Ali Khamenei, guide de la révolution islamique, n'a pas raté
Donald Trump au lendemain du sommet de Riyad : "le Président américain se
tient aux côtés de dirigeants d'un système tribal et arriéré, fait la danse du
sabre, mais critique l'élection iranienne qui réunit 40 millions de
votants…" Et de fait, ce sommet qui, sur deux jours, les 20 et 21 mai,
s'est déroulé en trois formats : sommet entre les États-Unis d'une part et
l'Arabie saoudite, puis les Pays du Golfe, et enfin les pays arabes d'autre
part, risque de laisser peu de souvenirs.
Certes, si l'on se plonge dans les déclarations et les
communiqués produits par la rencontre, l'on y voit que les participants ont
inauguré un Centre de ciblage du financement du terrorisme, basé à Riyad, et
adopté une déclaration dans laquelle figure notamment l'intention de créer une "Alliance
stratégique du Moyen-Orient", à mettre en place d'ici à 2018. Ils y
saluent aussi le lancement d'un "Centre global de lutte contre le
terrorisme", destiné à "combattre l'extrémisme intellectuel,
médiatique et digital, et à promouvoir la coexistence et la tolérance entre les
peuples." Ils se félicitent enfin de" la disposition d'un certain
nombre de pays islamiques à participer à la Coalition militaire islamique de
lutte contre le terrorisme", fondée à Riyad en 2015, "et à constituer
une force de réserve de 34.000 hommes en vue d'appuyer, autant que de besoin,
des opérations contre des organisations terroristes en Irak et en Syrie." Reste à
voir comment vont se concrétiser ces intentions.
La réunion a quand même été marquée par un discours se
voulant fondateur de Donald Trump, à l'instar du discours du Caire prononcé par
Obama en direction des monde arabe et musulman au début de son premier mandat. Ce
discours axé sur un objectif, "vaincre les forces du terrorisme", a
débouché sur une formule familière aux Américains : "Ceci est un combat
entre le bien et le mal". Quant à la façon de le conduire, deux points ont
émergé : le premier, faisant écho aux propos adressés à plusieurs reprises
par le Président américain aux membres de l'OTAN, est que "l'Amérique ne
peut y être seule, les États de la région doivent y prendre leur part". Le deuxième
est que les États-Unis
ne saisiront pas cette occasion "pour dire aux autres peuples comment
vivre, ce qu'ils doivent faire, ce qu'ils doivent être, comment ils doivent
prier". "Nous cherchons des partenaires, pas la perfection" a
ainsi souligné Donald Trump, comme pour exonérer les États présents de leurs
faiblesses, et faire passer le message qu'il ne serait pas trop exigeant en
matière de références démocratiques et de droits de l'Homme.
L'Iran, ennemi principal
Quant à l'incarnation du terrorisme,
Donald Trump la voit sans surprise dans "l'État islamique, Al Qaeda, le
Hezbollah et le Hamas" et derrière eux, venant en point d'orgue dans son
discours, "le gouvernement iranien", qui leur fournit " refuge,
soutien financier, et statut social leur permettant de recruter". "Du
Liban à l'Irak et au Yémen" a poursuivi Trump, "l'Iran finance, arme
et entraîne les terroristes, les milices et autres groupes extrémistes qui
répandent la destruction et le chaos dans toute la région. Durant des décennies,
l'Iran a alimenté les brasiers des conflits sectaires et de la terreur. C'est
un gouvernement qui parle ouvertement de meurtres de masse, vouant Israël à la
destruction, criant mort à l'Amérique, et œuvrant à la ruine de beaucoup des
dirigeants et des nations se trouvant en cette salle. Mais les interventions
les plus tragiques et les plus déstabilisantes de l'Iran se déroulent en Syrie.
Appuyé sur l'Iran, Assad a commis des crimes innommables…" Voilà donc, si
l'on avait encore des doutes, désigné l'ennemi principal des États-Unis
au Moyen-Orient. "Toutes les nations ayant une conscience doivent œuvrer
ensemble pour isoler l'Iran, l'empêcher de financer le terrorisme, et prier
pour le jour où le peuple iranien aura le gouvernement juste et droit qu'il
mérite." Le projet de Regime Change, déjà caressé par Bill Clinton
puis George W. Bush, mis en revanche de côté par Barack Obama, apparaît donc
bien comme l'objectif ultime de la croisade de Donald Trump.
