se sont rendues à cette invitation pour faire plaisir à un vieux camarade, sans savoir dans quoi elles allaient tomber.
Et je ne suis pas contre les fêtes. C'est une dimension importante de la vie. De par mon métier, j'ai organisé de belles fêtes, en particulier de beaux "14 Juillet". J'y ai donné et reçu beaucoup de plaisir, et j'avais le sentiment de faire aussi mon devoir.
Je suis néanmoins catastrophé de l'insouciance que la tenue d'une telle soirée démontre à l'égard de la tristesse actuelle du peuple de gauche, et des connivences qu'elle révèle au sein d'un petit monde où se mêlent argent, célébrité et politique. Ce bal sur les ruines de notre défaite est une vraie provocation. Et cette provocation sème le discrédit, non seulement sur ses organisateurs, ce qui est très mérité, mais aussi sur des camarades sincères et dévoués.
Imagine-t-on Blum, Jaurès ou Mitterrand dans une fête de ce type? Je déteste les surenchères de l'extrême-gauche, mais cette fois-ci, me voilà forcé d'être d'accord avec "Rouge", qui écrit : "ce dîner politico-mondain... montre que nous ne vivons pas dans le même monde et n'avons pas la même conception de la politique".
vendredi 28 septembre 2007
jusqu'où réformer le Parti Socialiste? (3/4)
La seconde question que nous rencontrons au début de notre réfexion sur la rénovation du parti socialiste est la suivante : notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?
L'on pourrait répondre pour faire simple : notre tradition est révolutionnnaire, notre idéal est révolutionnaire, notre méthode est la réforme.
Notre tradition est révolutionnaire, nous avons vu dans un précédent article comment et pourquoi. L'oublier serait accepter d'être débranchés de toute une histoire qui a forgé notre identité. Nous ne serions plus alors que l'ombre de nous-mêmes.
Notre idéal est révolutionnaire, puisque la société de fraternité et de justice qui forme notre horizon est à l'extrême opposé de celle que nous vivons. Utopie? certainement, mais utopie féconde puisqu'elle forme la ligne directrice de tous nos efforts.
Et notre méthode est la réforme. Pourquoi? parce que les tragédies du XXème siècle nous ont appris que la volonté de transformer une société dans son ensemble par la volonté d'un seul ou de quelques-uns ne pouvait être que l'expression d'un orgueil démesuré, et aboutir à des sociétés de cauchemar. C'est l'Union soviétique avec le stalinisme et le goulag. C'est la Chine de Mao avec le Grand bond en avant, responsable de millions de morts, et la Révolution culturelle. Sans parler du nazisme qui, lui, faisait du cauchemar l'instrument même de transformation de sa société.
Non, Dieu merci, les sociétés humaines sont trop complexes pour être modelées par quelques-uns. Vaclav Havel, interrogé sur sa capacité à accélérer les changements dans son pays après la chute du communisme, rappelait plaisamment qu'on ne fait pas pousser une plante en la tirant vers le haut.
Reste à chacun, là où il est, et dans la mesure de ses capacités, à chercher à modifier ce qui l'entoure, en chaque occasion possible, dans le sens de "la liberté, de l'égalité et de la fraternité"pour reprendre la devise dont nous disions précédemment toute la charge révolutionnaire. Et si nous agissons non pas isolément mais ensemble, dans le cadre d'un mouvement politique rénové, là, nous pouvons commencer à faire apparaître des changements visibles à l'échelle de toute une société. Comme le disait Jaurès, décidément incontournable sur ces sujets : "dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."
Voilà pourquoi toutes les réformes ne se valent pas et que nous ne pouvons être confondus avec ceux qui ne voient dans les réformes que le moyen de mieux protéger l'existant : de ne le faire évoluer, moyennant si nécessaire quelques sacrifices, que pour mieux sauvegarder l'essentiel de leurs privilèges.
Jaurès, encore : "parce que le Parti socialiste est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur". Puissions-nous être dignes de cette formule lancée il y a presque un siècle, au congrès de Toulouse de 1908!
L'on pourrait répondre pour faire simple : notre tradition est révolutionnnaire, notre idéal est révolutionnaire, notre méthode est la réforme.
Notre tradition est révolutionnaire, nous avons vu dans un précédent article comment et pourquoi. L'oublier serait accepter d'être débranchés de toute une histoire qui a forgé notre identité. Nous ne serions plus alors que l'ombre de nous-mêmes.
Notre idéal est révolutionnaire, puisque la société de fraternité et de justice qui forme notre horizon est à l'extrême opposé de celle que nous vivons. Utopie? certainement, mais utopie féconde puisqu'elle forme la ligne directrice de tous nos efforts.
Et notre méthode est la réforme. Pourquoi? parce que les tragédies du XXème siècle nous ont appris que la volonté de transformer une société dans son ensemble par la volonté d'un seul ou de quelques-uns ne pouvait être que l'expression d'un orgueil démesuré, et aboutir à des sociétés de cauchemar. C'est l'Union soviétique avec le stalinisme et le goulag. C'est la Chine de Mao avec le Grand bond en avant, responsable de millions de morts, et la Révolution culturelle. Sans parler du nazisme qui, lui, faisait du cauchemar l'instrument même de transformation de sa société.
Non, Dieu merci, les sociétés humaines sont trop complexes pour être modelées par quelques-uns. Vaclav Havel, interrogé sur sa capacité à accélérer les changements dans son pays après la chute du communisme, rappelait plaisamment qu'on ne fait pas pousser une plante en la tirant vers le haut.
Reste à chacun, là où il est, et dans la mesure de ses capacités, à chercher à modifier ce qui l'entoure, en chaque occasion possible, dans le sens de "la liberté, de l'égalité et de la fraternité"pour reprendre la devise dont nous disions précédemment toute la charge révolutionnaire. Et si nous agissons non pas isolément mais ensemble, dans le cadre d'un mouvement politique rénové, là, nous pouvons commencer à faire apparaître des changements visibles à l'échelle de toute une société. Comme le disait Jaurès, décidément incontournable sur ces sujets : "dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."
Voilà pourquoi toutes les réformes ne se valent pas et que nous ne pouvons être confondus avec ceux qui ne voient dans les réformes que le moyen de mieux protéger l'existant : de ne le faire évoluer, moyennant si nécessaire quelques sacrifices, que pour mieux sauvegarder l'essentiel de leurs privilèges.
Jaurès, encore : "parce que le Parti socialiste est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur". Puissions-nous être dignes de cette formule lancée il y a presque un siècle, au congrès de Toulouse de 1908!
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dimanche 23 septembre 2007
Jusqu'où réformer le Parti Socialiste? (2/4)
Je reprends le fil de la réflexion sur l'avenir du Parti Socialiste en attaquant la première des questions qui nous barre en quelque sorte la route : devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?
Il va de soi qu'un social-démocrate n'a rien en soi d'un "social-traître". J'ose enfin avouer que je me sentais social-démocrate à l'époque du congrès d'Epinay. Mais alors, mieux valait raser les murs...
La social-démocratie allemande, d'ailleurs, donnait à son origine des leçons de Révolution aux socialistes français. Le terme n'a pris son sens actuel qu'en 1959, avec le Congrès de Bad Godesberg, lorsque la social-démocratie a abandonné toute référence au marxisme et à sa propre histoire. Mais à l'époque, le marxisme c'était le bloc soviétique, l'Allemagne divisée, l'écrasement de la révolution hongroise, le spectre de la guerre nucléaire. Et les Allemands n'osaient pas regarder leur histoire.
Aujourd'hui, ceux qui de l'extérieur de notre Parti nous poussent, bien sûr pour notre bien, à nous muer en sociaux-démocrates veulent avant tout nous arracher nos griffes. Ils dormiraient évidemment bien mieux si, reniant notre passé, nous pouvions proclamer que notre seule ambition est d'améliorer le monde existant, en prenant soin de ne pas trop déranger.
Mais notre histoire n'est pas celle du socialisme allemand, qui est une histoire malheureuse. La Révolution de 1848 qui rêvait d'unité et de progrès a échoué, et l'unité allemande s'est faite par "le fer et le sang", sous la conduite de hobereaux. Ce sont eux qui ont octroyé les premiers essais de suffrage universel. C'est Bismarck qui a instauré les grandes lois de sécurité sociale. La République de Weimar, si tourmentée, est née d'une défaite, et dans la lutte fratricide des sociaux-démocrates et des spartakistes. La paisible République de Bonn est elle aussi née d'une défaite, encore pire que la première. Elle a été portée sur les fonds baptismaux par l'Amérique. L'héroïque contribution de tant de sociaux-démocrates à la lutte contre le nazisme n'a servi à rien. Et les résistants communistes se sont retrouvés de l'autre côté du Rideau de fer.
Notre Histoire est toute autre. Bien sûr, elle est aussi parsemée de défaites, mais nos avancées politiques et sociales, depuis la prise de la Bastille, viennent de l'intérieur, d'élans populaires et révolutionnaires. Les grandes lois de liberté politique et de progrès social des premières décennies de la IIIème République sont certes produites par des majorités bourgeoises. Elles doivent néanmoins beaucoup à la volonté de dépasser le traumatisme de la Commune. Même cet échec n'a donc pas été inutile.
Le Front populaire est à la fois une victoire électorale classique, classiquement gérée, et un mouvement profond de grèves. Comme l'Allemagne, nous devons notre Libération à l'Amérique, mais la Résistance y a joué son rôle et la République, grâce à de Gaulle, se réinstalle sans avoir besoin d'administration étrangère. Mai 1968, ce n'est pas seulement des étudiants qui jouent à la Révolution, c'est dix millions de salariés en grève. Et la victoire de 1981 reste, en sus du résultat des urnes, un grand moment de ferveur populaire.
Jaurès expliquait que le socialisme était la réalisation dans leurs ultimes conséquences des idéaux de la République, tels qu'exprimés pour la première fois par la Révolution française. En ce sens, la devise Liberté, Egalité, Fraternité demeure notre horizon indépassable. Si l'on veut bien la prendre au sérieux, elle est toujours aussi chargée qu'à sa naissance de tension révolutionnaire.
Mais comme le disait Jaurès, "c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". Et donc, il nous faut changer, il nous faut avancer, encore et toujours. Alors qu'on nous baptise, si on le veut, sociaux-démocrates. Mais qu'on ne nous coupe pas de notre passé.
...Et puisqu'on est avec Jaurès, voilà pour finir une gâterie en forme de citation : "...Par quelle porte sortirons-nous? Par la porte du passé ou par la porte de l'avenir? Du côté du couchant ou du côté du levant? Je sors du côté de l'avenir encore incertain, du côté du levant encore mal éclairé , je veux saluer, dès qu'elles commenceront à poindre au bas du ciel, plus belles toutes deux que l'étoile du matin, la Fraternité et la Justice".
Il va de soi qu'un social-démocrate n'a rien en soi d'un "social-traître". J'ose enfin avouer que je me sentais social-démocrate à l'époque du congrès d'Epinay. Mais alors, mieux valait raser les murs...
La social-démocratie allemande, d'ailleurs, donnait à son origine des leçons de Révolution aux socialistes français. Le terme n'a pris son sens actuel qu'en 1959, avec le Congrès de Bad Godesberg, lorsque la social-démocratie a abandonné toute référence au marxisme et à sa propre histoire. Mais à l'époque, le marxisme c'était le bloc soviétique, l'Allemagne divisée, l'écrasement de la révolution hongroise, le spectre de la guerre nucléaire. Et les Allemands n'osaient pas regarder leur histoire.
Aujourd'hui, ceux qui de l'extérieur de notre Parti nous poussent, bien sûr pour notre bien, à nous muer en sociaux-démocrates veulent avant tout nous arracher nos griffes. Ils dormiraient évidemment bien mieux si, reniant notre passé, nous pouvions proclamer que notre seule ambition est d'améliorer le monde existant, en prenant soin de ne pas trop déranger.
Mais notre histoire n'est pas celle du socialisme allemand, qui est une histoire malheureuse. La Révolution de 1848 qui rêvait d'unité et de progrès a échoué, et l'unité allemande s'est faite par "le fer et le sang", sous la conduite de hobereaux. Ce sont eux qui ont octroyé les premiers essais de suffrage universel. C'est Bismarck qui a instauré les grandes lois de sécurité sociale. La République de Weimar, si tourmentée, est née d'une défaite, et dans la lutte fratricide des sociaux-démocrates et des spartakistes. La paisible République de Bonn est elle aussi née d'une défaite, encore pire que la première. Elle a été portée sur les fonds baptismaux par l'Amérique. L'héroïque contribution de tant de sociaux-démocrates à la lutte contre le nazisme n'a servi à rien. Et les résistants communistes se sont retrouvés de l'autre côté du Rideau de fer.
