La seconde question que nous rencontrons au début de notre réfexion sur la rénovation du parti socialiste est la suivante : notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?
L'on pourrait répondre pour faire simple : notre tradition est révolutionnnaire, notre idéal est révolutionnaire, notre méthode est la réforme.
Notre tradition est révolutionnaire, nous avons vu dans un précédent article comment et pourquoi. L'oublier serait accepter d'être débranchés de toute une histoire qui a forgé notre identité. Nous ne serions plus alors que l'ombre de nous-mêmes.
Notre idéal est révolutionnaire, puisque la société de fraternité et de justice qui forme notre horizon est à l'extrême opposé de celle que nous vivons. Utopie? certainement, mais utopie féconde puisqu'elle forme la ligne directrice de tous nos efforts.
Et notre méthode est la réforme. Pourquoi? parce que les tragédies du XXème siècle nous ont appris que la volonté de transformer une société dans son ensemble par la volonté d'un seul ou de quelques-uns ne pouvait être que l'expression d'un orgueil démesuré, et aboutir à des sociétés de cauchemar. C'est l'Union soviétique avec le stalinisme et le goulag. C'est la Chine de Mao avec le Grand bond en avant, responsable de millions de morts, et la Révolution culturelle. Sans parler du nazisme qui, lui, faisait du cauchemar l'instrument même de transformation de sa société.
Non, Dieu merci, les sociétés humaines sont trop complexes pour être modelées par quelques-uns. Vaclav Havel, interrogé sur sa capacité à accélérer les changements dans son pays après la chute du communisme, rappelait plaisamment qu'on ne fait pas pousser une plante en la tirant vers le haut.
Reste à chacun, là où il est, et dans la mesure de ses capacités, à chercher à modifier ce qui l'entoure, en chaque occasion possible, dans le sens de "la liberté, de l'égalité et de la fraternité"pour reprendre la devise dont nous disions précédemment toute la charge révolutionnaire. Et si nous agissons non pas isolément mais ensemble, dans le cadre d'un mouvement politique rénové, là, nous pouvons commencer à faire apparaître des changements visibles à l'échelle de toute une société. Comme le disait Jaurès, décidément incontournable sur ces sujets : "dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."
Voilà pourquoi toutes les réformes ne se valent pas et que nous ne pouvons être confondus avec ceux qui ne voient dans les réformes que le moyen de mieux protéger l'existant : de ne le faire évoluer, moyennant si nécessaire quelques sacrifices, que pour mieux sauvegarder l'essentiel de leurs privilèges.
Jaurès, encore : "parce que le Parti socialiste est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur". Puissions-nous être dignes de cette formule lancée il y a presque un siècle, au congrès de Toulouse de 1908!
vendredi 28 septembre 2007
jusqu'où réformer le Parti Socialiste? (3/4)
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dimanche 23 septembre 2007
Jusqu'où réformer le Parti Socialiste? (2/4)
Je reprends le fil de la réflexion sur l'avenir du Parti Socialiste en attaquant la première des questions qui nous barre en quelque sorte la route : devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?
Il va de soi qu'un social-démocrate n'a rien en soi d'un "social-traître". J'ose enfin avouer que je me sentais social-démocrate à l'époque du congrès d'Epinay. Mais alors, mieux valait raser les murs...
La social-démocratie allemande, d'ailleurs, donnait à son origine des leçons de Révolution aux socialistes français. Le terme n'a pris son sens actuel qu'en 1959, avec le Congrès de Bad Godesberg, lorsque la social-démocratie a abandonné toute référence au marxisme et à sa propre histoire. Mais à l'époque, le marxisme c'était le bloc soviétique, l'Allemagne divisée, l'écrasement de la révolution hongroise, le spectre de la guerre nucléaire. Et les Allemands n'osaient pas regarder leur histoire.
Aujourd'hui, ceux qui de l'extérieur de notre Parti nous poussent, bien sûr pour notre bien, à nous muer en sociaux-démocrates veulent avant tout nous arracher nos griffes. Ils dormiraient évidemment bien mieux si, reniant notre passé, nous pouvions proclamer que notre seule ambition est d'améliorer le monde existant, en prenant soin de ne pas trop déranger.
Mais notre histoire n'est pas celle du socialisme allemand, qui est une histoire malheureuse. La Révolution de 1848 qui rêvait d'unité et de progrès a échoué, et l'unité allemande s'est faite par "le fer et le sang", sous la conduite de hobereaux. Ce sont eux qui ont octroyé les premiers essais de suffrage universel. C'est Bismarck qui a instauré les grandes lois de sécurité sociale. La République de Weimar, si tourmentée, est née d'une défaite, et dans la lutte fratricide des sociaux-démocrates et des spartakistes. La paisible République de Bonn est elle aussi née d'une défaite, encore pire que la première. Elle a été portée sur les fonds baptismaux par l'Amérique. L'héroïque contribution de tant de sociaux-démocrates à la lutte contre le nazisme n'a servi à rien. Et les résistants communistes se sont retrouvés de l'autre côté du Rideau de fer.
Notre Histoire est toute autre. Bien sûr, elle est aussi parsemée de défaites, mais nos avancées politiques et sociales, depuis la prise de la Bastille, viennent de l'intérieur, d'élans populaires et révolutionnaires. Les grandes lois de liberté politique et de progrès social des premières décennies de la IIIème République sont certes produites par des majorités bourgeoises. Elles doivent néanmoins beaucoup à la volonté de dépasser le traumatisme de la Commune. Même cet échec n'a donc pas été inutile.
Le Front populaire est à la fois une victoire électorale classique, classiquement gérée, et un mouvement profond de grèves. Comme l'Allemagne, nous devons notre Libération à l'Amérique, mais la Résistance y a joué son rôle et la République, grâce à de Gaulle, se réinstalle sans avoir besoin d'administration étrangère. Mai 1968, ce n'est pas seulement des étudiants qui jouent à la Révolution, c'est dix millions de salariés en grève. Et la victoire de 1981 reste, en sus du résultat des urnes, un grand moment de ferveur populaire.
