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dimanche 9 août 2009

Parti Socialiste : quel Au-delà?

Le Parti Socialiste affiche tous les symptômes de l'agonie. Même la SFIO des années 1960, portant tout le poids de la guerre d'Algérie et de la fin de la IVème République, n'était pas agitée des soubresauts que connaît aujourd'hui son successeur.

Nous sommes bien en une fin de cycle, ouverte par le départ impromptu de Lionel Jospin en 2002. L'on ne dira jamais assez les lourdes conséquences de ce geste solitaire de dépit, pris en dehors de toute analyse politique collective, qui a rompu la chaîne de légitimité au sein du Parti.

Le voilà aujourd'hui peu à peu transformé en parti d'élus locaux : l'on tient des régions, des départements, des communes. Autant de niches qui permettent de voir venir, de récompenser des milliers de militants fidèles, de se consoler des échecs nationaux. Mais ces niches, comme le Parti Communiste en son temps, le Parti Socialiste les perdra à son tour. Si l'on continue ainsi, il lui restera le socialisme municipal par lequel il a commencé, à la fin du XIXème siècle, quelques fêtes de la Rose, puis plus rien.

L'on nous dit que le Parti socialiste, avant même d'avoir besoin d'un leader, a besoin d'un projet. C'est vrai. Pour être lisible et audible aujourd'hui, il devrait être bref, du format que l'on peut lire et commenter à une tribune, et résumer en une minute à la télévision. Le Programme de Bad Godesberg (1959), pourtant très allemand, tenait en sept ou huit pages. La Charte d'Amiens (1905), perfection du genre, contenait trois idées, développées en trente lignes. Elle a porté le projet syndical pendant un demi-siècle, et l'un des principes posés - la séparation entre syndicats et partis - marque encore aujourd'hui notre culture politique.

Enfin ce projet devra être crédible. Il devra pour cela éviter les formules usées ("le juste partage des fruits de la croissance"), et le pathos ("le post-matérialisme"). Il devra s'inscrire d'emblée dans le seul espace de référence qui ait un sens pour agir sur le réel et construire du durable, l'espace européen. Plus personne n'osant croire à l'Europe, c'est donc une longue marche qu'il devra annoncer. Mais ceux qui ont fondé le socialisme n'avaient pas peur de la longue durée. Il faut retrouver le même courage.

Lisible, audible, crédible, ce projet devra enfin être rassembleur. Comment ne pas retomber dans les tristes luttes de motions et de courants? Peut-être en procédant, sur la base de ce projet, au renouvellement général des adhésions. Pour être membre du Parti socialiste rénové, chacun, ancien ou nouveau, aurait à le solliciter et manifesterait par là-même son adhésion au nouveau projet. Un certain nombre, sans doute, choisira alors de partir. Mais d'autres, nouveaux, devraient entrer. Et tous, anciens et nouveaux, se retrouveraient pour adopter, notamment, de nouveaux statuts mettant en place une structure allégée... qu'il serait opportun de doter d'une mécanique inoxydable de contrôle des adhésions et des votes internes.

Bien entendu, pour être pleinement mobilisateur, le nouveau projet devrait s'incarner dans un leader. C'est certainement le point le plus difficile. Peu importe son origine, son parcours politique, son âge ou son profil. Il n'y a pas de règle en la matière, l'histoire enseigne que souvent l'inattendu, et même l'improbable, arrive. L'idéal serait que ce leader émerge dans le processus même d'élaboration du projet, et qu'il en soit le principal inspirateur.

Une telle opération de renouveau peut-elle être conduite dans les deux ans qui nous séparent de la dernière ligne droite avant la prochaine présidentielle? Oui, tout juste, vraiment tout juste, si elle démarrait aujourd'hui. Sinon, la prochaine chance ne se présentera qu'en 2013. Mais que la Gauche gagne ou perde en 2012, la nécessité d'une résurrection du parti : nouveau projet, nouveaux statuts, nouveau mode de fonctionnement, paraît désormais incontournable.

mardi 18 mars 2008

Les États malins dans la mondialisation

Dans la foire d'empoigne de la mondialisation, les pays qui s'en sortent le mieux sont encore ceux qui ont des Etats malins.

On a déjà vu dans la seconde moitié du XXème siècle comment les États d'Asie, Japon et Corée du Sud en tête, ont appuyé leur développement sur la protection féroce de leurs marchés intérieurs, tout ceci dans le non-dit d'ailleurs, puisqu'ils n'ont jamais mis en cause les règles d'ouverture à la concurrence prônées dans les vertueuses enceintes internationales. On voit encore aujourd'hui comment les pays les plus développés, États-Unis, Europe, Australie, protègent leurs agricultures, quitte à inonder le monde de surproductions entrant en concurrence avec les productions locales.