Notre Histoire est toute autre. Bien sûr, elle est aussi parsemée de défaites, mais nos avancées politiques et sociales, depuis la prise de la Bastille, viennent de l'intérieur, d'élans populaires et révolutionnaires. Les grandes lois de liberté politique et de progrès social des premières décennies de la IIIème République sont certes produites par des majorités bourgeoises. Elles doivent néanmoins beaucoup à la volonté de dépasser le traumatisme de la Commune. Même cet échec n'a donc pas été inutile.
Le Front populaire est à la fois une victoire électorale classique, classiquement gérée, et un mouvement profond de grèves. Comme l'Allemagne, nous devons notre Libération à l'Amérique, mais la Résistance y a joué son rôle et la République, grâce à de Gaulle, se réinstalle sans avoir besoin d'administration étrangère. Mai 1968, ce n'est pas seulement des étudiants qui jouent à la Révolution, c'est dix millions de salariés en grève. Et la victoire de 1981 reste, en sus du résultat des urnes, un grand moment de ferveur populaire.
Jaurès expliquait que le socialisme était la réalisation dans leurs ultimes conséquences des idéaux de la République, tels qu'exprimés pour la première fois par la Révolution française. En ce sens, la devise Liberté, Egalité, Fraternité demeure notre horizon indépassable. Si l'on veut bien la prendre au sérieux, elle est toujours aussi chargée qu'à sa naissance de tension révolutionnaire.
Mais comme le disait Jaurès, "c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". Et donc, il nous faut changer, il nous faut avancer, encore et toujours. Alors qu'on nous baptise, si on le veut, sociaux-démocrates. Mais qu'on ne nous coupe pas de notre passé.
...Et puisqu'on est avec Jaurès, voilà pour finir une gâterie en forme de citation : "...Par quelle porte sortirons-nous? Par la porte du passé ou par la porte de l'avenir? Du côté du couchant ou du côté du levant? Je sors du côté de l'avenir encore incertain, du côté du levant encore mal éclairé , je veux saluer, dès qu'elles commenceront à poindre au bas du ciel, plus belles toutes deux que l'étoile du matin, la Fraternité et la Justice".
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mercredi 19 septembre 2007
L'Iran, Kouchner, et les autres
En attendant de reprendre le fil de la réflexion sur l'avenir du Parti Socialiste, voici, pour ceux qui s'intéressent à la crise iranienne, un petit éditorial produit pour une lettre hebdomadaire spécialisée dans les questions de défense, et sorti il y a quarante-huit heures.
Les connaisseurs du microcosme washingtonien sont désormais convaincus que l'administration américaine ne résistera pas indéfiniment à la tentation de frapper l'Iran : pas l'envahir, bien sûr, mais détruire radicalement, non seulement son potentiel nucléaire, mais aussi son potentiel de défense, et surtout de riposte. L'on est déjà dans l'ordre de grandeur de la centaine de sites en tous genres à neutraliser. Ira-t-on jusqu'à frapper des sites proprement politiques? Rien n'est sans doute exclu à ce jour.
Pour les Néo-Conservateurs la frappe de l'Iran leur donnerait enfin, à l'expiration de leurs huit ans au pouvoir, le sentiment d'un devoir historique accompli. L'on voit bien, sinon, qu'ils partiraient avec un sentiment d'inachevé, et l'éternel regret de n'avoir pas osé aller jusqu'au bout de leurs idées. Et ils ont pour agir deux fenêtres de tir : soit début 2008, avant la montée en puissance de la campagne présidentielle, soit l'automne, après l'élection elle-même, où Bush interviendrait alors avec l'accord tacite ou explicite de son successeur.
Donc, avant d'agir l'on prendra le Monde à témoin (comme pour l'Irak...) que les Nations Unies ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Concrètement, qu'il est impossible d'obtenir du Conseil de Sécurité une résolution vraiment musclée, passant à un palier supérieur de sanctions : celles qui ne se contentent pas d'humilier, mais qui font vraiment mal. Ceci va prendre encore quelques mois de palabres.
La Russie, la Chine paraissent à cette heure imperméables à tout effort de conviction. Peut-être alors, en une sorte d'intermède, se tournera-t-on vers l'Europe pour en obtenir une bordée de sanctions, venant rejoindre les sanctions unilatérales américaines.
Mais mettra-t-on les vingt-sept Européens d'accord? Rien n'est moins sûr s'il s'agit de faire mal, et donc de se faire mal à soi-même... et même si l'on réussissait en tout, ce tout fera-il plier l'Iran? Voilà plus d'un quart de siècle que ce pays est sous un embargo américain qui paralyse, ou du moins ralentit gravement, le développement de pans entiers de son économie, à commencer par sa capacité d'exploitation de pétrole et de gaz. Mais la République islamique est toujours là à défier le Monde et l'Amérique.
Voilà pourquoi l'Iran a sans doute été au coeur de la conversation des présidents français et américain, lors du déjeuner estival de Kennebunkport, dans la résidence familiale des Bush.
Voilà pourquoi, quinze jours plus tard, devant un parterre d'ambassadeurs français, Nicolas Sarkozy, encore tout plein des propos entendus, a présenté sur un ton fortement anxiogène le premier "des trois défis du XXIème siècle" qu'était "la menace de la confrontation entre l'Islam et l'Occident", et a conclu sur l'évocation de cette "alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran".
Voilà enfin pourquoi, pris à son tour dans une telle ambiance, Bernard Kouchner a laissé échapper l'idée qu'il fallait "se préparer au pire"... c'est-à-dire à "la guerre". Bien sûr, il s'est ensuite laborieusement défendu de tout entraînement sur une telle pente, se lançant même dans une construction hasardeuse selon laquelle il fallait encore plus de sanctions sur l'Iran pour lui épargner un conflit. Mais les mots, à ce niveau, s'envolent et prennent leur vie propre. Et ces mots-là, à travers le monde, ont pris toute la dimension d'une "self-fulfilling prophecy" : d'une prophétie auto-réalisatrice, comme le disent nos amis américains.
IRAN : LA CIBLE
Les connaisseurs du microcosme washingtonien sont désormais convaincus que l'administration américaine ne résistera pas indéfiniment à la tentation de frapper l'Iran : pas l'envahir, bien sûr, mais détruire radicalement, non seulement son potentiel nucléaire, mais aussi son potentiel de défense, et surtout de riposte. L'on est déjà dans l'ordre de grandeur de la centaine de sites en tous genres à neutraliser. Ira-t-on jusqu'à frapper des sites proprement politiques? Rien n'est sans doute exclu à ce jour.
Pour les Néo-Conservateurs la frappe de l'Iran leur donnerait enfin, à l'expiration de leurs huit ans au pouvoir, le sentiment d'un devoir historique accompli. L'on voit bien, sinon, qu'ils partiraient avec un sentiment d'inachevé, et l'éternel regret de n'avoir pas osé aller jusqu'au bout de leurs idées. Et ils ont pour agir deux fenêtres de tir : soit début 2008, avant la montée en puissance de la campagne présidentielle, soit l'automne, après l'élection elle-même, où Bush interviendrait alors avec l'accord tacite ou explicite de son successeur.
Donc, avant d'agir l'on prendra le Monde à témoin (comme pour l'Irak...) que les Nations Unies ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Concrètement, qu'il est impossible d'obtenir du Conseil de Sécurité une résolution vraiment musclée, passant à un palier supérieur de sanctions : celles qui ne se contentent pas d'humilier, mais qui font vraiment mal. Ceci va prendre encore quelques mois de palabres.
La Russie, la Chine paraissent à cette heure imperméables à tout effort de conviction. Peut-être alors, en une sorte d'intermède, se tournera-t-on vers l'Europe pour en obtenir une bordée de sanctions, venant rejoindre les sanctions unilatérales américaines.
Mais mettra-t-on les vingt-sept Européens d'accord? Rien n'est moins sûr s'il s'agit de faire mal, et donc de se faire mal à soi-même... et même si l'on réussissait en tout, ce tout fera-il plier l'Iran? Voilà plus d'un quart de siècle que ce pays est sous un embargo américain qui paralyse, ou du moins ralentit gravement, le développement de pans entiers de son économie, à commencer par sa capacité d'exploitation de pétrole et de gaz. Mais la République islamique est toujours là à défier le Monde et l'Amérique.
Voilà pourquoi l'Iran a sans doute été au coeur de la conversation des présidents français et américain, lors du déjeuner estival de Kennebunkport, dans la résidence familiale des Bush.
Voilà pourquoi, quinze jours plus tard, devant un parterre d'ambassadeurs français, Nicolas Sarkozy, encore tout plein des propos entendus, a présenté sur un ton fortement anxiogène le premier "des trois défis du XXIème siècle" qu'était "la menace de la confrontation entre l'Islam et l'Occident", et a conclu sur l'évocation de cette "alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran".
Voilà enfin pourquoi, pris à son tour dans une telle ambiance, Bernard Kouchner a laissé échapper l'idée qu'il fallait "se préparer au pire"... c'est-à-dire à "la guerre". Bien sûr, il s'est ensuite laborieusement défendu de tout entraînement sur une telle pente, se lançant même dans une construction hasardeuse selon laquelle il fallait encore plus de sanctions sur l'Iran pour lui épargner un conflit. Mais les mots, à ce niveau, s'envolent et prennent leur vie propre. Et ces mots-là, à travers le monde, ont pris toute la dimension d'une "self-fulfilling prophecy" : d'une prophétie auto-réalisatrice, comme le disent nos amis américains.
lundi 17 septembre 2007
Jusqu'où réformer le Parti socialiste? (1/4)
Je n'osais trop me lancer dans une réflexion que je craignais ringarde, mais à l'occasion de l'examen de conscience que suscite notre défaite, je vois ressurgir, en des termes à peine nouveaux, ce vieux débat qui agite le socialisme depuis sa naissance : réforme ou révolution? insertion dans l'existant pour mieux le transformer, ou au contraire concentration de toutes les forces pour le renverser? rassemblement du plus grand nombre ou au contraire mobilisation de minorités agissantes?
L'Histoire progressant d'une certaine façon en spirale, nous nous trouvons aujourd'hui à peu près dans le même type de situation que celle qui a précédé l'émergence de la SFIO au début du XXème siècle, ou qu'à l'époque de l'agonie de la même SFIO et de l'émergence du Parti Socialiste d'Epinay.
Le meilleur signal de la décadence d'un mouvement politique est l'écart croissant entre son langage et sa pratique. Avec la SFIO de la guerre d'Algérie, où les Congrès se gagnaient encore en se drapant dans les principes du marxisme, le fossé était devenu un abîme.
Mais le même fossé, avouons-le, s'est rapidement creusé entre les programmes de gouvernement du Parti Socialiste d'avant 1981, qui prévoyaient sans état d'âme la rupture avec le capitalisme, et la réalité éminemment pragmatique de l'exercice du pouvoir par François Mitterrand.
Sous Jospin, ligotés par la cohabitation, tétanisés par la focalisation sur la conquête de la Présidence, nous n'avons plus osé avoir de doctrine. Il y avait la pratique, puis un ravin, puis plus rien. Tout devait se juger au bilan. Mal nous en a pris.
Et depuis, il n'y a même plus de fossé entre deux rives. Il n'y a plus de théorie, et nous voilà privés de pratique. Nous sommes sur des sables mouvants. La médiocrité conceptuelle du projet de notre Parti pour la dernière élection présidentielle en a été le signe. Sa rédaction avait pourtant été confiée à de beaux esprits. Mais l'on ne pouvait qu'être inquiet d'entendre au Congrès du Mans l'un des meilleurs d'entre eux, pourtant connu pour sa familiarité avec les milieux d'affaires et sa gestion fort classique du ministère de l'économie et des finances, se lancer dans des envolées qui semblaient annoncer le Grand Soir :
"Nous avons le devoir de changer la vie de ceux qui souffrent le plus... Nous mobiliserons les moyens de l’État, et lorsqu’il le faudra, nous imposerons des nationalisations temporaires... Nous voulons transformer en profondeur la société. Nous voulons l’extension du domaine du possible. Nous ne promettons pas le changement en cent jours, nous promettons le changement dès le premier jour et le changement jusqu’au dernier jour" etc. etc.
Là, nous revenions aux derniers jours de la SFIO!
Il est temps de reprendre notre marche. Mais avant de démarrer, trois questions nous barrent la route :
1. pour la doctrine, devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?
2. notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?
