Nous sommes un peu bizarres, nous les Français, et surtout les Français de gauche, et encore plus les membres du parti socialiste. Dans la plupart de l'Europe civilisée, un parti, quand le résultat des élections lui donne une chance de gouverner, regarde autour de lui quelles sont les autres formations avec lesquelles, au vu du choix des électeurs, il pourrait former une coalition. Il entre alors en négociations avec ces partenaires potentiels, se met ou ne se met pas d'accord en fonction de ce qu'il considère comme essentiel et accessoire dans son programme, de ce qu'il juge acceptable ou inacceptable chez les autres, et dans le cas favorable, met au point avec eux une coalition de gouvernement. Le processus peut prendre en effet quelques semaines, car chacun se bat pied à pied sur les points qui lui tiennent à coeur. Pendant ce temps, comme l'on est dans un monde civilisé, l'on fait confiance au gouvernement sortant pour gérer les affaires courantes.
Chez nous, si tout n'est pas réglé dans les trois jours suivant les élections sur la façon de gouverner et la formation des équipes ministérielles pour les années à venir, l'on se croit déshonoré, et en péril de subir les plus noirs complots. Chez nous, les socialistes, -pire encore- des annnées avant que les électeurs ne soient appelés aux urnes, nous avons l'ambition de décider pour eux de la meilleure des combinaisons pour accéder aux bienfaits d'un gouvernement conduit par nos chefs. L'on prétend donc leur expliquer pour qui ils seraient bien inspirés de voter, s'ils ne parviennent pas à voter pour notre parti lui-même.
Et c'est là que tout se complique! car l'on raisonne sur des formations dont personne ne sait ce qu'elles seront dans trois ou quatre ans, des formations dont on connaît à peine les intentions, et encore moins le poids parlementaire qu'elles pourront afficher au moment décisif, qu'elles se situent à droite ou à gauche de notre cher et grand parti.
Au fond, quelle outrecuidance, quelle condescendance pour le corps électoral! quelle ignorance du fait que le jour venu, celui-ci, comme il l'a fait en tant d'occasions passées, dosera à sa façon la combinaison des forces politiques auxquelles il souhaite confier son destin pour les années à venir.
Si nous croyons vraiment à la souveraineté du peuple, commençons par nous présenter humblement à lui pour ce que nous sommes, avant de pérorer sur nos hypothétiques alliances. Définissons clairement ce que nous voulons, nous et personne d'autre, et l'essentiel de que nous aspirons à réaliser le temps d'un mandat populaire. Et laissons au peuple le soin de nous répondre s'il souhaite que nous agissions seuls, ou alliés avec tel ou tel autre, qu'il saura bien nous désigner.
Les coalitions ont du bon. Elles obligent au compromis. Elles sont le plus sûr moyen de trier le réalisable des idées à l'emporte-pièce, conçues pour emporter les applaudissements des congrès. Elles renforcent les capacités de mettre en oeuvre les bons projets. Au fil de l'exercice du pouvoir, elles instaurent des contrepoids naturels aux tentations d'omnipotence. Enfin, elles se dissolvent d'elles-mêmes quand elles ont épuisé leurs vertus, obligeant en ce cas à retourner devant les décideurs en dernier ressort, c'est-à-dire devant les électeurs.
Sur un tel sujet, faut-il que nous nous fassions moucher par le jeune Besancenot? voilà ce qu'il inscrit dans les principes de son nouveau parti anticapitaliste : "Dans les institutions électives, nous soutiendrons toutes les mesures qui amélioreraient la situation des travailleurs et les droits démocratiques. Nous contribuerions à leur mise en oeuvre, si les électeurs nous en donnaient la responsabilité. Mais nous resterions fidèles à ce pourquoi nous luttons et ne participerions à aucune coalition contradictoire avec ce combat." Voilà, pris à la lettre, du solide bon sens. Voilà des propos de stratège aguerri dont nous devrions nous inspirer, plutôt que de prolonger nos stériles querelles.
mercredi 19 novembre 2008
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