On a vu que les États qui ont le mieux résisté à l'éclatement de la bulle financière asiatique de la fin des années 1990 sont ceux qui ont pris soin d'ignorer les injonctions du FMI. A juste titre, puisque le FMI a reconnu, des années plus tard, qu'il avait prodigué en cette circonstance de mauvais conseils.

De même le catéchisme néo-libéral de la Banque mondiale, appuyé sur l'idéal de l'Etat minimum et la méthodologie des "ajustements structurels", a produit en Afrique des désastres économiques, par exemple avec le démantèlement de filières nationales de production cotonnière. Sur le plan social, on a vu aussi les conséquences négatives de l'affaiblissement des systèmes nationaux d'éducation sous l'effet du "dégraissage" des effectifs. Là encore, la Banque mondiale a fait acte de repentance, mais un peu tard...

Ceci ne veut pas dire que protectionnisme et socialisme sont la garantie du développement. Le protectionnisme, quand il sert les intérêts d'oligarchies mondialisées, comme on les trouve en Amérique latine ou en Afrique, crée des niches de confort qui n'apportent rien au pays, bien au contraire. Quant au socialisme, quand il n'est que l'habillage de régimes populistes et autoritaires, il plombe lui aussi les chances de développement.

Non, tout démontre que les "success stories" du développement partent de l'analyse lucide des atouts et des handicaps d'un pays, puis de la définition de stratégies ad hoc, sans se laisser influencer par les bons apôtres extérieurs. Cet atout peut être ici une population industrieuse, ailleurs l'abondance de telle ou telle matière première ou source d'énergie, ailleurs encore le soleil et les plages qui permettront d'attirer les touristes, ou même le bon emplacement sur la carte du déplacement des gens et des marchandises. C'est en somme l'exploitation raisonnée du différentiel d'un pays donné dans le jeu mondial de la concurrence ou simplement, comme l'aurait dit Adam Smith, de la division du travail. C'est enfin la distribution astucieuse des fruits de la croissance, en vue d'injecter juste assez de prospérité parmi le plus grand nombre, tout en facilitant les nouveaux investissements, gages des résultats futurs.

Il y a quelques années, le discours à la mode portait sur l'affaiblissement des Etats face à la montée sur la scène internationale d'acteurs non-étatiques, des maffias aux ONG, en passant par les entreprises terroristes, mais aussi les régions et les territoires, dont la fédération devait en particulier construire l'Europe débonnaire du futur. Aujourd'hui, les Etats se trouvent plus que jamais au devant de la scène. Plus que jamais, notre avenir dépend d'eux. Simplement, leur caractère de droit divin, ou, ce qui est à peu près la même chose, leur sacralité historique, s'atténue au profit d'une logique de concurrence. Comme de vulgaires entreprises, ils sont jugés au résultat.

lundi 8 octobre 2007

jusqu'où peut-on changer le Parti Socialiste? (4/4)

Avec ce quatrième papier, j'aborde la dernière question posée en introduction de ma réflexion sur l'évolution du Parti Socialiste :

"Jusqu'où peut-on aller dans la volonté de rassemblement sans diluer notre propre identité?"

Avant d'explorer l'avenir, il est toujours bon d'interroger le passé. Nous vivons en ce moment une période de désarroi, mêlée à la conviction qu'il nous faut profondément rénover notre parti pour pénétrer dans une nouvelle époque. Avec l'extinction du Parti Communiste, nous arrivons aussi à la fin d'un cycle ouvert en 1920 où le monde du travail était représenté par deux mouvements en dure concurrence. François Mitterrand, comme chacun sait, a beaucoup contribué à affaiblir le Parti Communiste. L''effondrement du Bloc soviétique a tari sa raison d'être. Aujourd'hui, si mal en point que nous soyons, nous sommes les seuls à gauche, à l'exception quelques groupuscules. Le terrain est dégagé pour reconstruire.

Mais en 1920, précisément, alors que le Parti Socialiste, après quinze ans d'unité sous le label de la SFIO, subissait les assauts de la nouvelle Internationale Communiste, que disait Léon Blum pour sauver ce qui pouvait rester de la "vieille maison"?

"Le Parti était un parti de recrutement aussi large que possible et pour cette raison bien simple, c'est que, comme le disaient Marx et Engels dans "Le Manifeste communiste", en l'appliquant au vrai Parti communiste, au Parti communiste d'autrefois, le socialisme n'est pas un parti face à d'autres partis. Il est la classe ouvrière toute entière. Son objet, c'est de rassembler, par leur communauté de classe, les travailleurs de tous les pays".

