Les Eskimos sont les
descendants de populations semi-nomades de chasseurs-pêcheurs rattachées au
rameau mongol, venues au fil des millénaires de Sibérie orientale en traversant
le détroit de Behring à la recherche de gibier. Ils se répartissent en deux
branches linguistiques principales : les Inuits, soit environ 100.000
personnes à peu près également établies entre le nord de l’Alaska, le Grand
nord canadien, et le Groenland danois, et les Yupiks, population d’une
vingtaine de milliers de personnes installées au sud de l’Alaska et pour
quelques-unes encore en Sibérie. L’on peut encore y ajouter les quelque 2.000
autochtones des Îles aléoutiennes.
Les Eskimos subissent aux
Temps modernes le sort de la plupart des populations aborigènes au contact des
colonisateurs : décimation par les maladies importées, notamment la
variole et la tuberculose, ravages de l’alcool, sédentarisation forcée et lente
destruction des modes de vie traditionnels sous la pression des commerçants,
des administrateurs et des missionnaires. La Compagnie de la Baie d’Hudson,
fondée à Londres en 1670, qui contrôle en particulier le commerce des fourrures
dans tout l’ouest canadien et américain, joue un rôle important dans ce
processus.
Au cours du XXème siècle, une
lente prise de conscience s’opère quant au sort des Eskimos. Le film de Robert
Flaherty, « Nanouk l’Esquimau » tourné au début des années 1920 dans
le Grand nord canadien, est le premier grand documentaire de l’histoire du
cinéma. En I955, l’ethnologue français Jean Malaurie publie « les derniers
rois de Thulé » après plusieurs séjours en immersion totale dans des villages
inuits du nord du Groenland. Ces deux hymnes à la survie de l’homme en milieu
hostile et au respect de la nature contribuent à l’éveil de la sympathie du
public envers les Eskimos.
Au Canada, après des
décennies de querelles entre le gouvernement fédéral et les provinces,
notamment le Québec, sur la gestion des peuples autochtones, marquées par des entreprises
brouillonnes de délocalisations et de relocalisations, un territoire fédéral,
le Nunavut (« notre terre »), est créé en 1999 comme pays des Inuits.
D’une superficie de 2 millions de kilomètres carrés, il couvre l’ouest et le
nord de la Baie d’Hudson. Sa capitale, Iqaluit (« les poissons »),
située au sud de la Terre de Baffin, compte 7.000 habitants, dont 60% d’Inuits.
L’ensemble du territoire regroupe 35.000 habitants.
En Alaska, Inuits et Yupiks sont
d’abord traités à l’instar des populations amérindiennes des États-Unis. En
1971, le Congrès américain leur verse en compensation des malheurs infligés une
indemnité d’un milliard de dollars et leur remet la propriété d’environ 178.000
kilomètres carrés (soit le dixième de la superficie totale de l’Alaska). Les
ressources de ces territoires sont gérées par des sociétés dont les Eskimos sont
au départ les seuls actionnaires. Ceci n’a pas éteint leurs revendications, souvent
liées à la découverte en 1968 de très importantes réserves de pétrole dans
l’extrême-nord de l’Alaska. Si leur sort s’est amélioré, ils se situent
toujours dans les catégories les plus défavorisées de la population américaine.
Quant au Groenland et ses Inuits,
après une longue période de statut colonial, il est rattaché en 1950 au
Danemark comme territoire autonome. Cette autonomie s’est consolidée au fil des
années, tandis que s’étendaient les bienfaits de la social-démocratie. Ses
56.000 habitants, dont 88% d’Inuit, pour partie métissés, disposent d’un
parlement de 31 membres, d’un gouvernement, d’une capitale de 16.000 habitants,
Nuuk (« le cap »), d’un drapeau et d’un hymne national. Conformément
à la volonté de ses habitants, désireux de protéger leurs ressources de chasse
et de pêche, le Groenland n’appartient pas à l’Union européenne. Le
gouvernement central danois n’y exerce plus de responsabilités que pour les
affaires étrangères et la défense. Le Groenland pourrait un jour s’orienter
vers la pleine indépendance. Les Inuits seraient alors enfin les citoyens d’un
pays souverain où ils seraient majoritaires.