3. Enfin, sur la tactique, jusqu'où peut-on aller dans la volonté de rassemblement sans diluer notre propre identité?
Mieux vaut s'arrêter là pour ne pas vous fatiguer. Ces trois points feront donc l'objet de trois prochains articles.
L'Histoire progressant d'une certaine façon en spirale, nous nous trouvons aujourd'hui à peu près dans le même type de situation que celle qui a précédé l'émergence de la SFIO au début du XXème siècle, ou qu'à l'époque de l'agonie de la même SFIO et de l'émergence du Parti Socialiste d'Epinay.
Le meilleur signal de la décadence d'un mouvement politique est l'écart croissant entre son langage et sa pratique. Avec la SFIO de la guerre d'Algérie, où les Congrès se gagnaient encore en se drapant dans les principes du marxisme, le fossé était devenu un abîme.
Mais le même fossé, avouons-le, s'est rapidement creusé entre les programmes de gouvernement du Parti Socialiste d'avant 1981, qui prévoyaient sans état d'âme la rupture avec le capitalisme, et la réalité éminemment pragmatique de l'exercice du pouvoir par François Mitterrand.
Sous Jospin, ligotés par la cohabitation, tétanisés par la focalisation sur la conquête de la Présidence, nous n'avons plus osé avoir de doctrine. Il y avait la pratique, puis un ravin, puis plus rien. Tout devait se juger au bilan. Mal nous en a pris.
Et depuis, il n'y a même plus de fossé entre deux rives. Il n'y a plus de théorie, et nous voilà privés de pratique. Nous sommes sur des sables mouvants. La médiocrité conceptuelle du projet de notre Parti pour la dernière élection présidentielle en a été le signe. Sa rédaction avait pourtant été confiée à de beaux esprits. Mais l'on ne pouvait qu'être inquiet d'entendre au Congrès du Mans l'un des meilleurs d'entre eux, pourtant connu pour sa familiarité avec les milieux d'affaires et sa gestion fort classique du ministère de l'économie et des finances, se lancer dans des envolées qui semblaient annoncer le Grand Soir :
"Nous avons le devoir de changer la vie de ceux qui souffrent le plus... Nous mobiliserons les moyens de l’État, et lorsqu’il le faudra, nous imposerons des nationalisations temporaires... Nous voulons transformer en profondeur la société. Nous voulons l’extension du domaine du possible. Nous ne promettons pas le changement en cent jours, nous promettons le changement dès le premier jour et le changement jusqu’au dernier jour" etc. etc.
Là, nous revenions aux derniers jours de la SFIO!
Il est temps de reprendre notre marche. Mais avant de démarrer, trois questions nous barrent la route :
1. pour la doctrine, devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?
2. notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?
3. Enfin, sur la tactique, jusqu'où peut-on aller dans la volonté de rassemblement sans diluer notre propre identité?
Mieux vaut s'arrêter là pour ne pas vous fatiguer. Ces trois points feront donc l'objet de trois prochains articles.
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jeudi 13 septembre 2007
la mondialisation et le chou-fleur de Mandelbrot
Vous connaissez Benoît Mandelbrot, l'inventeur des mathématiques fractales? C'est lui qui a travaillé sur les modèles capables de reproduire des structures naturelles telles que celle du flocon de neige, des côtes de Bretagne, ou encore du chou-fleur. Prenez un chou-fleur, regardez-le bien. Cassez ensuite une branche du chou-fleur et regardez-la de près, vous verrez qu'elle reproduit en plus petit la forme du chou-fleur. Détachez de cette branche une des petites branches qui la composent, et là encore vous retrouvez la même forme... La structure du chou-fleur est égale à elle-même de la plus petite échelle à la plus grande. C'est ce qu'on appelle une structure à "homothétie interne".
Le même principe de répétition du plus grand au plus petit se retrouve dans les formes qui nous entourent : montagnes, nuages, côtes... toutes modelées ou sculptées par des forces naturelles : l'érosion du vent, de la mer, les variations climatiques etc.
Passons maintenant à l'économie. Considérons les lois du marché comme des lois naturelles, qu'elles sont en effet si on laisse libre cours à la concurrence, et donc toujours à la victoire des plus malins, ou des plus forts, ou des plus dotés au départ dans la vie.
Et bien ces lois du marché, si on les laisse librement jouer reproduisent à de multiples échelles, à l'image du chou-fleur, de l'inégalité.
A l'échelle du monde, La mondialisation produit d'abord une inégalité croissante entre les nations, car si l'on constate le rattrapage de petits ou grands pays d'Asie, l'on constate aussi que la plupart des pays d'Afrique voient s'éloigner la perspective de rejoindre, même à distance, les premiers. Et dans les grands succès des pays d'Asie, l'on masque d'ailleurs tout ce qu'ils doivent au volontarisme de leurs pouvoirs publics, et donc à tout ce qu'ils ont fait, et font encore, pour se protéger des lois du marché : protections tarifaires, dumping monétaire, lourdes interventions du politique dans l'économie etc.
Mais si l'on passe à l'échelle suivante, celle des pays, que voit-on? dans les pays "exemplaires" tels que l'Inde et la Chine, les inégalités, à nouveau, s'accroissent. Les industries indiennes progressent à grande vitesse, toujours plus de 10% par an, mais le monde rural, lui, ne connaît que des progressions d'environ 2% par an de sa production agricole. Même si les campagnes sont plus prospères qu'il y a 30 ans, le niveau de vie des villages s'éloigne de celui des agglomérations urbaines.
Descendons à présent au niveau d'un secteur. Là encore, au sein d'un même pays, entre les industries de pointe, ou les grandes exploitations agricoles mécanisées et rationalisées d'un côté, les industries déclinantes et les petites exploitations traditionnelles de l'autre, comment ne pas constater que les uns et les autres vivent dans deux mondes qui s'éloignent, et qui, de plus en plus, s'ignorent?
Encore un étage plus bas, l'on arrive au niveau de l'entreprise. Et là encore, il est clair que sous l'effet du culte des managers et du rapport financier maximal, les écarts de rémunération se sont creusés entre les deux extrémités de l'éventail des salaires. Ceux des grands patrons du CAC 40 ont atteint ces dernières années des niveaux qui n'ont plus rien à voir à ce que percevaient leurs prédécesseurs une génération plus tôt, alors que les salaires les plus bas ont progressé, certes, mais à un rythme infiniment plus faible.
Faut-il se résigner à un tel état de choses? faut-il considérer que ces écarts croissants, à tous niveaux, entre riches et pauvres obéissent à une loi aussi implacable que celle de l'expansion de l'Univers, qui ferait s'éloigner de plus en plus vite les uns des autres les astres et les galaxies?
Il est certain que devant des forces d'une telle puissance, jouant à toutes les échelles de la réalité économique, ce n'est pas la politique d'un seul Etat qui pourra renverser, ou même ralentir, la tendance. Les sociologues et statisticiens ont ainsi fait ressortir que durant les années Mitterrand les inégalités de tous genres s'étaient accrues en France. L'on est arrivé au sentiment très vif d'une "fracture sociale". Malgré le RMI, malgré la couverture universelle, cette fracture, depuis qu'elle a été mise en évidence, s'est-elle vraiment réduite?
Il est clair aujourd'hui que l'Etat-providence, l'Etat répartiteur de richesses , est en mauvaise posture, comme le sont les constructions illusoires et les déclarations volontaristes dont a trop usé le Parti socialiste. Bien sûr, l'Etat continuera à protéger, bien sûr il continuera à répartir, mais de plus en plus difficilement, de plus en plus parcimonieusement, et sous les clameurs de plus en plus indignées de ceux qui se voient privés de ce qu'ils considèrent comme leur dû : voir les tribulations de l'Impôt sur la Fortune.
Nous ne sommes pas encore arrivés au bout du cycle de la mondialisation, dont on pourrait dire, en parodiant Lénine, qu'il représente le stade ultime du capitalisme. Mais comme le faisaient les socialistes au début d'un autre grand cycle, celui de l'ère industrielle, nous avons le droit, et même le devoir, de réfléchir à la façon de maîtriser et d'orienter les forces en jeu, pour qu'elles jouent dans le sens du progrès, et non de la lente destruction des sociétés. Et pour cela, retenant la leçon du chou-fleur de Mandelbrot, il nous faut construire des réponses adaptées à chaque niveau de réalité: le monde lui-même, les grands ensembles régionaux comme l'Europe, les Etats, les régions, enfin les niveaux de toutes les communautés de base, terrritoriales, économiques, éducatives. Vaste programme, en somme!
Le même principe de répétition du plus grand au plus petit se retrouve dans les formes qui nous entourent : montagnes, nuages, côtes... toutes modelées ou sculptées par des forces naturelles : l'érosion du vent, de la mer, les variations climatiques etc.
Passons maintenant à l'économie. Considérons les lois du marché comme des lois naturelles, qu'elles sont en effet si on laisse libre cours à la concurrence, et donc toujours à la victoire des plus malins, ou des plus forts, ou des plus dotés au départ dans la vie.
Et bien ces lois du marché, si on les laisse librement jouer reproduisent à de multiples échelles, à l'image du chou-fleur, de l'inégalité.
A l'échelle du monde, La mondialisation produit d'abord une inégalité croissante entre les nations, car si l'on constate le rattrapage de petits ou grands pays d'Asie, l'on constate aussi que la plupart des pays d'Afrique voient s'éloigner la perspective de rejoindre, même à distance, les premiers. Et dans les grands succès des pays d'Asie, l'on masque d'ailleurs tout ce qu'ils doivent au volontarisme de leurs pouvoirs publics, et donc à tout ce qu'ils ont fait, et font encore, pour se protéger des lois du marché : protections tarifaires, dumping monétaire, lourdes interventions du politique dans l'économie etc.
Mais si l'on passe à l'échelle suivante, celle des pays, que voit-on? dans les pays "exemplaires" tels que l'Inde et la Chine, les inégalités, à nouveau, s'accroissent. Les industries indiennes progressent à grande vitesse, toujours plus de 10% par an, mais le monde rural, lui, ne connaît que des progressions d'environ 2% par an de sa production agricole. Même si les campagnes sont plus prospères qu'il y a 30 ans, le niveau de vie des villages s'éloigne de celui des agglomérations urbaines.
Descendons à présent au niveau d'un secteur. Là encore, au sein d'un même pays, entre les industries de pointe, ou les grandes exploitations agricoles mécanisées et rationalisées d'un côté, les industries déclinantes et les petites exploitations traditionnelles de l'autre, comment ne pas constater que les uns et les autres vivent dans deux mondes qui s'éloignent, et qui, de plus en plus, s'ignorent?
Encore un étage plus bas, l'on arrive au niveau de l'entreprise. Et là encore, il est clair que sous l'effet du culte des managers et du rapport financier maximal, les écarts de rémunération se sont creusés entre les deux extrémités de l'éventail des salaires. Ceux des grands patrons du CAC 40 ont atteint ces dernières années des niveaux qui n'ont plus rien à voir à ce que percevaient leurs prédécesseurs une génération plus tôt, alors que les salaires les plus bas ont progressé, certes, mais à un rythme infiniment plus faible.
Faut-il se résigner à un tel état de choses? faut-il considérer que ces écarts croissants, à tous niveaux, entre riches et pauvres obéissent à une loi aussi implacable que celle de l'expansion de l'Univers, qui ferait s'éloigner de plus en plus vite les uns des autres les astres et les galaxies?
Il est certain que devant des forces d'une telle puissance, jouant à toutes les échelles de la réalité économique, ce n'est pas la politique d'un seul Etat qui pourra renverser, ou même ralentir, la tendance. Les sociologues et statisticiens ont ainsi fait ressortir que durant les années Mitterrand les inégalités de tous genres s'étaient accrues en France. L'on est arrivé au sentiment très vif d'une "fracture sociale". Malgré le RMI, malgré la couverture universelle, cette fracture, depuis qu'elle a été mise en évidence, s'est-elle vraiment réduite?
Il est clair aujourd'hui que l'Etat-providence, l'Etat répartiteur de richesses , est en mauvaise posture, comme le sont les constructions illusoires et les déclarations volontaristes dont a trop usé le Parti socialiste. Bien sûr, l'Etat continuera à protéger, bien sûr il continuera à répartir, mais de plus en plus difficilement, de plus en plus parcimonieusement, et sous les clameurs de plus en plus indignées de ceux qui se voient privés de ce qu'ils considèrent comme leur dû : voir les tribulations de l'Impôt sur la Fortune.