Et un peu plus loin :

"Il n'y a pas d'autre limite à un parti socialiste, dans l'étendue et le nombre, que le nombre des travailleurs et des salariés. Notre parti était donc un parti de recrutement aussi large que possible. Comme tel, il était un parti de liberté de pensée, car les deux idées se tiennent et l'une dérive nécessairement de l'autre. Si vous voulez grouper dans le même parti tous les travailleurs, tous les salariés, tous les exploités, vous ne pouvez les rassembler que sur des formules simples et générales."

Voilà ce qui, à mon avis, devrait être pour nous une source d'inspiration. En termes d'aujourd'hui, notre Parti a vocation a représenter l'ensemble du monde salarial et tous ceux dont le travail forme la source principale de revenu. C'est ce monde que nous devons reconquérir à partir d'idées simples.

Donc, pas trop de commissions, de sous-commissions et de rapports. Quelles idées peuvent nous permettre de convaincre au-delà des viviers actuels de notre Parti - les intellectuels, les fonctionnaires...-, d'atteindre le peuple des entreprises, les jeunes, notamment chez les jeunes débutant dans la vie professionnelle? et s'il faut aller chasser sur les terrres du centrisme, pourquoi pas? Comme le disait plaisamment un vieux dirigeant de gauche : "c'est chez les civils qu'on recrute les militaires, c'est chez les non-socialistes que l'on doit recruter les socialistes".

Et si dans ce processus, nous pouvions découvrir en notre sein un grand dirigeant, un dirigeant fédérateur de toutes les énergies, comme Jaurès, comme Blum, un dirigeant capable de regrouper et de mettre au travail la génération suivante, comme l'a été Mitterrand, alors nous serions comblés. Les victoires à venir seraient assurées!

mercredi 3 octobre 2007

le Bal de la Honte

Vous avez peut-être déjà lu à cette heure l'article du Monde racontant la fête somptueuse organisée à la mi-septembre par un dirigeant et camarade du Parti Socialiste pour célébrer son mariage avec une personnalité du cinéma et de la télévision. Vous en avez au moins entendu parler. 800 invités du monde de la politique, de l'argent et du show-biz étaient de la soirée. L'ambiance, paraît-il, était euphorique...

J'ai hésité un moment à prendre la plume, car je n'aime pas faire du "basisme" facile. Je ne citerai pas les noms des personnalités du Parti Socialiste qui se trouvaient là, car je suis persuadé que beaucoup d'entre elles se sont rendues à cette invitation pour faire plaisir à un vieux camarade, sans savoir dans quoi elles allaient tomber.

Et je ne suis pas contre les fêtes. C'est une dimension importante de la vie. De par mon métier, j'ai organisé de belles fêtes, en particulier de beaux "14 Juillet". J'y ai donné et reçu beaucoup de plaisir, et j'avais le sentiment de faire aussi mon devoir.

Je suis néanmoins catastrophé de l'insouciance que la tenue d'une telle soirée démontre à l'égard de la tristesse actuelle du peuple de gauche, et des connivences qu'elle révèle au sein d'un petit monde où se mêlent argent, célébrité et politique. Ce bal sur les ruines de notre défaite est une vraie provocation. Et cette provocation sème le discrédit, non seulement sur ses organisateurs, ce qui est très mérité, mais aussi sur des camarades sincères et dévoués.

Imagine-t-on Blum, Jaurès ou Mitterrand dans une fête de ce type? Je déteste les surenchères de l'extrême-gauche, mais cette fois-ci, me voilà forcé d'être d'accord avec "Rouge", qui écrit : "ce dîner politico-mondain... montre que nous ne vivons pas dans le même monde et n'avons pas la même conception de la politique".

vendredi 28 septembre 2007

jusqu'où réformer le Parti Socialiste? (3/4)

La seconde question que nous rencontrons au début de notre réfexion sur la rénovation du parti socialiste est la suivante : notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?

L'on pourrait répondre pour faire simple : notre tradition est révolutionnnaire, notre idéal est révolutionnaire, notre méthode est la réforme.

Notre tradition est révolutionnaire, nous avons vu dans un précédent article comment et pourquoi. L'oublier serait accepter d'être débranchés de toute une histoire qui a forgé notre identité. Nous ne serions plus alors que l'ombre de nous-mêmes.

Notre idéal est révolutionnaire, puisque la société de fraternité et de justice qui forme notre horizon est à l'extrême opposé de celle que nous vivons. Utopie? certainement, mais utopie féconde puisqu'elle forme la ligne directrice de tous nos efforts.