Jaurès expliquait que le socialisme était la réalisation dans leurs ultimes conséquences des idéaux de la République, tels qu'exprimés pour la première fois par la Révolution française. En ce sens, la devise Liberté, Egalité, Fraternité demeure notre horizon indépassable. Si l'on veut bien la prendre au sérieux, elle est toujours aussi chargée qu'à sa naissance de tension révolutionnaire.
Mais comme le disait Jaurès, "c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". Et donc, il nous faut changer, il nous faut avancer, encore et toujours. Alors qu'on nous baptise, si on le veut, sociaux-démocrates. Mais qu'on ne nous coupe pas de notre passé.
...Et puisqu'on est avec Jaurès, voilà pour finir une gâterie en forme de citation : "...Par quelle porte sortirons-nous? Par la porte du passé ou par la porte de l'avenir? Du côté du couchant ou du côté du levant? Je sors du côté de l'avenir encore incertain, du côté du levant encore mal éclairé , je veux saluer, dès qu'elles commenceront à poindre au bas du ciel, plus belles toutes deux que l'étoile du matin, la Fraternité et la Justice".
Il va de soi qu'un social-démocrate n'a rien en soi d'un "social-traître". J'ose enfin avouer que je me sentais social-démocrate à l'époque du congrès d'Epinay. Mais alors, mieux valait raser les murs...
La social-démocratie allemande, d'ailleurs, donnait à son origine des leçons de Révolution aux socialistes français. Le terme n'a pris son sens actuel qu'en 1959, avec le Congrès de Bad Godesberg, lorsque la social-démocratie a abandonné toute référence au marxisme et à sa propre histoire. Mais à l'époque, le marxisme c'était le bloc soviétique, l'Allemagne divisée, l'écrasement de la révolution hongroise, le spectre de la guerre nucléaire. Et les Allemands n'osaient pas regarder leur histoire.
Aujourd'hui, ceux qui de l'extérieur de notre Parti nous poussent, bien sûr pour notre bien, à nous muer en sociaux-démocrates veulent avant tout nous arracher nos griffes. Ils dormiraient évidemment bien mieux si, reniant notre passé, nous pouvions proclamer que notre seule ambition est d'améliorer le monde existant, en prenant soin de ne pas trop déranger.
Mais notre histoire n'est pas celle du socialisme allemand, qui est une histoire malheureuse. La Révolution de 1848 qui rêvait d'unité et de progrès a échoué, et l'unité allemande s'est faite par "le fer et le sang", sous la conduite de hobereaux. Ce sont eux qui ont octroyé les premiers essais de suffrage universel. C'est Bismarck qui a instauré les grandes lois de sécurité sociale. La République de Weimar, si tourmentée, est née d'une défaite, et dans la lutte fratricide des sociaux-démocrates et des spartakistes. La paisible République de Bonn est elle aussi née d'une défaite, encore pire que la première. Elle a été portée sur les fonds baptismaux par l'Amérique. L'héroïque contribution de tant de sociaux-démocrates à la lutte contre le nazisme n'a servi à rien. Et les résistants communistes se sont retrouvés de l'autre côté du Rideau de fer.
Notre Histoire est toute autre. Bien sûr, elle est aussi parsemée de défaites, mais nos avancées politiques et sociales, depuis la prise de la Bastille, viennent de l'intérieur, d'élans populaires et révolutionnaires. Les grandes lois de liberté politique et de progrès social des premières décennies de la IIIème République sont certes produites par des majorités bourgeoises. Elles doivent néanmoins beaucoup à la volonté de dépasser le traumatisme de la Commune. Même cet échec n'a donc pas été inutile.
Le Front populaire est à la fois une victoire électorale classique, classiquement gérée, et un mouvement profond de grèves. Comme l'Allemagne, nous devons notre Libération à l'Amérique, mais la Résistance y a joué son rôle et la République, grâce à de Gaulle, se réinstalle sans avoir besoin d'administration étrangère. Mai 1968, ce n'est pas seulement des étudiants qui jouent à la Révolution, c'est dix millions de salariés en grève. Et la victoire de 1981 reste, en sus du résultat des urnes, un grand moment de ferveur populaire.
Jaurès expliquait que le socialisme était la réalisation dans leurs ultimes conséquences des idéaux de la République, tels qu'exprimés pour la première fois par la Révolution française. En ce sens, la devise Liberté, Egalité, Fraternité demeure notre horizon indépassable. Si l'on veut bien la prendre au sérieux, elle est toujours aussi chargée qu'à sa naissance de tension révolutionnaire.
Mais comme le disait Jaurès, "c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". Et donc, il nous faut changer, il nous faut avancer, encore et toujours. Alors qu'on nous baptise, si on le veut, sociaux-démocrates. Mais qu'on ne nous coupe pas de notre passé.
...Et puisqu'on est avec Jaurès, voilà pour finir une gâterie en forme de citation : "...Par quelle porte sortirons-nous? Par la porte du passé ou par la porte de l'avenir? Du côté du couchant ou du côté du levant? Je sors du côté de l'avenir encore incertain, du côté du levant encore mal éclairé , je veux saluer, dès qu'elles commenceront à poindre au bas du ciel, plus belles toutes deux que l'étoile du matin, la Fraternité et la Justice".
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mercredi 19 septembre 2007
L'Iran, Kouchner, et les autres
En attendant de reprendre le fil de la réflexion sur l'avenir du Parti Socialiste, voici, pour ceux qui s'intéressent à la crise iranienne, un petit éditorial produit pour une lettre hebdomadaire spécialisée dans les questions de défense, et sorti il y a quarante-huit heures.
Les connaisseurs du microcosme washingtonien sont désormais convaincus que l'administration américaine ne résistera pas indéfiniment à la tentation de frapper l'Iran : pas l'envahir, bien sûr, mais détruire radicalement, non seulement son potentiel nucléaire, mais aussi son potentiel de défense, et surtout de riposte. L'on est déjà dans l'ordre de grandeur de la centaine de sites en tous genres à neutraliser. Ira-t-on jusqu'à frapper des sites proprement politiques? Rien n'est sans doute exclu à ce jour.