Nous ne sommes pas encore arrivés au bout du cycle de la mondialisation, dont on pourrait dire, en parodiant Lénine, qu'il représente le stade ultime du capitalisme. Mais comme le faisaient les socialistes au début d'un autre grand cycle, celui de l'ère industrielle, nous avons le droit, et même le devoir, de réfléchir à la façon de maîtriser et d'orienter les forces en jeu, pour qu'elles jouent dans le sens du progrès, et non de la lente destruction des sociétés. Et pour cela, retenant la leçon du chou-fleur de Mandelbrot, il nous faut construire des réponses adaptées à chaque niveau de réalité: le monde lui-même, les grands ensembles régionaux comme l'Europe, les Etats, les régions, enfin les niveaux de toutes les communautés de base, terrritoriales, économiques, éducatives. Vaste programme, en somme!
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mardi 11 septembre 2007
de Mère Teresa, de Dhaniya la lacquière, et de l'absence de Dieu
J'aimerais réagir à l'article de Riwal (http://helvetia-atao.blogspot.com, signalé sur le forum de la Fédération des Français de l'étranger par Jean-Jacques Aka), portant sur la révélation récente que Mère Teresa ne croyait plus en Dieu.
Je pense pour ma part qu'elle a été en fait mal comprise. Vivant depuis 1929 en Inde, il était après tout normal qu'elle rejoigne peu à peu une dimension fondamentale de la mystique hindouiste, qui fait de l'absence l'un des principaux attributs de Dieu.
J'ai été mis sur cette piste par Jean-Luc Chambard, le grand ethnologue qui a consacré sa vie à l'étude d'un modeste village indien. Dans ce village, sa principale source d'informations a été longtemps une artisane, fabriquante de bracelets, Dhaniya la laquière, illettrée, mais qu'il considérait comme son Gourou, tellement était profonde sa connaissance des grandes traditions hindouistes, notamment transmises au travers des chansons de femmes.
"Sa caractéristique étonnante" écrit-il, "était l'espèce d'athéisme qui semblait découler de ses remarques désabusées sur l'absence de dieu, aussi bien dans les chansons ordinaires de son répertoire que dans les Chansons des douze mois", etc.
Et il poursuit ainsi : "le thème de l'absence de dieu m'a conduit à rien moins qu'à Kierkegaard... l'idée centrale de celui-ci est que ce qui intéresse les gens en Dieu, ce n'est pas qu'il existe ou non -un débat sur lequel on s'est enferré- mais son absence, qui est un phénomène vécu en fonction duquel se sont déterminés les grands mystiques, comme Sainte Thérèse d'Avila. C'est la souffrance causée par l'absence du dieu qui devient l'essentiel de la foi pour ces croyants car on ne saurait les qualifier d'incroyants."
Voilà donc dévoilé le mystère de l'incroyance de Mère Teresa.
A partir de là, deux pistes, si l'un de vous souhaite que je poursuive.
D'abord du côté de Jean-Luc Chambard lui-même, dans son article un curieux dialogue d'amour entre un ethnologue et une villageoise en Inde centrale, dont j'extrais la citation suivante de Dhaniya la laquière : "Nous les femmes, nous protégeons aussi Dieu. Parce que Dieu ne se soucie pas du sentiment de douleur d'être séparées qu'éprouvent les femmes, et c'est pour cela que nous aimons Dieu, pour qu'il n'ait pas de souci, ni de honte, de ce sentiment de séparation qu'il nous fait éprouver par son absence. C'est ce que l'on n'a pas qu'on désire le plus avoir! tu le vois bien, c'est notre sentiment de séparation qui nous rend heureuses!"
Comme quoi l'on n'a pas besoin de savoir lire et écrire pour penser comme un grand philosophe. Dhaniya la laquière rejoint ici Mère Teresa qui écrit dans les lettres récemment publiées :"j'ai juste la joie de ne rien avoir, pas même la présence de Dieu dans l'eucharistie."
L'autre piste est celle d'Abou Yakoub Sejestani, philosophe persan du Xème siècle qui, dans Le dévoilement des choses cachées, traduit par Henri Corbin (éd.Verdier, 1988), explique comment Dieu, tout à la fois, est et n'est pas. Nous pourrons y revenir si vous le voulez.
Finirons-nous par arriver au Necronomicon, écrit en 730 par l'Arabe dément Abdul al-Hazred, exhumé au XXème siècle par l'auteur fantastique H.P.Lovecraft? non, là je déconne...
Et à propos, je ne crois pas en Dieu. Ou plutôt, la question n'a pour moi pas de sens. Si Dieu existait, il n'aurait d'ailleurs pas besoin que l'on croie en lui, à la rigueur aurait-il besoin qu'on l'aime. C'est ce qu'a essayé de faire à sa façon Mère Teresa.
Je pense pour ma part qu'elle a été en fait mal comprise. Vivant depuis 1929 en Inde, il était après tout normal qu'elle rejoigne peu à peu une dimension fondamentale de la mystique hindouiste, qui fait de l'absence l'un des principaux attributs de Dieu.
J'ai été mis sur cette piste par Jean-Luc Chambard, le grand ethnologue qui a consacré sa vie à l'étude d'un modeste village indien. Dans ce village, sa principale source d'informations a été longtemps une artisane, fabriquante de bracelets, Dhaniya la laquière, illettrée, mais qu'il considérait comme son Gourou, tellement était profonde sa connaissance des grandes traditions hindouistes, notamment transmises au travers des chansons de femmes.
"Sa caractéristique étonnante" écrit-il, "était l'espèce d'athéisme qui semblait découler de ses remarques désabusées sur l'absence de dieu, aussi bien dans les chansons ordinaires de son répertoire que dans les Chansons des douze mois", etc.
Et il poursuit ainsi : "le thème de l'absence de dieu m'a conduit à rien moins qu'à Kierkegaard... l'idée centrale de celui-ci est que ce qui intéresse les gens en Dieu, ce n'est pas qu'il existe ou non -un débat sur lequel on s'est enferré- mais son absence, qui est un phénomène vécu en fonction duquel se sont déterminés les grands mystiques, comme Sainte Thérèse d'Avila. C'est la souffrance causée par l'absence du dieu qui devient l'essentiel de la foi pour ces croyants car on ne saurait les qualifier d'incroyants."
Voilà donc dévoilé le mystère de l'incroyance de Mère Teresa.
A partir de là, deux pistes, si l'un de vous souhaite que je poursuive.
D'abord du côté de Jean-Luc Chambard lui-même, dans son article un curieux dialogue d'amour entre un ethnologue et une villageoise en Inde centrale, dont j'extrais la citation suivante de Dhaniya la laquière : "Nous les femmes, nous protégeons aussi Dieu. Parce que Dieu ne se soucie pas du sentiment de douleur d'être séparées qu'éprouvent les femmes, et c'est pour cela que nous aimons Dieu, pour qu'il n'ait pas de souci, ni de honte, de ce sentiment de séparation qu'il nous fait éprouver par son absence. C'est ce que l'on n'a pas qu'on désire le plus avoir! tu le vois bien, c'est notre sentiment de séparation qui nous rend heureuses!"
Comme quoi l'on n'a pas besoin de savoir lire et écrire pour penser comme un grand philosophe. Dhaniya la laquière rejoint ici Mère Teresa qui écrit dans les lettres récemment publiées :"j'ai juste la joie de ne rien avoir, pas même la présence de Dieu dans l'eucharistie."
L'autre piste est celle d'Abou Yakoub Sejestani, philosophe persan du Xème siècle qui, dans Le dévoilement des choses cachées, traduit par Henri Corbin (éd.Verdier, 1988), explique comment Dieu, tout à la fois, est et n'est pas. Nous pourrons y revenir si vous le voulez.
Finirons-nous par arriver au Necronomicon, écrit en 730 par l'Arabe dément Abdul al-Hazred, exhumé au XXème siècle par l'auteur fantastique H.P.Lovecraft? non, là je déconne...
Et à propos, je ne crois pas en Dieu. Ou plutôt, la question n'a pour moi pas de sens. Si Dieu existait, il n'aurait d'ailleurs pas besoin que l'on croie en lui, à la rigueur aurait-il besoin qu'on l'aime. C'est ce qu'a essayé de faire à sa façon Mère Teresa.
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mardi 4 septembre 2007
expulsions : à propos de la police
J'ai été assez proche à un moment dans ma vie du milieu des policiers. Je peux témoigner que ceux-ci ne sont pas heureux de faire ce qu'on leur demande pour expulser des étrangers de notre territoire.
C'est sans plaisir aucun qu'ils forcent l'entrée des logements de pauvres gens, ou encore se voient obligés de menotter des expulsés récalcitrants, de les monter à bout de bras dans des avions, de les ligoter à leur fauteuil, et de les baîllonner pour les empêcher de crier. Ils éprouvent autant de malaise que les passagers qui protestent à la vision de ce genre de traitement. Personne n'aime se trouver dans ce genre de de rôle.
Honte à ceux qui les obligent à agir ainsi, au mépris de la conception que ces exécutants partagent avec nous de la dignité humaine! honte aux ministres qui dans le confort de leurs bureaux dorés donnent à ces policiers l'instruction de "faire du chiffre" pour remplir les promesses de campagne d'un candidat!
C'est sans plaisir aucun qu'ils forcent l'entrée des logements de pauvres gens, ou encore se voient obligés de menotter des expulsés récalcitrants, de les monter à bout de bras dans des avions, de les ligoter à leur fauteuil, et de les baîllonner pour les empêcher de crier. Ils éprouvent autant de malaise que les passagers qui protestent à la vision de ce genre de traitement. Personne n'aime se trouver dans ce genre de de rôle.
Honte à ceux qui les obligent à agir ainsi, au mépris de la conception que ces exécutants partagent avec nous de la dignité humaine! honte aux ministres qui dans le confort de leurs bureaux dorés donnent à ces policiers l'instruction de "faire du chiffre" pour remplir les promesses de campagne d'un candidat!
dimanche 2 septembre 2007
la flamme et le papillon
Décidement, son envie de donner aux riches est irrésistible. Après tous les cadeaux fiscaux que l'on connaît, nous venons de le voir une fois de plus avec l'affaire de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l'étranger.
Durant sa campagne, il promet de rendre la scolarité gratuite pour tous les enfants des classes terminales. Après l'élection, ses collaborateurs et ses ministres lui expliquent que c'est une idée absurde qui va dresser les familles françaises les unes contre les autres. Comment accepter que tel ou tel Français exilé fiscal obtienne pour ses enfants en âge d'accéder à un lycée français de l'étranger une scolarité gratuite, alors que d'autres familles font de réels sacrifices pour des enfants à l'école primaire ou au collège, sans bénéficier, ou trop peu, d'un système de bourses calculé au plus juste?
Ce raisonnement de bon sens ne l'ébranle pas. Il s'obstine. Et nous apprenons finalement de la bouche de son ministre des affaires étrangères que dès la rentrée 2007, tous les enfants en classe terminale de nos lycées à l'étranger verront leurs frais de scolarité remboursés par l'Etat.
Quelle séduction exercent donc sur lui les gens à l'abri du besoin? que cherche-t-il à obtenir en leur offrant en toutes occasions les solutions les plus propres à les satisfaire? qu'espère-t-il du roi déchu d'une très grande entreprise française, aujourd'hui installé aux Etats-Unis sur une montagne de millions d'euros touchés en indemnités de départ, et qui se verra ainsi offrir par les contribuables français quelques milliers d'euros par an pour ses enfants scolarisés?
Nicolas Sarkozy avoue, paraît-il, sa fascination pour "les entrepreneurs qui ont réussi à la force du poignet". Mais alors pourquoi ses meilleurs amis sont-ils des gens qui se sont tout juste donné la peine d'hériter, tels les Martin Bouygues et Arnaud Lagardère? sa boulimie de pouvoir et d'action n'est-elle qu'une autre façon de courir après tous les frissons de bonheur que l'on espère de la richesse? Comme le papillon de nuit, ne va-t-il pas se brûler les ailes à force de tourner ainsi autour de cette flamme?
Pardon, nous ne sommes pas là pour faire de la psychanalyse mais de la politique. Et pour revenir à nos enfants scolarisés à l'étranger, nous disons au Président de la République qu'il vient de faire le plus mauvais choix possible. Un choix diviseur pour nos communautés françaises. Un choix humiliant pour les familles dans le besoin. Et même un choix humiliant pour celles qui voient jeter à leurs pieds un os, rien qu'un os, alors qu'elles n'avaient rien demandé.
Durant sa campagne, il promet de rendre la scolarité gratuite pour tous les enfants des classes terminales. Après l'élection, ses collaborateurs et ses ministres lui expliquent que c'est une idée absurde qui va dresser les familles françaises les unes contre les autres. Comment accepter que tel ou tel Français exilé fiscal obtienne pour ses enfants en âge d'accéder à un lycée français de l'étranger une scolarité gratuite, alors que d'autres familles font de réels sacrifices pour des enfants à l'école primaire ou au collège, sans bénéficier, ou trop peu, d'un système de bourses calculé au plus juste?
