Nous tous aimons bien Obama, mais là, sur les affaires nucléaires, il a fait un peu fort récemment dans l'usage de la poudre aux yeux. Il est vrai qu'il a intérêt à bouger à l'approche de l'échéance délicate que représente la prochaine conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire. Les cinq pays que cet accord international signé par presque tout le monde reconnaît comme possesseurs de l'arme nucléaire, Etats-Unis en tête, vont en effet y être soumis, une fois encore et peut-être plus que jamais, à fortes critiques et pressions des autres Etats-membres pour leur maigre bilan en matière de désarmement.
La conférence au sommet qui vient de se tenir à Washington sur le thème du terrorisme nucléaire visait ainsi à occuper le terrain, mais elle a brassé plus de vent que de concret. Le sujet, déjà bien traité par les spécialistes, méritait-il vraiment de déranger une quarantaine de chefs d'Etat ou de gouvernement? Cela fait une bonne quinzaine d'années, au moins, que l'on agite le spectre d'une bombe atomique lancée par de méchants Islamistes, mais le sérieux d'une telle menace reste à démontrer. Même s'il n'y a pas de risque zéro, la mise au point, ou même le vol et la mise en oeuvre d'un engin nucléaire, le tout sans se faire repérer, réclament des capacités technologiques et des moyens d'agir hors de portée d'un groupe de malfaiteurs, si bien organisé soit-il. Alors que l'on se préoccupait déjà beaucoup à l'époque des risques d'attentat nucléaire, les attaques du 11 Septembre ont utilisé comme seule arme des couteaux de poche et comme principal investissement des cours de pilotage et des billets d'avion.
Quant à l'accord START que viennent de signer à Prague les présidents russe et américain, il marque de très faibles reculs quantitatifs des arsenaux nucléaires par rapport à l'accord précédent, signé en 2002 à Moscou par G.W. Bush et Vladimir Poutine. Son principal acquis, non négligeable, est de prévoir un système de vérification mutuelle contraignant alors que rien de tel n'existait dans le Traité de Moscou, qui tenait plutôt de la déclaration d'intention commune. Mais avec un plafond de 1.550 armes déployées, dans lequel un bombardier compte pour une seule arme quel que soit le nombre de bombes emportées, les arsenaux nucléaires des Etats-Unis et de la Russie demeurent fortement redondants. D'autant que les armes rangées sur étagère n'entrent pas dans le calcul, non plus que les armes nucléaires déployées hors des frontières des deux parties, donc des armes encore entreposées par les Etats-Unis en Europe.
Enfin, la doctrine américaine d'usage de l'arme nucléaire, récemment révisée, nous laisse sur notre faim. L'on se réjouit de voir confirmée l'intention des Etats-Unis de ne plus procéder à des essais nucléaires et d'adhérer au traité d'interdiction de tels essais, comme de l'intention de ne pas développer de nouvelles armes. L'on se réjouit aussi de voir fortement atténuées les lourdes ambiguïtés en matière d'usage de l'arme qui se dégagaient de la précédente doctrine, publiée en 2002 du temps de G.W. Bush, il est vrai sous le coup de l'émotion du 11 Septembre. Mais force est de constater que la dernière position des Etats-Unis sur la façon dont ils répondraient à une agression venant d'un Etat ne possédant pas l'arme nucléaire est en retrait sur les assurances qu'ils avaient données en 1995 devant les Nations-Unies : ils déclaraient à l'époque qu'ils n'utiliseraient pas leur arsenal nucléaire contre des pays signataires du TNP non dotés de l'arme nucléaire, sauf dans l'hypothèse où ceux-ci conduiraient leur agression en alliance ou en association avec un pays doté lui-même de cette arme. Quinze ans plus tard, les Etats-Unis se limitent à dire qu'ils n'utiliseront pas leurs armes nucléaires contre les pays membres du TNP non dotés de cette arme dès lors que ceux-ci respectent bien les obligations du Traité.
Même combinée avec l'engagement simultanément exprimé de ne mettre en oeuvre l'arsenal nucléaire américain que dans des circonstances extrêmes, mettant en jeu les intérêts vitaux des Etats-Unis, ou ceux de leurs alliés ou partenaires, cette position ouvre de fait la voie à des attaques nucléaires préventives contre des pays que l'on soupçonnerait de vouloir se doter de l'arme. Suivez mon regard... Etait-ce indispensable? Les moyens conventionnels des Etats-Unis seraient-ils insuffisants s'il fallait en arriver là? Et faut-il en déduire que la déclaration de 1995 citée plus haut, pourtant solennellement présentée aux Nations-Unies, puis référencée dans une résolution du Conseil de sécurité avec les déclarations similaires d'autres pays possesseurs de l'arme nucléaire, n'est plus aujourd'hui qu'un chiffon de papier?
samedi 17 avril 2010
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