Pour les Néo-Conservateurs la frappe de l'Iran leur donnerait enfin, à l'expiration de leurs huit ans au pouvoir, le sentiment d'un devoir historique accompli. L'on voit bien, sinon, qu'ils partiraient avec un sentiment d'inachevé, et l'éternel regret de n'avoir pas osé aller jusqu'au bout de leurs idées. Et ils ont pour agir deux fenêtres de tir : soit début 2008, avant la montée en puissance de la campagne présidentielle, soit l'automne, après l'élection elle-même, où Bush interviendrait alors avec l'accord tacite ou explicite de son successeur.
Donc, avant d'agir l'on prendra le Monde à témoin (comme pour l'Irak...) que les Nations Unies ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Concrètement, qu'il est impossible d'obtenir du Conseil de Sécurité une résolution vraiment musclée, passant à un palier supérieur de sanctions : celles qui ne se contentent pas d'humilier, mais qui font vraiment mal. Ceci va prendre encore quelques mois de palabres.
La Russie, la Chine paraissent à cette heure imperméables à tout effort de conviction. Peut-être alors, en une sorte d'intermède, se tournera-t-on vers l'Europe pour en obtenir une bordée de sanctions, venant rejoindre les sanctions unilatérales américaines.
Mais mettra-t-on les vingt-sept Européens d'accord? Rien n'est moins sûr s'il s'agit de faire mal, et donc de se faire mal à soi-même... et même si l'on réussissait en tout, ce tout fera-il plier l'Iran? Voilà plus d'un quart de siècle que ce pays est sous un embargo américain qui paralyse, ou du moins ralentit gravement, le développement de pans entiers de son économie, à commencer par sa capacité d'exploitation de pétrole et de gaz. Mais la République islamique est toujours là à défier le Monde et l'Amérique.
Voilà pourquoi l'Iran a sans doute été au coeur de la conversation des présidents français et américain, lors du déjeuner estival de Kennebunkport, dans la résidence familiale des Bush.
Voilà pourquoi, quinze jours plus tard, devant un parterre d'ambassadeurs français, Nicolas Sarkozy, encore tout plein des propos entendus, a présenté sur un ton fortement anxiogène le premier "des trois défis du XXIème siècle" qu'était "la menace de la confrontation entre l'Islam et l'Occident", et a conclu sur l'évocation de cette "alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran".
Voilà enfin pourquoi, pris à son tour dans une telle ambiance, Bernard Kouchner a laissé échapper l'idée qu'il fallait "se préparer au pire"... c'est-à-dire à "la guerre". Bien sûr, il s'est ensuite laborieusement défendu de tout entraînement sur une telle pente, se lançant même dans une construction hasardeuse selon laquelle il fallait encore plus de sanctions sur l'Iran pour lui épargner un conflit. Mais les mots, à ce niveau, s'envolent et prennent leur vie propre. Et ces mots-là, à travers le monde, ont pris toute la dimension d'une "self-fulfilling prophecy" : d'une prophétie auto-réalisatrice, comme le disent nos amis américains.
IRAN : LA CIBLE
Les connaisseurs du microcosme washingtonien sont désormais convaincus que l'administration américaine ne résistera pas indéfiniment à la tentation de frapper l'Iran : pas l'envahir, bien sûr, mais détruire radicalement, non seulement son potentiel nucléaire, mais aussi son potentiel de défense, et surtout de riposte. L'on est déjà dans l'ordre de grandeur de la centaine de sites en tous genres à neutraliser. Ira-t-on jusqu'à frapper des sites proprement politiques? Rien n'est sans doute exclu à ce jour.
Pour les Néo-Conservateurs la frappe de l'Iran leur donnerait enfin, à l'expiration de leurs huit ans au pouvoir, le sentiment d'un devoir historique accompli. L'on voit bien, sinon, qu'ils partiraient avec un sentiment d'inachevé, et l'éternel regret de n'avoir pas osé aller jusqu'au bout de leurs idées. Et ils ont pour agir deux fenêtres de tir : soit début 2008, avant la montée en puissance de la campagne présidentielle, soit l'automne, après l'élection elle-même, où Bush interviendrait alors avec l'accord tacite ou explicite de son successeur.
Donc, avant d'agir l'on prendra le Monde à témoin (comme pour l'Irak...) que les Nations Unies ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités. Concrètement, qu'il est impossible d'obtenir du Conseil de Sécurité une résolution vraiment musclée, passant à un palier supérieur de sanctions : celles qui ne se contentent pas d'humilier, mais qui font vraiment mal. Ceci va prendre encore quelques mois de palabres.
La Russie, la Chine paraissent à cette heure imperméables à tout effort de conviction. Peut-être alors, en une sorte d'intermède, se tournera-t-on vers l'Europe pour en obtenir une bordée de sanctions, venant rejoindre les sanctions unilatérales américaines.
Mais mettra-t-on les vingt-sept Européens d'accord? Rien n'est moins sûr s'il s'agit de faire mal, et donc de se faire mal à soi-même... et même si l'on réussissait en tout, ce tout fera-il plier l'Iran? Voilà plus d'un quart de siècle que ce pays est sous un embargo américain qui paralyse, ou du moins ralentit gravement, le développement de pans entiers de son économie, à commencer par sa capacité d'exploitation de pétrole et de gaz. Mais la République islamique est toujours là à défier le Monde et l'Amérique.
Voilà pourquoi l'Iran a sans doute été au coeur de la conversation des présidents français et américain, lors du déjeuner estival de Kennebunkport, dans la résidence familiale des Bush.
Voilà pourquoi, quinze jours plus tard, devant un parterre d'ambassadeurs français, Nicolas Sarkozy, encore tout plein des propos entendus, a présenté sur un ton fortement anxiogène le premier "des trois défis du XXIème siècle" qu'était "la menace de la confrontation entre l'Islam et l'Occident", et a conclu sur l'évocation de cette "alternative catastrophique : la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran".