Ce raisonnement de bon sens ne l'ébranle pas. Il s'obstine. Et nous apprenons finalement de la bouche de son ministre des affaires étrangères que dès la rentrée 2007, tous les enfants en classe terminale de nos lycées à l'étranger verront leurs frais de scolarité remboursés par l'Etat.
Quelle séduction exercent donc sur lui les gens à l'abri du besoin? que cherche-t-il à obtenir en leur offrant en toutes occasions les solutions les plus propres à les satisfaire? qu'espère-t-il du roi déchu d'une très grande entreprise française, aujourd'hui installé aux Etats-Unis sur une montagne de millions d'euros touchés en indemnités de départ, et qui se verra ainsi offrir par les contribuables français quelques milliers d'euros par an pour ses enfants scolarisés?
Nicolas Sarkozy avoue, paraît-il, sa fascination pour "les entrepreneurs qui ont réussi à la force du poignet". Mais alors pourquoi ses meilleurs amis sont-ils des gens qui se sont tout juste donné la peine d'hériter, tels les Martin Bouygues et Arnaud Lagardère? sa boulimie de pouvoir et d'action n'est-elle qu'une autre façon de courir après tous les frissons de bonheur que l'on espère de la richesse? Comme le papillon de nuit, ne va-t-il pas se brûler les ailes à force de tourner ainsi autour de cette flamme?
Pardon, nous ne sommes pas là pour faire de la psychanalyse mais de la politique. Et pour revenir à nos enfants scolarisés à l'étranger, nous disons au Président de la République qu'il vient de faire le plus mauvais choix possible. Un choix diviseur pour nos communautés françaises. Un choix humiliant pour les familles dans le besoin. Et même un choix humiliant pour celles qui voient jeter à leurs pieds un os, rien qu'un os, alors qu'elles n'avaient rien demandé.
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vendredi 31 août 2007
Apocalypse now?
Je ne peux m'empêcher de revenir sur le discours de notre président et sa tonalité profondément "anxiogène", comme l'ont si bien pointé nos militants socialistes de l'étranger.
Quel que soit le choc ressenti devant le terrorisme qui nous frappe, du 11 Septembre aux attentats de Londres, de Madrid, ou de la station de métro Saint-Michel, n'oublions jamais qu'il s'agit en quelque sorte des dégâts collatéraux d'un conflit qui déchire au premier chef le monde musulman lui-même. Les deuils qu'il crée dans ce monde-là, de l'Afghanistan au Maroc, en passant par l'Irak, le Proche-Orient et la Tchéchénie, sont infiniment plus nombreux que ceux qu'il a créés aux pires moments de crise en Amérique ou en Europe.
Quand Oussama ben Laden frappe les Twin Towers, il sait bien qu'il ne va pas faire s'effondrer les Etats-Unis et, avec eux, la "civilisation occidentale". Il cherche à démontrer qu'il est capable de prendre le leadership moral, puis politique, du monde musulman pour conquérir ensuite le reste du monde. Et ce fantasme marche en effet fort bien auprès de ces individus coincés par leur parcours personnel entre deux mondes, et frustrés de n'appartenir entièrement ni à l'un ni à l'autre. C'est bien le profil des auteurs des attentats du 11 septembre.
Le tragique en toute cette affaire, ce n'est pas "l'affrontement entre l'Islam et l'Occident", comme croit l'avoir découvert notre président, c'est l'implosion du monde musulman sur lui-même, c'est le malheur terrible que l'exaltation suicidaire de petites minorités fait peser sur lui.
Et notre président n'a pas à prendre ce ton docte pour lui expliquer comment se débarrasser de cette maladie qui le ronge. Après tout, il a fallu à cet "Occident" si volontiers donneur de leçons une guerre mondiale, ayant coûté au moins cinquante millions de morts, pour nous débarrasser de cette autre exaltation meurtrière qu'étaient le fascisme et le nazisme. Et là aussi, que de dégâts collatéraux provoqués par ce drame collectif!
S'il vous plaît, Monsieur le Président, assez de ces propos apocalyptiques destinés à faire peur aux bons Français. Dans la bouche de celui qui doit guider et incarner notre pays, ils sont aussi malvenus que le genre "y'a bon Banania" de votre déjà fameux discours de Dakar.
Quel que soit le choc ressenti devant le terrorisme qui nous frappe, du 11 Septembre aux attentats de Londres, de Madrid, ou de la station de métro Saint-Michel, n'oublions jamais qu'il s'agit en quelque sorte des dégâts collatéraux d'un conflit qui déchire au premier chef le monde musulman lui-même. Les deuils qu'il crée dans ce monde-là, de l'Afghanistan au Maroc, en passant par l'Irak, le Proche-Orient et la Tchéchénie, sont infiniment plus nombreux que ceux qu'il a créés aux pires moments de crise en Amérique ou en Europe.
Quand Oussama ben Laden frappe les Twin Towers, il sait bien qu'il ne va pas faire s'effondrer les Etats-Unis et, avec eux, la "civilisation occidentale". Il cherche à démontrer qu'il est capable de prendre le leadership moral, puis politique, du monde musulman pour conquérir ensuite le reste du monde. Et ce fantasme marche en effet fort bien auprès de ces individus coincés par leur parcours personnel entre deux mondes, et frustrés de n'appartenir entièrement ni à l'un ni à l'autre. C'est bien le profil des auteurs des attentats du 11 septembre.
Le tragique en toute cette affaire, ce n'est pas "l'affrontement entre l'Islam et l'Occident", comme croit l'avoir découvert notre président, c'est l'implosion du monde musulman sur lui-même, c'est le malheur terrible que l'exaltation suicidaire de petites minorités fait peser sur lui.
Et notre président n'a pas à prendre ce ton docte pour lui expliquer comment se débarrasser de cette maladie qui le ronge. Après tout, il a fallu à cet "Occident" si volontiers donneur de leçons une guerre mondiale, ayant coûté au moins cinquante millions de morts, pour nous débarrasser de cette autre exaltation meurtrière qu'étaient le fascisme et le nazisme. Et là aussi, que de dégâts collatéraux provoqués par ce drame collectif!
S'il vous plaît, Monsieur le Président, assez de ces propos apocalyptiques destinés à faire peur aux bons Français. Dans la bouche de celui qui doit guider et incarner notre pays, ils sont aussi malvenus que le genre "y'a bon Banania" de votre déjà fameux discours de Dakar.
mardi 28 août 2007
la France, l'Occident et les autres
Les Français de l'étranger membres du Parti socialiste ont élaboré à l'occasion de leur réunion annuelle à Paris un très bon papier d'analyse du discours de notre Président aux Ambassadeurs. J'espère qu'il sera diffusé par leur Fédération. Dommage que les journalistes et même les dirigeants de gauche qui se sont exprimés ne l'aient pas lu avant d'ouvrir la bouche.
Cela leur aurait en particulier évité d'y voir une quelconque inflexion dans les positions de Nicolas Sarkozy sur la question de l'adhésion turque à l'Europe. Pour qui lit bien le discours, notre Président ne s'oppose certes pas à la poursuite des négociations, mais sur les seules questions qui ne préjugent pas du choix entre adhésion pleine et entière et simple association.
Et notre président d'enfoncer le clou : "Je ne vais pas être hypocrite. Chacun sait que je ne suis favorable qu'à l'association. C'est l'idée que j'ai portée pendant toute la campagne électorale. C'est l'idée que je défends depuis des années. Je pense que cette idée d'association sera un jour reconnue par tous comme la plus raisonnable... J'ai dit au Premier Ministre turc : occupons-nous des trente chapitres compatibles avec l'association, on verra pour la suite. Il me semble que c'est une solution qui ne trahit pas le souhait des Français et qui, en même temps, permet à la Turquie d'avoir une espérance. Il est évident que si on devait refuser cette formule de compromis, je veux simplement rappeler que, pour la poursuite des discussions, il faut l'unanimité."
Comme on l'a compris, notre Président ne souhaite donc pas que l'on aille au delà de négociations compatibles avec l'association, et n'hésitera pas, si l'Europe franchissait cette ligne, à utiliser son droit de veto à Bruxelles. Franchement où est "l'inflexion" saluée par nos bons analystes?
Et puis, comme le souligne fort bien le papier des militants socialistes, mais ils sont pour le moment bien seuls à le dire, il y a, pour reprendre leurs termes, "le ton anxiogène du discours, basé essentiellement sur la notion totalement inacceptable de confrontation entre l'Islam (une religion) et l'Occident (un ensemble géographique). Cette vision du monde occidentalo-centriste est proche du néo-conservatisme américain et confirme une vision judéo-chrétienne de l'Europe. Il s'intéresse uniquement à la "securité du monde occidental" et exprime une phobie du monde arabe."
Il n'y a pas une virgule à changer à cette critique. Et quant aux solutions pour éviter cet affrontement apocalyptique, que propose notre Président? tout simplement "encourager, aider, dans chaque pays musulman les forces de modération et de modernité à faire prévaloir un Islam ouvert, un Islam tolérant, acceptant la diversité comme un enrichissement... Je souhaite que notre coopération renforce les programmes tournés vers l'ouverture et le dialogue des sociétés etc."
Nous sommes donc invités à convaincre les gentils Musulmans modérés de se débarrasser de leurs terroristes et à progresser vers... vers... pas la démocratie quand même, le mot n'est pas prononcé, on sait que ces gens-là en sont incapables, mais vers..."un mouvement des sociétés, encouragé par les gouvernements"... Là on marche sur la pointe des pieds...
Quel triste mélange de paternalisme et d'interventionisme! décidément, l'on est dans la droite ligne du discours de Dakar, où l'on a vu notre président célébrer "la souffrance de l'homme noir", puis "la profondeur et la richesse de l'âme africaine", sans oublier sa "sagesse ancestrale", ni "l'homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires", mais pour rappeler aimablement que "dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès". Franchement, quelle politique étrangère va sortir d'une telle vision du monde?
Cela leur aurait en particulier évité d'y voir une quelconque inflexion dans les positions de Nicolas Sarkozy sur la question de l'adhésion turque à l'Europe. Pour qui lit bien le discours, notre Président ne s'oppose certes pas à la poursuite des négociations, mais sur les seules questions qui ne préjugent pas du choix entre adhésion pleine et entière et simple association.
Et notre président d'enfoncer le clou : "Je ne vais pas être hypocrite. Chacun sait que je ne suis favorable qu'à l'association. C'est l'idée que j'ai portée pendant toute la campagne électorale. C'est l'idée que je défends depuis des années. Je pense que cette idée d'association sera un jour reconnue par tous comme la plus raisonnable... J'ai dit au Premier Ministre turc : occupons-nous des trente chapitres compatibles avec l'association, on verra pour la suite. Il me semble que c'est une solution qui ne trahit pas le souhait des Français et qui, en même temps, permet à la Turquie d'avoir une espérance. Il est évident que si on devait refuser cette formule de compromis, je veux simplement rappeler que, pour la poursuite des discussions, il faut l'unanimité."
Comme on l'a compris, notre Président ne souhaite donc pas que l'on aille au delà de négociations compatibles avec l'association, et n'hésitera pas, si l'Europe franchissait cette ligne, à utiliser son droit de veto à Bruxelles. Franchement où est "l'inflexion" saluée par nos bons analystes?
Et puis, comme le souligne fort bien le papier des militants socialistes, mais ils sont pour le moment bien seuls à le dire, il y a, pour reprendre leurs termes, "le ton anxiogène du discours, basé essentiellement sur la notion totalement inacceptable de confrontation entre l'Islam (une religion) et l'Occident (un ensemble géographique). Cette vision du monde occidentalo-centriste est proche du néo-conservatisme américain et confirme une vision judéo-chrétienne de l'Europe. Il s'intéresse uniquement à la "securité du monde occidental" et exprime une phobie du monde arabe."
Il n'y a pas une virgule à changer à cette critique. Et quant aux solutions pour éviter cet affrontement apocalyptique, que propose notre Président? tout simplement "encourager, aider, dans chaque pays musulman les forces de modération et de modernité à faire prévaloir un Islam ouvert, un Islam tolérant, acceptant la diversité comme un enrichissement... Je souhaite que notre coopération renforce les programmes tournés vers l'ouverture et le dialogue des sociétés etc."