Guère de solidarité, donc, avec
l'Iran quand il est frappé par ce même terrorisme. Quelque deux semaines après
le sommet de Riyad, Da'esh attaque au cœur de Téhéran, faisant une quinzaine de
morts. La Maison blanche diffuse alors une déclaration du Président, faisant
état de son "affliction" et "ses prières pour les victimes
innocentes", mais soulignant aussi que "les États qui parrainent le
terrorisme risquent de se retrouver victimes du mal qu'ils encouragent".
Cette déclaration est aussitôt qualifiée de "répugnante" par Mohammad
Javad Zarif, ministre iranien des Affaires étrangères.
L'apparition d'une nouvelle
crise
Pour en revenir à la réunion de Riyad, l'idée avancée par un
certain nombre selon laquelle elle donnait le coup d'envoi d'un "OTAN du
Moyen-Orient" réunissant le monde arabe et les États-Unis pour faire pièce à
l'Iran, a presque aussitôt subi un sérieux revers lorsque la querelle couvant
depuis longtemps entre l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis d'une part,
le Qatar d'autre part, a éclaté au grand jour. Le 5 juin, ces deux premiers pays,
bientôt suivis de l'Égypte, de Bahreïn, du Yémen, de la Mauritanie, des Comores
et des Maldives, rompent brusquement leurs relations diplomatiques avec le
troisième. Entre autres mesures coercitives, l'Arabie saoudite, les Émirats
et Bahreïn ferment leur espace aérien aux avions de Qatar et expulsent les
ressortissants qataris de leur territoire. L'Arabie saoudite instaure en outre
un début de blocus en coupant la seule voie terrestre donnant au Qatar un
contact avec l'extérieur. Les Émirats interdisent leurs ports aux
navires qataris. Ceci, à première vue, suite à la publication d'une dépêche
faisant état de propos, ensuite contestés, de l'émir du Qatar marquant de la
sympathie pour l'Iran, le Hezbollah, le Hamas… et Israël. Mais ceci n'a été que
la goutte faisant déborder le vase. Le soutien constant du Qatar aux Frères
musulmans, l'influence exercée dans tout le monde arabe par la chaîne de télévision
qatarie Al Jazeera, nourrissant la contestation contre les pouvoirs établis,
sont au cœur de la crise.
L'affaire soulève aussitôt une vague d'inquiétude dans la
région et au-delà. L'Iran commence à alimenter le Qatar en produits de première
nécessité. La Turquie, elle, se propose d'y envoyer des troupes de protection. Quant
à la réaction américaine, elle est plus que désordonnée. Alors que le
Département d'État émet les propos d'usage appelant à la levée de l'embargo et
au raccommodement des parties, Donald Trump, lui, twitte : "lors de mon
récent voyage au Moyen-Orient, j'ai dit qu'il n'était plus question de financer
l'idéologie radicale. Les dirigeants ont pointé du doigt le Qatar. Et voilà !".
Il insiste encore trois jours plus tard en une conférence de presse :
"…nous devons arrêter le financement du terrorisme. Le Qatar, malheureusement,
a été historiquement un fondateur du terrorisme à très haut niveau". Savait-il
que le Qatar accueille la plus grande base américaine du Moyen-Orient, avec
11.000 personnes ? Ignore-t-il le rôle de l'Arabie saoudite dans la genèse
et le développement d'Al Qaïda (sans parler du rôle de la CIA) ? il avait
pourtant au cours de sa campagne accusé les Saoudiens d'être mêlés aux attentats
du 11 Septembre… Les promesses saoudiennes d'achat de 110 milliards d'armement
américain ont-elles joué dans ce soutien sans faille à la ligne de Riyad ? Mais
après tous ces propos présidentiels, les États-Unis viennent de vendre
pour 12 milliards de dollars d'avions de combat F15 au Qatar… Comprenne qui
pourra.
Trump et les guerres du Moyen-Orient
Au-delà des mots, quelle forme prennent les interventions de
l'Amérique au Moyen-Orient depuis l'inauguration de Donald Trump ?