Voilà enfin pourquoi, pris à son tour dans une telle ambiance, Bernard Kouchner a laissé échapper l'idée qu'il fallait "se préparer au pire"... c'est-à-dire à "la guerre". Bien sûr, il s'est ensuite laborieusement défendu de tout entraînement sur une telle pente, se lançant même dans une construction hasardeuse selon laquelle il fallait encore plus de sanctions sur l'Iran pour lui épargner un conflit. Mais les mots, à ce niveau, s'envolent et prennent leur vie propre. Et ces mots-là, à travers le monde, ont pris toute la dimension d'une "self-fulfilling prophecy" : d'une prophétie auto-réalisatrice, comme le disent nos amis américains.
lundi 17 septembre 2007
Jusqu'où réformer le Parti socialiste? (1/4)
Je n'osais trop me lancer dans une réflexion que je craignais ringarde, mais à l'occasion de l'examen de conscience que suscite notre défaite, je vois ressurgir, en des termes à peine nouveaux, ce vieux débat qui agite le socialisme depuis sa naissance : réforme ou révolution? insertion dans l'existant pour mieux le transformer, ou au contraire concentration de toutes les forces pour le renverser? rassemblement du plus grand nombre ou au contraire mobilisation de minorités agissantes?
L'Histoire progressant d'une certaine façon en spirale, nous nous trouvons aujourd'hui à peu près dans le même type de situation que celle qui a précédé l'émergence de la SFIO au début du XXème siècle, ou qu'à l'époque de l'agonie de la même SFIO et de l'émergence du Parti Socialiste d'Epinay.
Le meilleur signal de la décadence d'un mouvement politique est l'écart croissant entre son langage et sa pratique. Avec la SFIO de la guerre d'Algérie, où les Congrès se gagnaient encore en se drapant dans les principes du marxisme, le fossé était devenu un abîme.
Mais le même fossé, avouons-le, s'est rapidement creusé entre les programmes de gouvernement du Parti Socialiste d'avant 1981, qui prévoyaient sans état d'âme la rupture avec le capitalisme, et la réalité éminemment pragmatique de l'exercice du pouvoir par François Mitterrand.
Sous Jospin, ligotés par la cohabitation, tétanisés par la focalisation sur la conquête de la Présidence, nous n'avons plus osé avoir de doctrine. Il y avait la pratique, puis un ravin, puis plus rien. Tout devait se juger au bilan. Mal nous en a pris.
Et depuis, il n'y a même plus de fossé entre deux rives. Il n'y a plus de théorie, et nous voilà privés de pratique. Nous sommes sur des sables mouvants. La médiocrité conceptuelle du projet de notre Parti pour la dernière élection présidentielle en a été le signe. Sa rédaction avait pourtant été confiée à de beaux esprits. Mais l'on ne pouvait qu'être inquiet d'entendre au Congrès du Mans l'un des meilleurs d'entre eux, pourtant connu pour sa familiarité avec les milieux d'affaires et sa gestion fort classique du ministère de l'économie et des finances, se lancer dans des envolées qui semblaient annoncer le Grand Soir :
"Nous avons le devoir de changer la vie de ceux qui souffrent le plus... Nous mobiliserons les moyens de l’État, et lorsqu’il le faudra, nous imposerons des nationalisations temporaires... Nous voulons transformer en profondeur la société. Nous voulons l’extension du domaine du possible. Nous ne promettons pas le changement en cent jours, nous promettons le changement dès le premier jour et le changement jusqu’au dernier jour" etc. etc.
Là, nous revenions aux derniers jours de la SFIO!
Il est temps de reprendre notre marche. Mais avant de démarrer, trois questions nous barrent la route :
1. pour la doctrine, devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?
2. notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?
3. Enfin, sur la tactique, jusqu'où peut-on aller dans la volonté de rassemblement sans diluer notre propre identité?
Mieux vaut s'arrêter là pour ne pas vous fatiguer. Ces trois points feront donc l'objet de trois prochains articles.
L'Histoire progressant d'une certaine façon en spirale, nous nous trouvons aujourd'hui à peu près dans le même type de situation que celle qui a précédé l'émergence de la SFIO au début du XXème siècle, ou qu'à l'époque de l'agonie de la même SFIO et de l'émergence du Parti Socialiste d'Epinay.
Le meilleur signal de la décadence d'un mouvement politique est l'écart croissant entre son langage et sa pratique. Avec la SFIO de la guerre d'Algérie, où les Congrès se gagnaient encore en se drapant dans les principes du marxisme, le fossé était devenu un abîme.
Mais le même fossé, avouons-le, s'est rapidement creusé entre les programmes de gouvernement du Parti Socialiste d'avant 1981, qui prévoyaient sans état d'âme la rupture avec le capitalisme, et la réalité éminemment pragmatique de l'exercice du pouvoir par François Mitterrand.
Sous Jospin, ligotés par la cohabitation, tétanisés par la focalisation sur la conquête de la Présidence, nous n'avons plus osé avoir de doctrine. Il y avait la pratique, puis un ravin, puis plus rien. Tout devait se juger au bilan. Mal nous en a pris.
Et depuis, il n'y a même plus de fossé entre deux rives. Il n'y a plus de théorie, et nous voilà privés de pratique. Nous sommes sur des sables mouvants. La médiocrité conceptuelle du projet de notre Parti pour la dernière élection présidentielle en a été le signe. Sa rédaction avait pourtant été confiée à de beaux esprits. Mais l'on ne pouvait qu'être inquiet d'entendre au Congrès du Mans l'un des meilleurs d'entre eux, pourtant connu pour sa familiarité avec les milieux d'affaires et sa gestion fort classique du ministère de l'économie et des finances, se lancer dans des envolées qui semblaient annoncer le Grand Soir :
"Nous avons le devoir de changer la vie de ceux qui souffrent le plus... Nous mobiliserons les moyens de l’État, et lorsqu’il le faudra, nous imposerons des nationalisations temporaires... Nous voulons transformer en profondeur la société. Nous voulons l’extension du domaine du possible. Nous ne promettons pas le changement en cent jours, nous promettons le changement dès le premier jour et le changement jusqu’au dernier jour" etc. etc.
Là, nous revenions aux derniers jours de la SFIO!
Il est temps de reprendre notre marche. Mais avant de démarrer, trois questions nous barrent la route :
1. pour la doctrine, devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?
2. notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?
3. Enfin, sur la tactique, jusqu'où peut-on aller dans la volonté de rassemblement sans diluer notre propre identité?
Mieux vaut s'arrêter là pour ne pas vous fatiguer. Ces trois points feront donc l'objet de trois prochains articles.