Nous sommes donc invités à convaincre les gentils Musulmans modérés de se débarrasser de leurs terroristes et à progresser vers... vers... pas la démocratie quand même, le mot n'est pas prononcé, on sait que ces gens-là en sont incapables, mais vers..."un mouvement des sociétés, encouragé par les gouvernements"... Là on marche sur la pointe des pieds...
Quel triste mélange de paternalisme et d'interventionisme! décidément, l'on est dans la droite ligne du discours de Dakar, où l'on a vu notre président célébrer "la souffrance de l'homme noir", puis "la profondeur et la richesse de l'âme africaine", sans oublier sa "sagesse ancestrale", ni "l'homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires", mais pour rappeler aimablement que "dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès". Franchement, quelle politique étrangère va sortir d'une telle vision du monde?
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samedi 25 août 2007
Aide française au développement : que peut-on attendre du nouveau ministre?
Jean-Marie Bockel, nous le savons, est un socialiste qui a accepté l'appel de Nicolas Sarkozy à travailler au sein de la nouvelle majorité présidentielle, comme secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie.
Je ne parlerai pas ici de son choix politique, mais du discours qu'il a prononcé à la mi-juillet à l'occasion des Journées de la coopération internationale et du développement. Indépendamment de tout le reste, force est de reconnaître que c'était un discours de qualité, allant droit au coeur des grandes questions du développement.
En disant tout d'abord que, malgré les succès de la mondialisation, les inégalités continuaient à se creuser entre les nations : "En dépit des engagements pris à l'aube du XXIème siècle par la communauté internationale, les pays qui étaient les plus pauvres en l'an 2000 le sont tout autant ou presque, en 2007." Ceci est particulièrement vrai de l'Afrique.
En dégageant ensuite cinq défis en matière de développement.
- défi écologique. Le réchauffement de la planète, l'extension des déserts, la raréfaction des ressources en eau potable pèsent d'abord sur les pays les plus pauvres,
-défi démographique. "Voilà dix ans que le continent africain connaît une croissance de son PIB de l'ordre de 5 à 6 % en moyenne (...) La moitié de cette croissance est absorbée mécaniquement par l'augmentation démographique.(...) Au Niger, pays parmi les plus pauvres au monde, la fécondité atteint le niveau record de 7,46 enfants par femme. Sa population pourrait passer à 50 millions d'habitants en 2050, contre 12,5 millions en 2006 et 2 millions en 1950." La réponse à ce défi, poursuit le ministre, doit d'abord être recherchée dans les politiques de santé et d'éducation,
-défi du contrôle de l'urbanisation accélérée à l'échelle mondiale, combiné avec celui du développement rural,
-défi de la qualité de la gouvernance, à tous niveaux : mondial, régional, national, sans laquelle les efforts de développement se trouvent gaspillés,
-enfin, défi de la diversité culturelle et linguistique.
Face à ces défis, le ministre passe ensuite aux méthodes, soulignant la nécessité d'adapter nos stratégies d'aide au développement à trois types de situation : les pays à faible gouvernance, les pays à gouvernance démocratique, les pays intermédiaires.
Il poursuit en mettant en valeur deux impératifs.
Le premier est de "recouvrer des marges dans notre aide bilatérale. En 2005, sur un budget de plus de 8 milliards d'euros d'aide publique au développement, nous avons consacré moins de 3 milliards à l'aide bilatérale, hors allègements de dettes. Il nous faut trouver un point d'équilibre. Nous ne pouvons compter exclusivement sur les autres pour réaliser nos ambitions et mettre en œuvre notre vision."
La deuxième concerne l'utilisation accrue des acteurs non-gouvernementaux : ONG, collectivités territoriales, mais aussi migrants, entreprises, fondations.
La dernière partie du discours fixe à l'administration ses pistes de travail, parmi lesquelles l'augmentation des moyens consacrés à la gouvernance démocratique, la concentration sur le pilotage stratégique, l'organisation de la relève de générations, l'augmentation de l'effort de communication.
Un bon discours en vérité, porteur d'une vraie vision, dont il faut espérer qu'il produira ses fruits. Malgré toute la déception que nous a inspirée le choix de Jean-Marie Bockel, les affaires de coopération internationale sont trop cruciales pour être prises en otage d'enjeux de politique interne. En ce qui concerne le fond des choses, c'est-à-dire l'aide au développement, bonne chance, donc, à Jean-Marie Bockel et à ses équipes!
Je ne parlerai pas ici de son choix politique, mais du discours qu'il a prononcé à la mi-juillet à l'occasion des Journées de la coopération internationale et du développement. Indépendamment de tout le reste, force est de reconnaître que c'était un discours de qualité, allant droit au coeur des grandes questions du développement.
En disant tout d'abord que, malgré les succès de la mondialisation, les inégalités continuaient à se creuser entre les nations : "En dépit des engagements pris à l'aube du XXIème siècle par la communauté internationale, les pays qui étaient les plus pauvres en l'an 2000 le sont tout autant ou presque, en 2007." Ceci est particulièrement vrai de l'Afrique.
En dégageant ensuite cinq défis en matière de développement.
- défi écologique. Le réchauffement de la planète, l'extension des déserts, la raréfaction des ressources en eau potable pèsent d'abord sur les pays les plus pauvres,
-défi démographique. "Voilà dix ans que le continent africain connaît une croissance de son PIB de l'ordre de 5 à 6 % en moyenne (...) La moitié de cette croissance est absorbée mécaniquement par l'augmentation démographique.(...) Au Niger, pays parmi les plus pauvres au monde, la fécondité atteint le niveau record de 7,46 enfants par femme. Sa population pourrait passer à 50 millions d'habitants en 2050, contre 12,5 millions en 2006 et 2 millions en 1950." La réponse à ce défi, poursuit le ministre, doit d'abord être recherchée dans les politiques de santé et d'éducation,
-défi du contrôle de l'urbanisation accélérée à l'échelle mondiale, combiné avec celui du développement rural,
-défi de la qualité de la gouvernance, à tous niveaux : mondial, régional, national, sans laquelle les efforts de développement se trouvent gaspillés,
-enfin, défi de la diversité culturelle et linguistique.
Face à ces défis, le ministre passe ensuite aux méthodes, soulignant la nécessité d'adapter nos stratégies d'aide au développement à trois types de situation : les pays à faible gouvernance, les pays à gouvernance démocratique, les pays intermédiaires.
Il poursuit en mettant en valeur deux impératifs.
Le premier est de "recouvrer des marges dans notre aide bilatérale. En 2005, sur un budget de plus de 8 milliards d'euros d'aide publique au développement, nous avons consacré moins de 3 milliards à l'aide bilatérale, hors allègements de dettes. Il nous faut trouver un point d'équilibre. Nous ne pouvons compter exclusivement sur les autres pour réaliser nos ambitions et mettre en œuvre notre vision."
La deuxième concerne l'utilisation accrue des acteurs non-gouvernementaux : ONG, collectivités territoriales, mais aussi migrants, entreprises, fondations.
La dernière partie du discours fixe à l'administration ses pistes de travail, parmi lesquelles l'augmentation des moyens consacrés à la gouvernance démocratique, la concentration sur le pilotage stratégique, l'organisation de la relève de générations, l'augmentation de l'effort de communication.
Un bon discours en vérité, porteur d'une vraie vision, dont il faut espérer qu'il produira ses fruits. Malgré toute la déception que nous a inspirée le choix de Jean-Marie Bockel, les affaires de coopération internationale sont trop cruciales pour être prises en otage d'enjeux de politique interne. En ce qui concerne le fond des choses, c'est-à-dire l'aide au développement, bonne chance, donc, à Jean-Marie Bockel et à ses équipes!
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mercredi 22 août 2007
cuisine de vacances : le poisson à la grecque
Pour clore le cycle des messages de vacances, et maintenant que j'ai regagné le ciel pluvieux de Paris, je vous livre, pour rêver encore de la Méditerranée, ma recette du poisson à la grecque, telle qu'héritée d'une longue lignée familiale.
Pour quatre personnes , achetez une dorade (ou un pagre) entre 1kg2 et 1kg5 préparée pour le four, c'est-à-dire écaillée et vidée.
Faites bouillir dans leur peau jusqu'à cuisson complète six ou sept pommes de terre de taille moyenne, de qualité bien ferme.
Optionnel, si vous aimez les oignons : pendant qu'elles bouillent, puis qu'elles refroidissent, hacher deux gros oignons, les faire roussir à la poële dans un peu d'huile d'olive.
Couper aussi en rondelles d'un demi-centimètre environ cinq ou six tomates de taille moyenne, avec leur peau.
Couper de même en rondelles fines trois beaux citrons bio, avec leur peau.
Pelez à présent vos pommes de terre, et coupez-les également en rondelles d'environ demi centimètre d'épaisseur.
Dans un plat ovale de type pyrex d'environ 30 centimètres de long, étalez (éventuellement) votre roux d'oignons.
Mettez ensuite une couche de pommes de terre, avec quelques gouttes d'huile sur chacune des rondelles, poivrez généreusement, salez, parsemez d'un mélange d'herbes de Provence acheté au supermarché.
mettez sur votre couche de pommes de terre une couche de tomates, salez, poivrez, huilez, parsemez d'herbes de Provence comme pour les pommes de terre.
Mettez ensuite une couche de rondelles de citrons, sans assaisonnement.
Recommencez : pommes de terre, tomates, citrons, jusqu'à épuisement du stock. Deux couches, à vrai dire, feront l'affaire.
Placez votre plat ainsi garni dans un four chauffé au préalable au degré 7 ou 8 (de 1 à 10) soit 200°, laissez-l'y quarante-cinq bonnes minutes, que les pommes de terres brunissent et que le tout se "compotise" un peu. Eteignez ensuite le four, mais laissez le plat dedans.
Une demi-heure environ plus tard, préparez votre poisson, de façon très simple : poivré, herbes de Provence, un peu frotté d'huile.
Rallumez votre four, toujours au degré 7 ou 8, soit 200°, environ 45 minutes avant de devoir servir votre poisson. Au bout de dix minutes, sortez du four votre plat précédemment préparé, placez le poisson sur votre lit de légumes et enfournez.
Au bout d'une demi-heure, sortez le plat, entaillez avec un couteau de cuisine le poisson sur un centimètre le long de l'arête centrale pour voir si la chair se détache bien de l'arrête. Si elle résiste, remettez au four pour cinq minutes de plus et vérifiez à nouveau la cuisson. Normalement au bout de 35 minutes au total, la chair se détache sans difficulté de l'arête centrale, et le poisson est prêt à servir.
Au fur et à mesure que vos servez à vos convives leur part de poisson avec une bonne portion de légumes, n'oubliez pas d'arroser leur poisson avec un peu de l'huile d'olive récoltée au fond du plat. Inutile en revanche de l'arroser de citron, celui qui a cuit dans les légumes parfume déjà l'ensemble et peut être mangé tel quel, chair et peau, avec poisson et légumes.
Et si vous n'êtes pas content de la recette, n'hésitez pas à mettre un commentaire pour me le dire!
Pour quatre personnes , achetez une dorade (ou un pagre) entre 1kg2 et 1kg5 préparée pour le four, c'est-à-dire écaillée et vidée.
Faites bouillir dans leur peau jusqu'à cuisson complète six ou sept pommes de terre de taille moyenne, de qualité bien ferme.
Optionnel, si vous aimez les oignons : pendant qu'elles bouillent, puis qu'elles refroidissent, hacher deux gros oignons, les faire roussir à la poële dans un peu d'huile d'olive.
Couper aussi en rondelles d'un demi-centimètre environ cinq ou six tomates de taille moyenne, avec leur peau.
Couper de même en rondelles fines trois beaux citrons bio, avec leur peau.
Pelez à présent vos pommes de terre, et coupez-les également en rondelles d'environ demi centimètre d'épaisseur.
Dans un plat ovale de type pyrex d'environ 30 centimètres de long, étalez (éventuellement) votre roux d'oignons.
Mettez ensuite une couche de pommes de terre, avec quelques gouttes d'huile sur chacune des rondelles, poivrez généreusement, salez, parsemez d'un mélange d'herbes de Provence acheté au supermarché.
mettez sur votre couche de pommes de terre une couche de tomates, salez, poivrez, huilez, parsemez d'herbes de Provence comme pour les pommes de terre.
Mettez ensuite une couche de rondelles de citrons, sans assaisonnement.
Recommencez : pommes de terre, tomates, citrons, jusqu'à épuisement du stock. Deux couches, à vrai dire, feront l'affaire.
Placez votre plat ainsi garni dans un four chauffé au préalable au degré 7 ou 8 (de 1 à 10) soit 200°, laissez-l'y quarante-cinq bonnes minutes, que les pommes de terres brunissent et que le tout se "compotise" un peu. Eteignez ensuite le four, mais laissez le plat dedans.