Manifestement, la méthode d'Obama, qui tenait la bride
courte aux militaires, et veillait à ne pas être débordé par des initiatives dont
il n'aurait pas pesé à l'avance toutes les conséquences possibles, n'est pas
celle de son successeur. Une semaine après son inauguration, celui-ci donne son
feu vert à une opération de commando au Yémen, sans trop se pencher sur ses
détails. Elle tourne au fiasco. Si quelques membres d'Al Qaeda sont en effet
neutralisés, le cadre de cette organisation qui était visé parvient à
s'échapper, et de nombreux civils, y compris des enfants, sont tués, ainsi
qu'un membre du commando. Depuis, l'armée américaine a cependant été autorisée à être
présente au sol pour conseiller les troupes loyales au gouvernement yéménite.
Sur le théâtre irako-syrien, il est significatif que Trump
ait, en avril dernier, laissé à son secrétaire d'État à la défense, James
Mattis, le soin de déterminer le montant nécessaire de troupes sur le terrain. Et
il vient de prendre la même décision pour l'Afghanistan. Depuis quelque temps,
le Département d'État à la défense ne communique d'ailleurs plus de chiffres
et de détails sur ces sujets. Les commentateurs n'ont pas manqué alors de
relever le risque de "mission creep", c'est-à-dire de voir les
forces américaines, à la poursuite de résultats insaisissables, peu à peu entraînées
de plus en plus profondément dans des conflits sans fin.
En Afghanistan, l'armée a utilisé à la mi-avril, la plus
puissante bombe de l'arsenal américain, encore jamais mise en œuvre à ce jour,
pour frapper des troupes de Da'esh apparemment installées dans des bunkers et
des tunnels près de la frontière avec le Pakistan. L'opération a-t-elle été personnellement
autorisée par Donald Trump ? Celui-ci, interrogé par les journalistes, se
dérobe : "chacun sait exactement ce qui s'est passé. Ce que je fais, c'est
donner l'autorisation aux militaires. Nous avons les plus grands militaires du
monde, et ils ont fait leur travail, comme d'habitude. Ils ont reçu une
autorisation totale, et voilà ce qu'ils font, franchement, voilà pourquoi ils
ont si bien réussi récemment. Regardez ce qui s'est passé ces dernières huit
semaines, comparez-les avec les dernières huit années. Il y a une
extraordinaire différence…" De fait, il semble bien que la décision ait
été prise au niveau du général John Nicholson, responsable du théâtre
d'opération afghan.
les dilemmes syriens
Donald Trump a en revanche donné sans conteste son feu vert
personnel au tir de 59 missiles Tomahawk sur la base aérienne syrienne
de Shayrat, le 6 avril, en punition de l'attaque chimique sur la petite ville
de Khan Sheikhoun, imputée à partir de lourdes présomptions au régime syrien.
La décision n'allait pas de soi. Durant sa campagne, Donald Trump avait mis en
valeur le risque de voir Assad, s'il était poussé vers la sortie,
"remplacé par pire que lui". Fin mars, l'ambassadrice américaine aux
Nations-Unies, Nikki Haley, déclarait que l'élimination d'Assad n'était plus
une priorité. Son ministre, Rex Tillerson, affirmait peu après que le futur
d'Assad serait "décidé pat son propre peuple". Les photographies des
enfants gazés à Khan Sheikhoun – "des enfants innocents…de beaux bébés
cruellement assassinés" selon les termes de Donald Trump – commencent à
changer la donne. La décision de frapper est prise peu après que l’avion du
Président a atterri à Palm Beach, où Donald Trump se rend pour accueillir Xi
Jinping, le Président chinois. Celui-ci est informé de l'opération au dessert.
Mais cette affaire ne change rien au rapport de forces sur
le terrain. La grande question à l'approche de l'été, alors que la chute de
Mossoul se confirme, est de savoir qui pourra se targuer de la prise de Raqqa,
capitale de Da'esh en Syrie, et de Deir Ez-Zor, autre important bastion de
l'organisation de l'état islamique, situé à 160 kilomètres au sud-est de Raqqa.