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jeudi 13 septembre 2007
la mondialisation et le chou-fleur de Mandelbrot
Vous connaissez Benoît Mandelbrot, l'inventeur des mathématiques fractales? C'est lui qui a travaillé sur les modèles capables de reproduire des structures naturelles telles que celle du flocon de neige, des côtes de Bretagne, ou encore du chou-fleur. Prenez un chou-fleur, regardez-le bien. Cassez ensuite une branche du chou-fleur et regardez-la de près, vous verrez qu'elle reproduit en plus petit la forme du chou-fleur. Détachez de cette branche une des petites branches qui la composent, et là encore vous retrouvez la même forme... La structure du chou-fleur est égale à elle-même de la plus petite échelle à la plus grande. C'est ce qu'on appelle une structure à "homothétie interne".
Le même principe de répétition du plus grand au plus petit se retrouve dans les formes qui nous entourent : montagnes, nuages, côtes... toutes modelées ou sculptées par des forces naturelles : l'érosion du vent, de la mer, les variations climatiques etc.
Passons maintenant à l'économie. Considérons les lois du marché comme des lois naturelles, qu'elles sont en effet si on laisse libre cours à la concurrence, et donc toujours à la victoire des plus malins, ou des plus forts, ou des plus dotés au départ dans la vie.
Et bien ces lois du marché, si on les laisse librement jouer reproduisent à de multiples échelles, à l'image du chou-fleur, de l'inégalité.
A l'échelle du monde, La mondialisation produit d'abord une inégalité croissante entre les nations, car si l'on constate le rattrapage de petits ou grands pays d'Asie, l'on constate aussi que la plupart des pays d'Afrique voient s'éloigner la perspective de rejoindre, même à distance, les premiers. Et dans les grands succès des pays d'Asie, l'on masque d'ailleurs tout ce qu'ils doivent au volontarisme de leurs pouvoirs publics, et donc à tout ce qu'ils ont fait, et font encore, pour se protéger des lois du marché : protections tarifaires, dumping monétaire, lourdes interventions du politique dans l'économie etc.
Mais si l'on passe à l'échelle suivante, celle des pays, que voit-on? dans les pays "exemplaires" tels que l'Inde et la Chine, les inégalités, à nouveau, s'accroissent. Les industries indiennes progressent à grande vitesse, toujours plus de 10% par an, mais le monde rural, lui, ne connaît que des progressions d'environ 2% par an de sa production agricole. Même si les campagnes sont plus prospères qu'il y a 30 ans, le niveau de vie des villages s'éloigne de celui des agglomérations urbaines.
Descendons à présent au niveau d'un secteur. Là encore, au sein d'un même pays, entre les industries de pointe, ou les grandes exploitations agricoles mécanisées et rationalisées d'un côté, les industries déclinantes et les petites exploitations traditionnelles de l'autre, comment ne pas constater que les uns et les autres vivent dans deux mondes qui s'éloignent, et qui, de plus en plus, s'ignorent?
Encore un étage plus bas, l'on arrive au niveau de l'entreprise. Et là encore, il est clair que sous l'effet du culte des managers et du rapport financier maximal, les écarts de rémunération se sont creusés entre les deux extrémités de l'éventail des salaires. Ceux des grands patrons du CAC 40 ont atteint ces dernières années des niveaux qui n'ont plus rien à voir à ce que percevaient leurs prédécesseurs une génération plus tôt, alors que les salaires les plus bas ont progressé, certes, mais à un rythme infiniment plus faible.
Faut-il se résigner à un tel état de choses? faut-il considérer que ces écarts croissants, à tous niveaux, entre riches et pauvres obéissent à une loi aussi implacable que celle de l'expansion de l'Univers, qui ferait s'éloigner de plus en plus vite les uns des autres les astres et les galaxies?
Il est certain que devant des forces d'une telle puissance, jouant à toutes les échelles de la réalité économique, ce n'est pas la politique d'un seul Etat qui pourra renverser, ou même ralentir, la tendance. Les sociologues et statisticiens ont ainsi fait ressortir que durant les années Mitterrand les inégalités de tous genres s'étaient accrues en France. L'on est arrivé au sentiment très vif d'une "fracture sociale". Malgré le RMI, malgré la couverture universelle, cette fracture, depuis qu'elle a été mise en évidence, s'est-elle vraiment réduite?
Il est clair aujourd'hui que l'Etat-providence, l'Etat répartiteur de richesses , est en mauvaise posture, comme le sont les constructions illusoires et les déclarations volontaristes dont a trop usé le Parti socialiste. Bien sûr, l'Etat continuera à protéger, bien sûr il continuera à répartir, mais de plus en plus difficilement, de plus en plus parcimonieusement, et sous les clameurs de plus en plus indignées de ceux qui se voient privés de ce qu'ils considèrent comme leur dû : voir les tribulations de l'Impôt sur la Fortune.
Nous ne sommes pas encore arrivés au bout du cycle de la mondialisation, dont on pourrait dire, en parodiant Lénine, qu'il représente le stade ultime du capitalisme. Mais comme le faisaient les socialistes au début d'un autre grand cycle, celui de l'ère industrielle, nous avons le droit, et même le devoir, de réfléchir à la façon de maîtriser et d'orienter les forces en jeu, pour qu'elles jouent dans le sens du progrès, et non de la lente destruction des sociétés. Et pour cela, retenant la leçon du chou-fleur de Mandelbrot, il nous faut construire des réponses adaptées à chaque niveau de réalité: le monde lui-même, les grands ensembles régionaux comme l'Europe, les Etats, les régions, enfin les niveaux de toutes les communautés de base, terrritoriales, économiques, éducatives. Vaste programme, en somme!
Le même principe de répétition du plus grand au plus petit se retrouve dans les formes qui nous entourent : montagnes, nuages, côtes... toutes modelées ou sculptées par des forces naturelles : l'érosion du vent, de la mer, les variations climatiques etc.
Passons maintenant à l'économie. Considérons les lois du marché comme des lois naturelles, qu'elles sont en effet si on laisse libre cours à la concurrence, et donc toujours à la victoire des plus malins, ou des plus forts, ou des plus dotés au départ dans la vie.