Et notre méthode est la réforme. Pourquoi? parce que les tragédies du XXème siècle nous ont appris que la volonté de transformer une société dans son ensemble par la volonté d'un seul ou de quelques-uns ne pouvait être que l'expression d'un orgueil démesuré, et aboutir à des sociétés de cauchemar. C'est l'Union soviétique avec le stalinisme et le goulag. C'est la Chine de Mao avec le Grand bond en avant, responsable de millions de morts, et la Révolution culturelle. Sans parler du nazisme qui, lui, faisait du cauchemar l'instrument même de transformation de sa société.

Non, Dieu merci, les sociétés humaines sont trop complexes pour être modelées par quelques-uns. Vaclav Havel, interrogé sur sa capacité à accélérer les changements dans son pays après la chute du communisme, rappelait plaisamment qu'on ne fait pas pousser une plante en la tirant vers le haut.

Reste à chacun, là où il est, et dans la mesure de ses capacités, à chercher à modifier ce qui l'entoure, en chaque occasion possible, dans le sens de "la liberté, de l'égalité et de la fraternité"pour reprendre la devise dont nous disions précédemment toute la charge révolutionnaire. Et si nous agissons non pas isolément mais ensemble, dans le cadre d'un mouvement politique rénové, là, nous pouvons commencer à faire apparaître des changements visibles à l'échelle de toute une société. Comme le disait Jaurès, décidément incontournable sur ces sujets : "dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."

Voilà pourquoi toutes les réformes ne se valent pas et que nous ne pouvons être confondus avec ceux qui ne voient dans les réformes que le moyen de mieux protéger l'existant : de ne le faire évoluer, moyennant si nécessaire quelques sacrifices, que pour mieux sauvegarder l'essentiel de leurs privilèges.

Jaurès, encore : "parce que le Parti socialiste est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur". Puissions-nous être dignes de cette formule lancée il y a presque un siècle, au congrès de Toulouse de 1908!

dimanche 23 septembre 2007

Jusqu'où réformer le Parti Socialiste? (2/4)

Je reprends le fil de la réflexion sur l'avenir du Parti Socialiste en attaquant la première des questions qui nous barre en quelque sorte la route : devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?

Il va de soi qu'un social-démocrate n'a rien en soi d'un "social-traître". J'ose enfin avouer que je me sentais social-démocrate à l'époque du congrès d'Epinay. Mais alors, mieux valait raser les murs...

La social-démocratie allemande, d'ailleurs, donnait à son origine des leçons de Révolution aux socialistes français. Le terme n'a pris son sens actuel qu'en 1959, avec le Congrès de Bad Godesberg, lorsque la social-démocratie a abandonné toute référence au marxisme et à sa propre histoire. Mais à l'époque, le marxisme c'était le bloc soviétique, l'Allemagne divisée, l'écrasement de la révolution hongroise, le spectre de la guerre nucléaire. Et les Allemands n'osaient pas regarder leur histoire.

Aujourd'hui, ceux qui de l'extérieur de notre Parti nous poussent, bien sûr pour notre bien, à nous muer en sociaux-démocrates veulent avant tout nous arracher nos griffes. Ils dormiraient évidemment bien mieux si, reniant notre passé, nous pouvions proclamer que notre seule ambition est d'améliorer le monde existant, en prenant soin de ne pas trop déranger.

Mais notre histoire n'est pas celle du socialisme allemand, qui est une histoire malheureuse. La Révolution de 1848 qui rêvait d'unité et de progrès a échoué, et l'unité allemande s'est faite par "le fer et le sang", sous la conduite de hobereaux. Ce sont eux qui ont octroyé les premiers essais de suffrage universel. C'est Bismarck qui a instauré les grandes lois de sécurité sociale. La République de Weimar, si tourmentée, est née d'une défaite, et dans la lutte fratricide des sociaux-démocrates et des spartakistes. La paisible République de Bonn est elle aussi née d'une défaite, encore pire que la première. Elle a été portée sur les fonds baptismaux par l'Amérique. L'héroïque contribution de tant de sociaux-démocrates à la lutte contre le nazisme n'a servi à rien. Et les résistants communistes se sont retrouvés de l'autre côté du Rideau de fer.

Notre Histoire est toute autre. Bien sûr, elle est aussi parsemée de défaites, mais nos avancées politiques et sociales, depuis la prise de la Bastille, viennent de l'intérieur, d'élans populaires et révolutionnaires. Les grandes lois de liberté politique et de progrès social des premières décennies de la IIIème République sont certes produites par des majorités bourgeoises. Elles doivent néanmoins beaucoup à la volonté de dépasser le traumatisme de la Commune. Même cet échec n'a donc pas été inutile.