Donald Trump souhaiterait évidemment beaucoup porter à son crédit la chute de
Raqqa qui sonnerait la fin de l'État islamique, du moins comme entité
territoriale. Les États-Unis soutiennent donc avec des moyens de plus en plus
importants, ainsi que des forces spéciales, une coalition de Kurdes et d'Arabes
syriens qui est en bonne position pour s'emparer de la ville. Le gouvernement
syrien, appuyé par des milices formées et encadrées par l'Iran, ainsi que par
le Hezbollah libanais, vise dans l'immédiat Deir Ez-Zor, à la lisière de
laquelle il est parvenu à conserver une garnison retranchée, assiégée depuis de
longs mois par Da'esh. À noter que ni les États-Unis, ni la Syrie, et donc ni la
Russie, ni l'Iran, ne souhaitent voir la Turquie, dont les troupes ont pourtant
pénétré dans le nord de la Syrie, se mêler de ces affaires.
Le grand désert de l'est syrien, situé à l'extérieur de la
"Syrie utile", où se trouvent Raqqa et Deir Ez-Zor, est donc en ce
moment le terrain de grandes manœuvres. Il apparaît à présent comme un espace
d'intérêt stratégique, notamment dans la mesure où il assure la continuité
territoriale entre Syrie et Irak, sujet important à la fois pour Bachar el
Assad et pour l'Iran. Un groupe de rebelles, appuyé par des forces spéciales
américaines, tient At-Tanf, l'un des points de passage routier entre les deux
pays, point important car il conduit non seulement à Bagdad mais aussi à la
route reliant l'Irak et la Jordanie. Assad et les Iraniens ont donc tenté de
s'en emparer, mais leurs colonnes ont été à quatre reprises arrêtées par des
frappes aériennes américaines. Interventions lourdes de sens, puisque, mise à
part une frappe présentée comme une erreur du temps d'Obama, c'était la
première fois que les États-Unis s'en prenaient à l'armée syrienne et à ses
alliés. Du coup, ces forces loyales au régime ont bifurqué plus au nord pour
atteindre la frontière avec l'Irak. Les milices shiites irakiennes étant
elles-mêmes en voie d'éliminer les forces de Da'esh de l'autre côté de la
frontière, les forces rebelles et américaines présentes à At Tanf risquent de
se retrouver encerclées, et plutôt en mauvaise posture. Dans l'immédiat, les
Américains ont renforcé leur présence à At-Tanf.
Le moment de vérité approche donc, où les Américains devront
faire savoir s'ils laissent Assad reprendre le contrôle de l'ensemble de son
pays, auquel cas leurs troupes au sol devront à un moment ou à un autre
s'effacer, ou s'ils entendent au contraire conserver en Syrie, avec les forces
qui leur sont fidèles, des gages territoriaux pouvant ouvrir la voie à une
fragmentation du pays.
De nouveau, l'Iran
Dans ce choix, l'analyse des avantages que pourront tirer la
Russie et l'Iran de telle ou telle configuration jouera un rôle décisif dans
les prises de décision de Donald Trump. Celui-ci a un moment espéré qu'il parviendrait
à régler le sort de la Syrie avec Poutine, en éliminant l'Iran du jeu. Il a rapidement
pris conscience du caractère illusoire d'un tel projet. Sa crainte doit être à
présent que l'Iran émerge comme le grand vainqueur de l'épisode syrien, comme
il l'a été de l'intervention américaine en Irak, où l'élimination de Saddam
Hussein et la promotion de la démocratie ont permis à la majorité démographique
chiite de prendre les commandes du pays.