Et bien ces lois du marché, si on les laisse librement jouer reproduisent à de multiples échelles, à l'image du chou-fleur, de l'inégalité.
A l'échelle du monde, La mondialisation produit d'abord une inégalité croissante entre les nations, car si l'on constate le rattrapage de petits ou grands pays d'Asie, l'on constate aussi que la plupart des pays d'Afrique voient s'éloigner la perspective de rejoindre, même à distance, les premiers. Et dans les grands succès des pays d'Asie, l'on masque d'ailleurs tout ce qu'ils doivent au volontarisme de leurs pouvoirs publics, et donc à tout ce qu'ils ont fait, et font encore, pour se protéger des lois du marché : protections tarifaires, dumping monétaire, lourdes interventions du politique dans l'économie etc.
Mais si l'on passe à l'échelle suivante, celle des pays, que voit-on? dans les pays "exemplaires" tels que l'Inde et la Chine, les inégalités, à nouveau, s'accroissent. Les industries indiennes progressent à grande vitesse, toujours plus de 10% par an, mais le monde rural, lui, ne connaît que des progressions d'environ 2% par an de sa production agricole. Même si les campagnes sont plus prospères qu'il y a 30 ans, le niveau de vie des villages s'éloigne de celui des agglomérations urbaines.
Descendons à présent au niveau d'un secteur. Là encore, au sein d'un même pays, entre les industries de pointe, ou les grandes exploitations agricoles mécanisées et rationalisées d'un côté, les industries déclinantes et les petites exploitations traditionnelles de l'autre, comment ne pas constater que les uns et les autres vivent dans deux mondes qui s'éloignent, et qui, de plus en plus, s'ignorent?
Encore un étage plus bas, l'on arrive au niveau de l'entreprise. Et là encore, il est clair que sous l'effet du culte des managers et du rapport financier maximal, les écarts de rémunération se sont creusés entre les deux extrémités de l'éventail des salaires. Ceux des grands patrons du CAC 40 ont atteint ces dernières années des niveaux qui n'ont plus rien à voir à ce que percevaient leurs prédécesseurs une génération plus tôt, alors que les salaires les plus bas ont progressé, certes, mais à un rythme infiniment plus faible.
Faut-il se résigner à un tel état de choses? faut-il considérer que ces écarts croissants, à tous niveaux, entre riches et pauvres obéissent à une loi aussi implacable que celle de l'expansion de l'Univers, qui ferait s'éloigner de plus en plus vite les uns des autres les astres et les galaxies?
Il est certain que devant des forces d'une telle puissance, jouant à toutes les échelles de la réalité économique, ce n'est pas la politique d'un seul Etat qui pourra renverser, ou même ralentir, la tendance. Les sociologues et statisticiens ont ainsi fait ressortir que durant les années Mitterrand les inégalités de tous genres s'étaient accrues en France. L'on est arrivé au sentiment très vif d'une "fracture sociale". Malgré le RMI, malgré la couverture universelle, cette fracture, depuis qu'elle a été mise en évidence, s'est-elle vraiment réduite?
Il est clair aujourd'hui que l'Etat-providence, l'Etat répartiteur de richesses , est en mauvaise posture, comme le sont les constructions illusoires et les déclarations volontaristes dont a trop usé le Parti socialiste. Bien sûr, l'Etat continuera à protéger, bien sûr il continuera à répartir, mais de plus en plus difficilement, de plus en plus parcimonieusement, et sous les clameurs de plus en plus indignées de ceux qui se voient privés de ce qu'ils considèrent comme leur dû : voir les tribulations de l'Impôt sur la Fortune.
Nous ne sommes pas encore arrivés au bout du cycle de la mondialisation, dont on pourrait dire, en parodiant Lénine, qu'il représente le stade ultime du capitalisme. Mais comme le faisaient les socialistes au début d'un autre grand cycle, celui de l'ère industrielle, nous avons le droit, et même le devoir, de réfléchir à la façon de maîtriser et d'orienter les forces en jeu, pour qu'elles jouent dans le sens du progrès, et non de la lente destruction des sociétés. Et pour cela, retenant la leçon du chou-fleur de Mandelbrot, il nous faut construire des réponses adaptées à chaque niveau de réalité: le monde lui-même, les grands ensembles régionaux comme l'Europe, les Etats, les régions, enfin les niveaux de toutes les communautés de base, terrritoriales, économiques, éducatives. Vaste programme, en somme!
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mardi 11 septembre 2007
de Mère Teresa, de Dhaniya la lacquière, et de l'absence de Dieu
J'aimerais réagir à l'article de Riwal (http://helvetia-atao.blogspot.com, signalé sur le forum de la Fédération des Français de l'étranger par Jean-Jacques Aka), portant sur la révélation récente que Mère Teresa ne croyait plus en Dieu.
Je pense pour ma part qu'elle a été en fait mal comprise. Vivant depuis 1929 en Inde, il était après tout normal qu'elle rejoigne peu à peu une dimension fondamentale de la mystique hindouiste, qui fait de l'absence l'un des principaux attributs de Dieu.
J'ai été mis sur cette piste par Jean-Luc Chambard, le grand ethnologue qui a consacré sa vie à l'étude d'un modeste village indien. Dans ce village, sa principale source d'informations a été longtemps une artisane, fabriquante de bracelets, Dhaniya la laquière, illettrée, mais qu'il considérait comme son Gourou, tellement était profonde sa connaissance des grandes traditions hindouistes, notamment transmises au travers des chansons de femmes.
"Sa caractéristique étonnante" écrit-il, "était l'espèce d'athéisme qui semblait découler de ses remarques désabusées sur l'absence de dieu, aussi bien dans les chansons ordinaires de son répertoire que dans les Chansons des douze mois", etc.
Et il poursuit ainsi : "le thème de l'absence de dieu m'a conduit à rien moins qu'à Kierkegaard... l'idée centrale de celui-ci est que ce qui intéresse les gens en Dieu, ce n'est pas qu'il existe ou non -un débat sur lequel on s'est enferré- mais son absence, qui est un phénomène vécu en fonction duquel se sont déterminés les grands mystiques, comme Sainte Thérèse d'Avila. C'est la souffrance causée par l'absence du dieu qui devient l'essentiel de la foi pour ces croyants car on ne saurait les qualifier d'incroyants."