Une demi-heure environ plus tard, préparez votre poisson, de façon très simple : poivré, herbes de Provence, un peu frotté d'huile.
Rallumez votre four, toujours au degré 7 ou 8, soit 200°, environ 45 minutes avant de devoir servir votre poisson. Au bout de dix minutes, sortez du four votre plat précédemment préparé, placez le poisson sur votre lit de légumes et enfournez.
Au bout d'une demi-heure, sortez le plat, entaillez avec un couteau de cuisine le poisson sur un centimètre le long de l'arête centrale pour voir si la chair se détache bien de l'arrête. Si elle résiste, remettez au four pour cinq minutes de plus et vérifiez à nouveau la cuisson. Normalement au bout de 35 minutes au total, la chair se détache sans difficulté de l'arête centrale, et le poisson est prêt à servir.
Au fur et à mesure que vos servez à vos convives leur part de poisson avec une bonne portion de légumes, n'oubliez pas d'arroser leur poisson avec un peu de l'huile d'olive récoltée au fond du plat. Inutile en revanche de l'arroser de citron, celui qui a cuit dans les légumes parfume déjà l'ensemble et peut être mangé tel quel, chair et peau, avec poisson et légumes.
Et si vous n'êtes pas content de la recette, n'hésitez pas à mettre un commentaire pour me le dire!
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samedi 18 août 2007
Comment peut-on être (ou ne pas être) marxiste?
Cher Jean-Christophe,
j'écrivais dans un récent message ("à propos d'un article de Jacques Julliard", 6 août) : "Oserai-je dire qu'il n'est pas non plus interdit d'aller puiser à une autre source du socialisme, la pensée de Marx, pas sa pensée ossifiée dans le marxisme-léninisme, mais la pensée du Marx qui disait déjà "je ne suis pas marxiste"?..."
Tu réagis en disant "le léninisme ossifié?"..."socialiste et marxiste, ce n'est pas compatible ?" Tes questions appellent réponse.
Oui, je persiste à croire que la pensée de Marx a été déformée, simplifiée et instrumentalisée par le marxisme-léninisme. Instrumentalisée au profit d'une stratégie de conquête du pouvoir beaucoup plus "blanquiste", au fond, que "marxiste". Blanqui était ce socialiste révolutionnaire français du XIXème siècle, ayant passé une bonne partie de sa vie en prison, qui croyait à la possibilité de prendre le pouvoir et d'instaurer une société socialiste grâce à un coup d'Etat fomenté par des "minorités agissantes", organisées en réseaux de conspirateurs. C'est à peu près ce qu'on fait les Bolcheviks en 1917.
Marx voyait l'avènement du socialisme comme le résultat final de l'évolution des sociétés capitalistes. Lénine a cru y arriver par une sorte de raccourci historique. La Russie était encore une société très traditionnelle, à un stade primitif du capitalisme. On sait ce qu'il en est advenu : le stalinisme, c'est-à-dire une forme modernisée du despotisme asiatique séculaire déjà décrit par Montesquieu, Hegel... et Marx lui-même.
Quand Marx disait qu'il n'était pas marxiste, c'était pour protester contre la simplification et l'instrumentalisation de sa pensée. Déjà de son vivant, l'on commençait de faire de Marx un nouveau Messie, et du marxisme un nouveau catéchisme.
Quand il disait qu'il existait des "évolutions révolutionnaires", c'est qu'il constatait déjà à son époque les progrès -baisse du temps de travail, élévation du niveau de vie et d'éducation- générés par la technique, l'expansion coloniale, mais aussi l'évolution des esprits et des législations sous la pression politique et syndicale. Il devait estimer à la fin de sa vie que l'Angleterre, berceau de la révolution industrielle, serait le premier pays à arriver au socialisme par ce type "d'évolution révolutionnaire".
Alors peut-on être socialiste sans être marxiste? ce débat doit paraître très dépassé à beaucoup de nos lecteurs. A-t-il encore du sens alors qu'il s'agit de construire le socialisme du XXIème siècle? Pourtant, comme le disait Jaurès," c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". En d'autres termes, effacer notre passé nous ferait perdre de précieux repères pour entrer dans l'avenir. La démarche de Marx, comme volonté de comprendre les forces souterraines à l'oeuvre dans les phénomènes politiques, économiques et sociaux, et de les orienter au bénéfice de tous, peut et doit rester pour nous une source d'inspiration.
Cela amène une autre question, qui est de savoir si de telles forces peuvent effectivement être maîtrisées et canalisées par quelques-uns. Marx, pour sa part, ne l'a jamais pensé. S'en croire capable, c'est déjà sans doute faire preuve d'un orgueuil prométhéen. C'est aller vers les catastrophes du stalinisme et du maoïsme. Mais alors que pouvons-nous faire? ce sera, si tu le veux bien, l'objet de prochains articles.
j'écrivais dans un récent message ("à propos d'un article de Jacques Julliard", 6 août) : "Oserai-je dire qu'il n'est pas non plus interdit d'aller puiser à une autre source du socialisme, la pensée de Marx, pas sa pensée ossifiée dans le marxisme-léninisme, mais la pensée du Marx qui disait déjà "je ne suis pas marxiste"?..."
Tu réagis en disant "le léninisme ossifié?"..."socialiste et marxiste, ce n'est pas compatible ?" Tes questions appellent réponse.
Oui, je persiste à croire que la pensée de Marx a été déformée, simplifiée et instrumentalisée par le marxisme-léninisme. Instrumentalisée au profit d'une stratégie de conquête du pouvoir beaucoup plus "blanquiste", au fond, que "marxiste". Blanqui était ce socialiste révolutionnaire français du XIXème siècle, ayant passé une bonne partie de sa vie en prison, qui croyait à la possibilité de prendre le pouvoir et d'instaurer une société socialiste grâce à un coup d'Etat fomenté par des "minorités agissantes", organisées en réseaux de conspirateurs. C'est à peu près ce qu'on fait les Bolcheviks en 1917.
Marx voyait l'avènement du socialisme comme le résultat final de l'évolution des sociétés capitalistes. Lénine a cru y arriver par une sorte de raccourci historique. La Russie était encore une société très traditionnelle, à un stade primitif du capitalisme. On sait ce qu'il en est advenu : le stalinisme, c'est-à-dire une forme modernisée du despotisme asiatique séculaire déjà décrit par Montesquieu, Hegel... et Marx lui-même.
Quand Marx disait qu'il n'était pas marxiste, c'était pour protester contre la simplification et l'instrumentalisation de sa pensée. Déjà de son vivant, l'on commençait de faire de Marx un nouveau Messie, et du marxisme un nouveau catéchisme.
Quand il disait qu'il existait des "évolutions révolutionnaires", c'est qu'il constatait déjà à son époque les progrès -baisse du temps de travail, élévation du niveau de vie et d'éducation- générés par la technique, l'expansion coloniale, mais aussi l'évolution des esprits et des législations sous la pression politique et syndicale. Il devait estimer à la fin de sa vie que l'Angleterre, berceau de la révolution industrielle, serait le premier pays à arriver au socialisme par ce type "d'évolution révolutionnaire".
Alors peut-on être socialiste sans être marxiste? ce débat doit paraître très dépassé à beaucoup de nos lecteurs. A-t-il encore du sens alors qu'il s'agit de construire le socialisme du XXIème siècle? Pourtant, comme le disait Jaurès," c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". En d'autres termes, effacer notre passé nous ferait perdre de précieux repères pour entrer dans l'avenir. La démarche de Marx, comme volonté de comprendre les forces souterraines à l'oeuvre dans les phénomènes politiques, économiques et sociaux, et de les orienter au bénéfice de tous, peut et doit rester pour nous une source d'inspiration.
Cela amène une autre question, qui est de savoir si de telles forces peuvent effectivement être maîtrisées et canalisées par quelques-uns. Marx, pour sa part, ne l'a jamais pensé. S'en croire capable, c'est déjà sans doute faire preuve d'un orgueuil prométhéen. C'est aller vers les catastrophes du stalinisme et du maoïsme. Mais alors que pouvons-nous faire? ce sera, si tu le veux bien, l'objet de prochains articles.
mardi 14 août 2007
pensées et maximes
Au bord de la Méditerranée, la chaleur monte, l'envie de penser diminue... je lève le pied pour quelques jours, et laisse un autre penser à ma place. En l'occurrence, c'est Montesquieu (il y a pire...), dans ses "Pensées", recueil d'idées qu'il jetait sur le papier pour y puiser l'inspiration de ses ouvrages. Elles ne furent publiées que longtemps après sa mort.
Voilà mes préférées.
Voilà mes préférées.
"Si je savais une chose utile à ma nation qui fût ruineuse à une autre, je ne la proposerais pas à mon prince, parce que je suis homme avant d'être Français, (ou bien) parce que je suis nécessairement homme, et que je ne suis Français que par hasard." (n°350),
"Quand dans un royaume, il y a plus d'avantage à faire sa cour qu'à faire son devoir, tout est perdu." (n°642),
"Un ancien a comparé les lois à ces toiles d'araignées qui, n'ayant que la force d'arrêter les mouches, sont rompues par les oiseaux. Pour moi, je comparerais les bonnes lois à ces grands filets dans lesquels les poissons sont pris, mais se croient libres, et les mauvaises à ces filets dans lesquels ils sont si serrés que d'abord ils se sentent pris." (n°943),
"Ce qui manque aux orateurs en profondeur, ils vous le donnent en longueur." (n°1086),
"J'aime les paysans: ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers." (n°1109),
"Je crois avoir découvert la raison pourquoi les cerfs pleurent lorsqu'ils sont acculés : c'est par pitié pour la sottise de ceux qui passent leur vie à les poursuivre." (n°1350),
"Quand il s'agit d'obtenir les honneurs, on rame avec le mérite personnel et on vogue à pleines voiles avec la naissance." (n°1576),
"je ne demande à ma patrie ni pensions, ni honneurs, ni distinctions; je me trouve amplement récompensé par l'air que j'y respire. Je voudrais seulement que l'on ne l'y corrompît point".
Allez, bonnes vacances à ceux qui y sont encore, et bonne rentrée pour tout le monde!
samedi 11 août 2007
Rions un peu...
Pour se changer un peu les idées au coeur des vacances, voici l'histoire d'Edgar Faure, homme politique éminent de la IVème République, sachant (lui aussi) cultiver les amis généreux.
Progressant dans les charges et les honneurs, notre ami Edgar part à la recherche d'un bel appartement parisien -pas moins de 300 mètres carrés, sans doute- plus conforme à sa nouvelle importance politique.
Le voilà donc prenant contact avec avec l'une de ses nombreuses relations, président d'une grande compagnie d'assurances, de ce genre de compagnie qui possède des centaines d'immeubles bourgeois dans la capitale.
Il lui explique longuement ses besoins, lui dit combien il compte sur lui pour lui trouver l'appartement correspondant à ses voeux, et conclut en disant : "et, bien entendu, j'insiste pour payer un loyer... même symbolique!".
Progressant dans les charges et les honneurs, notre ami Edgar part à la recherche d'un bel appartement parisien -pas moins de 300 mètres carrés, sans doute- plus conforme à sa nouvelle importance politique.
Le voilà donc prenant contact avec avec l'une de ses nombreuses relations, président d'une grande compagnie d'assurances, de ce genre de compagnie qui possède des centaines d'immeubles bourgeois dans la capitale.
Il lui explique longuement ses besoins, lui dit combien il compte sur lui pour lui trouver l'appartement correspondant à ses voeux, et conclut en disant : "et, bien entendu, j'insiste pour payer un loyer... même symbolique!".
jeudi 9 août 2007
Petite analyse de texte
Avez-vous lu le communiqué suivant de la Présidence de la République?
"Le président de la République est favorable à l'initiative de Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, qui appelle à la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur les développements récents des relations entre la France et la Libye, y compris en matière d'armement. Les travaux de cette commission permettront de confirmer toutes les déclarations faites par les autorités françaises et de mettre en valeur l'exemplarité de leur action qui a permis, avec l'Union européenne, de mettre un terme à l'emprisonnement des cinq infirmières et du médecin bulgares."
En quelques lignes, que de biais introduits, plus ou moins subtilement, dans la communication!
Que signifie le Président en disant qu'il est "favorable" à cette initiative? que cela change-t-il au processus? en sens inverse, pourrait-il dire qu'il est "défavorable" à telle ou telle initiative du Parlement? cela pourrait-il arrêter le cours des choses? L'on en arrive à penser qu'en se disant ainsi "favorable", le Président cherche surtout à prendre les devants en faisant comprendre qu'il ne craint pas l'initiative, et donc qu'il n'a rien à se reprocher.