En même temps, Donald Trump a compris le risque sérieux
qu'il y aurait pour l'Amérique à casser l'accord nucléaire conclu en juillet
2015 à Vienne entre l'Iran et les cinq membres permanents du Conseil de
sécurité, plus l'Allemagne. Jusqu'à ce jour, l'Iran a respecté sa part des
obligations contenues dans l'accord et n'a donné prise à aucune sérieuse mise
en cause. L'Europe, la Russie, la Chine, d'autre part, manifestent
régulièrement et fermement leur attachement à l'accord. Ce serait l'Amérique
qui se retrouverait dans le mauvais rôle, et finalement isolée sur la scène
internationale, en cas de rupture. Donald Trump voit donc bien la difficulté à
réaliser ce qu'il avait laissé espérer au fil de sa campagne, la fin d'un
accord dénoncé comme "le pire qu'ait jamais conclu l'Amérique". Son
administration a même dû accomplir des gestes positifs pour maintenir l'accord
en vie, puisque les États-Unis doivent, à intervalles réguliers, renouveler les
waivers, ou exemptions, appliquées à beaucoup de leurs sanctions contre
l'Iran, en vue de tenir les engagements qu'ils ont pris dans l'accord de
Vienne. Pour masquer, autant que possible, cet embarrassant changement de cap,
Donald Trump en est réduit à hausser à la voix, à multiplier les attaques
verbales contre l'Iran, et même à prendre à son égard quelques sanctions
additionnelles, à vrai dire sans conséquences, mais qui lui permettent de se
mettre au diapason des autres adversaires déclarés de Téhéran : l'Arabie
saoudite, on l'a déjà vu, et bien entendu Israël. Mais la difficulté pour
Donald Trump est alors de ne pas être entraîné trop loin, c’est-à-dire à la
rupture de l'accord de Vienne : à Washington même, par une classe politique
violemment hostile à l'Iran, et qui rêve de sanctions encore plus dures,
toujours plus dures, comme le montrent les projets en cours de discussion au Congrès
; et aussi par ses amis au Proche et Moyen-Orient.
Et enfin, Israël
L'album de Donald Trump au Moyen-Orient ne serait pas
complet si n'y figurait pas Israël. Après le sommet de Riyad, Trump s'est rendu
à Jérusalem, notamment pour y rencontrer le Premier ministre Netanyahu et pour
se rendre au Mur des lamentations, ainsi qu'à Bethléem, où il a vu Mahmoud
Abbas. Trump et Netanyahu se sont retrouvés sans difficulté pour pointer du
doigt l'Iran. Sur le reste, les choses ont été plus floues. Rien n'a été dit
sur le transfert de l'ambassade des États-Unis de Tel Aviv à Jérusalem,
promis pendant la campagne, mais dont chacun pressent les crises incontrôlables
qu'un tel geste pourrait soulever. Donald Trump s'est flatté de pouvoir donner
un nouvel élan au processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, mais s'en
est tenu à de vagues formules quant aux détails, demandant par exemple à
Netanyahu de "faire preuve de retenue pour un petit moment sur la
colonisation" ou disant qu'il envisageait aussi bien une solution à deux
États qu'à un État. "J'aime la solution qu'aiment les deux parties. Je
suis heureux avec celle qui plaît aux deux parties. Je peux vivre avec l'une et
l'autre" a ainsi lâché Donald Trump. L'on comprend que ses auditeurs
l'aient quitté plutôt perplexes.
*
Combien de temps le Président américain pourra-t-il ainsi tenir,
entre propos à l'emporte-pièce, vagues formules, volte-faces, décisions d'un
jour, sauts et culbutes ? Le Moyen-Orient, qui s'est imposé comme un piège
et un défi à tous les récents présidents des États-Unis depuis Jimmy Carter,
n'est pas en voie de se montrer plus tendre pour Donald Trump. Celui-ci avait
cru initialement pouvoir se laver les mains de ce qui s'y passait. C'était
l'époque de l'"America first". Le voilà aspiré par le tourbillon des
crises qui balaient la région. Pour le moment, le drame majeur, frappant de
plein fouet, lui a été épargné. Comment se comporterait-il en de telles circonstances
? Dans quelle direction pourrait-il alors entraîner l'Amérique, ses alliés, ses
amis ? Les institutions américaines seraient-elles appelées à jouer les
garde-fous ? En auraient-elles le temps ? Telles sont les questions qui inquiètent
les observateurs. En tout état de cause, le temps paraît lointain où l'on
prédisait qu'avec l'apparition des sources d'énergie non-conventionnelles,
notamment des pétroles et des gaz de schiste, et la montée en puissance de
l'Asie, le Moyen-Orient ne mériterait plus qu'on y investisse en hommes, en
moyens, en diplomatie, et glisserait peu à peu vers l'insignifiance. Il reste,
et restera encore longtemps, au centre des préoccupations du monde, et un point
de fixation majeur pour l'Amérique…et donc pour Donald Trump.
(publié par la Fondation Jean Jaurès le 25 juin 2017)