Voilà donc dévoilé le mystère de l'incroyance de Mère Teresa.
A partir de là, deux pistes, si l'un de vous souhaite que je poursuive.
D'abord du côté de Jean-Luc Chambard lui-même, dans son article un curieux dialogue d'amour entre un ethnologue et une villageoise en Inde centrale, dont j'extrais la citation suivante de Dhaniya la laquière : "Nous les femmes, nous protégeons aussi Dieu. Parce que Dieu ne se soucie pas du sentiment de douleur d'être séparées qu'éprouvent les femmes, et c'est pour cela que nous aimons Dieu, pour qu'il n'ait pas de souci, ni de honte, de ce sentiment de séparation qu'il nous fait éprouver par son absence. C'est ce que l'on n'a pas qu'on désire le plus avoir! tu le vois bien, c'est notre sentiment de séparation qui nous rend heureuses!"
Comme quoi l'on n'a pas besoin de savoir lire et écrire pour penser comme un grand philosophe. Dhaniya la laquière rejoint ici Mère Teresa qui écrit dans les lettres récemment publiées :"j'ai juste la joie de ne rien avoir, pas même la présence de Dieu dans l'eucharistie."
L'autre piste est celle d'Abou Yakoub Sejestani, philosophe persan du Xème siècle qui, dans Le dévoilement des choses cachées, traduit par Henri Corbin (éd.Verdier, 1988), explique comment Dieu, tout à la fois, est et n'est pas. Nous pourrons y revenir si vous le voulez.
Finirons-nous par arriver au Necronomicon, écrit en 730 par l'Arabe dément Abdul al-Hazred, exhumé au XXème siècle par l'auteur fantastique H.P.Lovecraft? non, là je déconne...
Et à propos, je ne crois pas en Dieu. Ou plutôt, la question n'a pour moi pas de sens. Si Dieu existait, il n'aurait d'ailleurs pas besoin que l'on croie en lui, à la rigueur aurait-il besoin qu'on l'aime. C'est ce qu'a essayé de faire à sa façon Mère Teresa.
Je pense pour ma part qu'elle a été en fait mal comprise. Vivant depuis 1929 en Inde, il était après tout normal qu'elle rejoigne peu à peu une dimension fondamentale de la mystique hindouiste, qui fait de l'absence l'un des principaux attributs de Dieu.
J'ai été mis sur cette piste par Jean-Luc Chambard, le grand ethnologue qui a consacré sa vie à l'étude d'un modeste village indien. Dans ce village, sa principale source d'informations a été longtemps une artisane, fabriquante de bracelets, Dhaniya la laquière, illettrée, mais qu'il considérait comme son Gourou, tellement était profonde sa connaissance des grandes traditions hindouistes, notamment transmises au travers des chansons de femmes.
"Sa caractéristique étonnante" écrit-il, "était l'espèce d'athéisme qui semblait découler de ses remarques désabusées sur l'absence de dieu, aussi bien dans les chansons ordinaires de son répertoire que dans les Chansons des douze mois", etc.
Et il poursuit ainsi : "le thème de l'absence de dieu m'a conduit à rien moins qu'à Kierkegaard... l'idée centrale de celui-ci est que ce qui intéresse les gens en Dieu, ce n'est pas qu'il existe ou non -un débat sur lequel on s'est enferré- mais son absence, qui est un phénomène vécu en fonction duquel se sont déterminés les grands mystiques, comme Sainte Thérèse d'Avila. C'est la souffrance causée par l'absence du dieu qui devient l'essentiel de la foi pour ces croyants car on ne saurait les qualifier d'incroyants."
Voilà donc dévoilé le mystère de l'incroyance de Mère Teresa.
A partir de là, deux pistes, si l'un de vous souhaite que je poursuive.
D'abord du côté de Jean-Luc Chambard lui-même, dans son article un curieux dialogue d'amour entre un ethnologue et une villageoise en Inde centrale, dont j'extrais la citation suivante de Dhaniya la laquière : "Nous les femmes, nous protégeons aussi Dieu. Parce que Dieu ne se soucie pas du sentiment de douleur d'être séparées qu'éprouvent les femmes, et c'est pour cela que nous aimons Dieu, pour qu'il n'ait pas de souci, ni de honte, de ce sentiment de séparation qu'il nous fait éprouver par son absence. C'est ce que l'on n'a pas qu'on désire le plus avoir! tu le vois bien, c'est notre sentiment de séparation qui nous rend heureuses!"
Comme quoi l'on n'a pas besoin de savoir lire et écrire pour penser comme un grand philosophe. Dhaniya la laquière rejoint ici Mère Teresa qui écrit dans les lettres récemment publiées :"j'ai juste la joie de ne rien avoir, pas même la présence de Dieu dans l'eucharistie."
L'autre piste est celle d'Abou Yakoub Sejestani, philosophe persan du Xème siècle qui, dans Le dévoilement des choses cachées, traduit par Henri Corbin (éd.Verdier, 1988), explique comment Dieu, tout à la fois, est et n'est pas. Nous pourrons y revenir si vous le voulez.
Finirons-nous par arriver au Necronomicon, écrit en 730 par l'Arabe dément Abdul al-Hazred, exhumé au XXème siècle par l'auteur fantastique H.P.Lovecraft? non, là je déconne...
Et à propos, je ne crois pas en Dieu. Ou plutôt, la question n'a pour moi pas de sens. Si Dieu existait, il n'aurait d'ailleurs pas besoin que l'on croie en lui, à la rigueur aurait-il besoin qu'on l'aime. C'est ce qu'a essayé de faire à sa façon Mère Teresa.
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mardi 4 septembre 2007
expulsions : à propos de la police
J'ai été assez proche à un moment dans ma vie du milieu des policiers. Je peux témoigner que ceux-ci ne sont pas heureux de faire ce qu'on leur demande pour expulser des étrangers de notre territoire.
C'est sans plaisir aucun qu'ils forcent l'entrée des logements de pauvres gens, ou encore se voient obligés de menotter des expulsés récalcitrants, de les monter à bout de bras dans des avions, de les ligoter à leur fauteuil, et de les baîllonner pour les empêcher de crier. Ils éprouvent autant de malaise que les passagers qui protestent à la vision de ce genre de traitement. Personne n'aime se trouver dans ce genre de de rôle.