"... initiative de Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale". Vraiment? le Président paraît mal informé. Tout lecteur de journal, ou même tout spectateur des journaux télévisés avait compris que l'initiative venait en réalité du Parti socialiste. Pourquoi ainsi le dissimuler?
Plus étonnant, avant même que la Commission d'enquête se soit réunie, notre Président en annonce le résultat : "les travaux de cette commission permettront de confirmer toutes les déclarations faites par les autorités françaises et de mettre en valeur l'exemplarité de leur action etc." Est-ce une façon de dicter aux membres de la future commission, au moins à ceux appartenant à sa majorité, ce que devra contenir son rapport?
"...exemplarité de leur action qui a permis, avec l'Union européenne,..." joli coup peut-être. Mais doit-on vraiment donner en exemple pour notre diplomatie une action consistant à prendre au dernier moment la vedette d'une libération préparée de longue date par de nombreux Européens? Et n'aurait-on pas dû au moins écrire "une action de l'Union européenne qui a permis, avec l'aide de la France..."?
Exemplaire, vraiment, une action qui a entraîné le commentaire suivant du fils du colonel Khadafi: "j'ai dit à mon père: "je n'arrive pas à croire à l'offre française!"? Oui, il faudra que l'on sache un jour ce qu'ont vraiment offert M.et Mme Sarkozy au Maître de Tripoli pour se placer en première page de l'actualité!
"Le président de la République est favorable à l'initiative de Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, qui appelle à la constitution d'une commission d'enquête parlementaire sur les développements récents des relations entre la France et la Libye, y compris en matière d'armement. Les travaux de cette commission permettront de confirmer toutes les déclarations faites par les autorités françaises et de mettre en valeur l'exemplarité de leur action qui a permis, avec l'Union européenne, de mettre un terme à l'emprisonnement des cinq infirmières et du médecin bulgares."
En quelques lignes, que de biais introduits, plus ou moins subtilement, dans la communication!
Que signifie le Président en disant qu'il est "favorable" à cette initiative? que cela change-t-il au processus? en sens inverse, pourrait-il dire qu'il est "défavorable" à telle ou telle initiative du Parlement? cela pourrait-il arrêter le cours des choses? L'on en arrive à penser qu'en se disant ainsi "favorable", le Président cherche surtout à prendre les devants en faisant comprendre qu'il ne craint pas l'initiative, et donc qu'il n'a rien à se reprocher.
"... initiative de Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale". Vraiment? le Président paraît mal informé. Tout lecteur de journal, ou même tout spectateur des journaux télévisés avait compris que l'initiative venait en réalité du Parti socialiste. Pourquoi ainsi le dissimuler?
Plus étonnant, avant même que la Commission d'enquête se soit réunie, notre Président en annonce le résultat : "les travaux de cette commission permettront de confirmer toutes les déclarations faites par les autorités françaises et de mettre en valeur l'exemplarité de leur action etc." Est-ce une façon de dicter aux membres de la future commission, au moins à ceux appartenant à sa majorité, ce que devra contenir son rapport?
"...exemplarité de leur action qui a permis, avec l'Union européenne,..." joli coup peut-être. Mais doit-on vraiment donner en exemple pour notre diplomatie une action consistant à prendre au dernier moment la vedette d'une libération préparée de longue date par de nombreux Européens? Et n'aurait-on pas dû au moins écrire "une action de l'Union européenne qui a permis, avec l'aide de la France..."?
Exemplaire, vraiment, une action qui a entraîné le commentaire suivant du fils du colonel Khadafi: "j'ai dit à mon père: "je n'arrive pas à croire à l'offre française!"? Oui, il faudra que l'on sache un jour ce qu'ont vraiment offert M.et Mme Sarkozy au Maître de Tripoli pour se placer en première page de l'actualité!
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lundi 6 août 2007
A propos d'un article de Jacques Julliard
Je m'étais promis de ne pas aborder de sujets trop sérieux en ce creux des vacances, mais je souhaite appeler sans tarder l'attention sur l'article de Jacques Julliard dans le Nouvel Observateur de cette semaine (numéro du 2 août, pages 22 à 24): "Socialistes, croyez-vous encore à vos mythes?"
Que dit-il en substance? La France s'oriente inexorablement vers le bi-partisme. L'unité de la droite vient d'être réalisée par Nicolas Sarkozy, notamment par la récupération de l'électorat lepéniste. le Parti Socialiste, malgré sa défaite, est en situation de réaliser cette même unité à gauche. Malgré toutes ses erreurs, ses électeurs ne l'ont pas lâché. C'est le seul parti de gauche à ne s'être pas effondré, et même à avoir augmenté le nombre de ses députés.
Mais pour y parvenir, ses dirigeants doivent absolument modifier leur comportement (seule Ségolène, malgré ses gros défauts, "parlait vrai"), et bien entendu, modifier leur discours. Je cite Julliard : "quand l'Etat-providence est en crise, on ne peut se contenter de crier "vive l'Etat-providence"! Il faut repenser l'ensemble de la philosophie du socialisme, inventer un socialisme de marché pour faire face à la paupérisation d'une partie de la population, au défi de la mondialisation et à l'ardente obligation d'une économie du savoir".
En somme, selon Julliard, et je suis prêt à le croire, le Parti Socialiste se trouve à l'aube d'une refondation qu'il lui faut absolument réussir.
Comment? c'est là que je me permets d'introduire mes idées, qui sont aussi les idées de bien d'autres. En effet, comme vous allez le voir, elles vont puiser loin, aux deux sources du socialisme français: Blum et Jaurès.
Le Parti Socialiste doit retrouver sa vocation à être le fédérateur de toutes les familles de la Gauche, excepté quelques extrêmes irrécupérables. Pas facile, car elles sont de sensibilités contradictoires.
Léon Blum, dès le congrès de Tours, en 1921, ne disait rien d'autre en rappelant, avec les mots de son temps, que le Parti socialiste, "Parti de la classe ouvrière", avait le devoir de représenter toute la classe ouvrière, avec ses contradictions, et tous ses intérêts divers.
Or notre électorat naturel, l'équivalent de la "classe ouvrière" du XIXème et de la première partie du XXème siècle, c'est le monde des salariés, du public et du privé, et aussi celui des petits et moyens entrepreneurs dont le sort n'est souvent pas plus enviable que celui des salariés. C'est le monde qui tire l'essentiel de ses revenus de sa force de travail et d'intelligence, parfois de la combinaison d'un peu de capital et de beaucoup de travail et d'intelligence, mais jamais de l'inverse.
C'est cet électorat que nous devons convaincre de sa profonde solidarité, malgré des intérêts immédiats parfois contradictoires, face à la concentration accélérée des toutes les formes de pouvoir par les forces de l'argent, face à leur intrusion croissante dans le contrôle des Etats, et dans le contrôle des esprits, par la conquête des médias et de la presse, par la conquête des réseaux de communication planétaires. Je vous renvoie ici à mon article du 26 juillet.
En second lieu le Parti socialiste doit être capable de réconcilier les aspirations réformatrices et les aspirations révolutionnaires qui l'ont parcouru tout au long de son histoire. Car ce n'est pas en reniant le passé qu'on peut progresser vers l'avenir.
Ici c'est Jaurès, qui, dès 1908, au congrès de Toulouse, nous apporte les éléments de la réponse dans un lumineux discours qui, en ses fondements, n'a pas pris une ride. Nous sommes à l'époque d'un tout nouveau et encore fragile parti socialiste unifié, la SFIO. voici la phrase-clé de ce discours:
"Nous disons que dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et que l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."
Voilà ce qui à l'heure d'un nouveau départ doit nous inspirer pour inventer de nouvelles façons d'être et d'agir. Oserai-je dire qu'il n'est pas non plus interdit d'aller puiser à une autre source du socialisme, la pensée de Marx, pas sa pensée ossifiée dans le marxisme-léninisme et le stalinisme, mais la pensée du Marx qui disait déjà "je ne suis pas marxiste", du Marx qui réfléchissait aux formes d'une "évolution révolutionnaire"?
Je m'arrête là pour le moment, mais il va de soi que nous reviendrons sur ces sujets. En attendant, que ceux qui souhaitent se procurer le texte intégral du discours de Jaurès m'adressent un message à l'adresse suivante: nicoullaud@aol.com. Je me ferai un plaisir de le leur adresser en format pdf.
Que dit-il en substance? La France s'oriente inexorablement vers le bi-partisme. L'unité de la droite vient d'être réalisée par Nicolas Sarkozy, notamment par la récupération de l'électorat lepéniste. le Parti Socialiste, malgré sa défaite, est en situation de réaliser cette même unité à gauche. Malgré toutes ses erreurs, ses électeurs ne l'ont pas lâché. C'est le seul parti de gauche à ne s'être pas effondré, et même à avoir augmenté le nombre de ses députés.
Mais pour y parvenir, ses dirigeants doivent absolument modifier leur comportement (seule Ségolène, malgré ses gros défauts, "parlait vrai"), et bien entendu, modifier leur discours. Je cite Julliard : "quand l'Etat-providence est en crise, on ne peut se contenter de crier "vive l'Etat-providence"! Il faut repenser l'ensemble de la philosophie du socialisme, inventer un socialisme de marché pour faire face à la paupérisation d'une partie de la population, au défi de la mondialisation et à l'ardente obligation d'une économie du savoir".
En somme, selon Julliard, et je suis prêt à le croire, le Parti Socialiste se trouve à l'aube d'une refondation qu'il lui faut absolument réussir.
Comment? c'est là que je me permets d'introduire mes idées, qui sont aussi les idées de bien d'autres. En effet, comme vous allez le voir, elles vont puiser loin, aux deux sources du socialisme français: Blum et Jaurès.
Le Parti Socialiste doit retrouver sa vocation à être le fédérateur de toutes les familles de la Gauche, excepté quelques extrêmes irrécupérables. Pas facile, car elles sont de sensibilités contradictoires.
Léon Blum, dès le congrès de Tours, en 1921, ne disait rien d'autre en rappelant, avec les mots de son temps, que le Parti socialiste, "Parti de la classe ouvrière", avait le devoir de représenter toute la classe ouvrière, avec ses contradictions, et tous ses intérêts divers.
Or notre électorat naturel, l'équivalent de la "classe ouvrière" du XIXème et de la première partie du XXème siècle, c'est le monde des salariés, du public et du privé, et aussi celui des petits et moyens entrepreneurs dont le sort n'est souvent pas plus enviable que celui des salariés. C'est le monde qui tire l'essentiel de ses revenus de sa force de travail et d'intelligence, parfois de la combinaison d'un peu de capital et de beaucoup de travail et d'intelligence, mais jamais de l'inverse.
C'est cet électorat que nous devons convaincre de sa profonde solidarité, malgré des intérêts immédiats parfois contradictoires, face à la concentration accélérée des toutes les formes de pouvoir par les forces de l'argent, face à leur intrusion croissante dans le contrôle des Etats, et dans le contrôle des esprits, par la conquête des médias et de la presse, par la conquête des réseaux de communication planétaires. Je vous renvoie ici à mon article du 26 juillet.
En second lieu le Parti socialiste doit être capable de réconcilier les aspirations réformatrices et les aspirations révolutionnaires qui l'ont parcouru tout au long de son histoire. Car ce n'est pas en reniant le passé qu'on peut progresser vers l'avenir.
Ici c'est Jaurès, qui, dès 1908, au congrès de Toulouse, nous apporte les éléments de la réponse dans un lumineux discours qui, en ses fondements, n'a pas pris une ride. Nous sommes à l'époque d'un tout nouveau et encore fragile parti socialiste unifié, la SFIO. voici la phrase-clé de ce discours:
"Nous disons que dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et que l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."
Voilà ce qui à l'heure d'un nouveau départ doit nous inspirer pour inventer de nouvelles façons d'être et d'agir. Oserai-je dire qu'il n'est pas non plus interdit d'aller puiser à une autre source du socialisme, la pensée de Marx, pas sa pensée ossifiée dans le marxisme-léninisme et le stalinisme, mais la pensée du Marx qui disait déjà "je ne suis pas marxiste", du Marx qui réfléchissait aux formes d'une "évolution révolutionnaire"?
Je m'arrête là pour le moment, mais il va de soi que nous reviendrons sur ces sujets. En attendant, que ceux qui souhaitent se procurer le texte intégral du discours de Jaurès m'adressent un message à l'adresse suivante: nicoullaud@aol.com. Je me ferai un plaisir de le leur adresser en format pdf.
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