Honte à ceux qui les obligent à agir ainsi, au mépris de la conception que ces exécutants partagent avec nous de la dignité humaine! honte aux ministres qui dans le confort de leurs bureaux dorés donnent à ces policiers l'instruction de "faire du chiffre" pour remplir les promesses de campagne d'un candidat!
C'est sans plaisir aucun qu'ils forcent l'entrée des logements de pauvres gens, ou encore se voient obligés de menotter des expulsés récalcitrants, de les monter à bout de bras dans des avions, de les ligoter à leur fauteuil, et de les baîllonner pour les empêcher de crier. Ils éprouvent autant de malaise que les passagers qui protestent à la vision de ce genre de traitement. Personne n'aime se trouver dans ce genre de de rôle.
Honte à ceux qui les obligent à agir ainsi, au mépris de la conception que ces exécutants partagent avec nous de la dignité humaine! honte aux ministres qui dans le confort de leurs bureaux dorés donnent à ces policiers l'instruction de "faire du chiffre" pour remplir les promesses de campagne d'un candidat!
dimanche 2 septembre 2007
la flamme et le papillon
Décidement, son envie de donner aux riches est irrésistible. Après tous les cadeaux fiscaux que l'on connaît, nous venons de le voir une fois de plus avec l'affaire de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l'étranger.
Durant sa campagne, il promet de rendre la scolarité gratuite pour tous les enfants des classes terminales. Après l'élection, ses collaborateurs et ses ministres lui expliquent que c'est une idée absurde qui va dresser les familles françaises les unes contre les autres. Comment accepter que tel ou tel Français exilé fiscal obtienne pour ses enfants en âge d'accéder à un lycée français de l'étranger une scolarité gratuite, alors que d'autres familles font de réels sacrifices pour des enfants à l'école primaire ou au collège, sans bénéficier, ou trop peu, d'un système de bourses calculé au plus juste?
Ce raisonnement de bon sens ne l'ébranle pas. Il s'obstine. Et nous apprenons finalement de la bouche de son ministre des affaires étrangères que dès la rentrée 2007, tous les enfants en classe terminale de nos lycées à l'étranger verront leurs frais de scolarité remboursés par l'Etat.
Quelle séduction exercent donc sur lui les gens à l'abri du besoin? que cherche-t-il à obtenir en leur offrant en toutes occasions les solutions les plus propres à les satisfaire? qu'espère-t-il du roi déchu d'une très grande entreprise française, aujourd'hui installé aux Etats-Unis sur une montagne de millions d'euros touchés en indemnités de départ, et qui se verra ainsi offrir par les contribuables français quelques milliers d'euros par an pour ses enfants scolarisés?
Nicolas Sarkozy avoue, paraît-il, sa fascination pour "les entrepreneurs qui ont réussi à la force du poignet". Mais alors pourquoi ses meilleurs amis sont-ils des gens qui se sont tout juste donné la peine d'hériter, tels les Martin Bouygues et Arnaud Lagardère? sa boulimie de pouvoir et d'action n'est-elle qu'une autre façon de courir après tous les frissons de bonheur que l'on espère de la richesse? Comme le papillon de nuit, ne va-t-il pas se brûler les ailes à force de tourner ainsi autour de cette flamme?
Pardon, nous ne sommes pas là pour faire de la psychanalyse mais de la politique. Et pour revenir à nos enfants scolarisés à l'étranger, nous disons au Président de la République qu'il vient de faire le plus mauvais choix possible. Un choix diviseur pour nos communautés françaises. Un choix humiliant pour les familles dans le besoin. Et même un choix humiliant pour celles qui voient jeter à leurs pieds un os, rien qu'un os, alors qu'elles n'avaient rien demandé.
Durant sa campagne, il promet de rendre la scolarité gratuite pour tous les enfants des classes terminales. Après l'élection, ses collaborateurs et ses ministres lui expliquent que c'est une idée absurde qui va dresser les familles françaises les unes contre les autres. Comment accepter que tel ou tel Français exilé fiscal obtienne pour ses enfants en âge d'accéder à un lycée français de l'étranger une scolarité gratuite, alors que d'autres familles font de réels sacrifices pour des enfants à l'école primaire ou au collège, sans bénéficier, ou trop peu, d'un système de bourses calculé au plus juste?
Ce raisonnement de bon sens ne l'ébranle pas. Il s'obstine. Et nous apprenons finalement de la bouche de son ministre des affaires étrangères que dès la rentrée 2007, tous les enfants en classe terminale de nos lycées à l'étranger verront leurs frais de scolarité remboursés par l'Etat.
Quelle séduction exercent donc sur lui les gens à l'abri du besoin? que cherche-t-il à obtenir en leur offrant en toutes occasions les solutions les plus propres à les satisfaire? qu'espère-t-il du roi déchu d'une très grande entreprise française, aujourd'hui installé aux Etats-Unis sur une montagne de millions d'euros touchés en indemnités de départ, et qui se verra ainsi offrir par les contribuables français quelques milliers d'euros par an pour ses enfants scolarisés?
Nicolas Sarkozy avoue, paraît-il, sa fascination pour "les entrepreneurs qui ont réussi à la force du poignet". Mais alors pourquoi ses meilleurs amis sont-ils des gens qui se sont tout juste donné la peine d'hériter, tels les Martin Bouygues et Arnaud Lagardère? sa boulimie de pouvoir et d'action n'est-elle qu'une autre façon de courir après tous les frissons de bonheur que l'on espère de la richesse? Comme le papillon de nuit, ne va-t-il pas se brûler les ailes à force de tourner ainsi autour de cette flamme?
Pardon, nous ne sommes pas là pour faire de la psychanalyse mais de la politique. Et pour revenir à nos enfants scolarisés à l'étranger, nous disons au Président de la République qu'il vient de faire le plus mauvais choix possible. Un choix diviseur pour nos communautés françaises. Un choix humiliant pour les familles dans le besoin. Et même un choix humiliant pour celles qui voient jeter à leurs pieds un os, rien qu'un os, alors qu'elles n'avaient rien demandé.
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