Le Front populaire est à la fois une victoire électorale classique, classiquement gérée, et un mouvement profond de grèves. Comme l'Allemagne, nous devons notre Libération à l'Amérique, mais la Résistance y a joué son rôle et la République, grâce à de Gaulle, se réinstalle sans avoir besoin d'administration étrangère. Mai 1968, ce n'est pas seulement des étudiants qui jouent à la Révolution, c'est dix millions de salariés en grève. Et la victoire de 1981 reste, en sus du résultat des urnes, un grand moment de ferveur populaire.

Jaurès expliquait que le socialisme était la réalisation dans leurs ultimes conséquences des idéaux de la République, tels qu'exprimés pour la première fois par la Révolution française. En ce sens, la devise Liberté, Egalité, Fraternité demeure notre horizon indépassable. Si l'on veut bien la prendre au sérieux, elle est toujours aussi chargée qu'à sa naissance de tension révolutionnaire.

Mais comme le disait Jaurès, "c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". Et donc, il nous faut changer, il nous faut avancer, encore et toujours. Alors qu'on nous baptise, si on le veut, sociaux-démocrates. Mais qu'on ne nous coupe pas de notre passé.

...Et puisqu'on est avec Jaurès, voilà pour finir une gâterie en forme de citation : "...Par quelle porte sortirons-nous? Par la porte du passé ou par la porte de l'avenir? Du côté du couchant ou du côté du levant? Je sors du côté de l'avenir encore incertain, du côté du levant encore mal éclairé , je veux saluer, dès qu'elles commenceront à poindre au bas du ciel, plus belles toutes deux que l'étoile du matin, la Fraternité et la Justice".

lundi 17 septembre 2007

Jusqu'où réformer le Parti socialiste? (1/4)

Je n'osais trop me lancer dans une réflexion que je craignais ringarde, mais à l'occasion de l'examen de conscience que suscite notre défaite, je vois ressurgir, en des termes à peine nouveaux, ce vieux débat qui agite le socialisme depuis sa naissance : réforme ou révolution? insertion dans l'existant pour mieux le transformer, ou au contraire concentration de toutes les forces pour le renverser? rassemblement du plus grand nombre ou au contraire mobilisation de minorités agissantes?

L'Histoire progressant d'une certaine façon en spirale, nous nous trouvons aujourd'hui à peu près dans le même type de situation que celle qui a précédé l'émergence de la SFIO au début du XXème siècle, ou qu'à l'époque de l'agonie de la même SFIO et de l'émergence du Parti Socialiste d'Epinay.

Le meilleur signal de la décadence d'un mouvement politique est l'écart croissant entre son langage et sa pratique. Avec la SFIO de la guerre d'Algérie, où les Congrès se gagnaient encore en se drapant dans les principes du marxisme, le fossé était devenu un abîme.

Mais le même fossé, avouons-le, s'est rapidement creusé entre les programmes de gouvernement du Parti Socialiste d'avant 1981, qui prévoyaient sans état d'âme la rupture avec le capitalisme, et la réalité éminemment pragmatique de l'exercice du pouvoir par François Mitterrand.

Sous Jospin, ligotés par la cohabitation, tétanisés par la focalisation sur la conquête de la Présidence, nous n'avons plus osé avoir de doctrine. Il y avait la pratique, puis un ravin, puis plus rien. Tout devait se juger au bilan. Mal nous en a pris.

Et depuis, il n'y a même plus de fossé entre deux rives. Il n'y a plus de théorie, et nous voilà privés de pratique. Nous sommes sur des sables mouvants. La médiocrité conceptuelle du projet de notre Parti pour la dernière élection présidentielle en a été le signe. Sa rédaction avait pourtant été confiée à de beaux esprits. Mais l'on ne pouvait qu'être inquiet d'entendre au Congrès du Mans l'un des meilleurs d'entre eux, pourtant connu pour sa familiarité avec les milieux d'affaires et sa gestion fort classique du ministère de l'économie et des finances, se lancer dans des envolées qui semblaient annoncer le Grand Soir :

"Nous avons le devoir de changer la vie de ceux qui souffrent le plus... Nous mobiliserons les moyens de l’État, et lorsqu’il le faudra, nous imposerons des nationalisations temporaires... Nous voulons transformer en profondeur la société. Nous voulons l’extension du domaine du possible. Nous ne promettons pas le changement en cent jours, nous promettons le changement dès le premier jour et le changement jusqu’au dernier jour" etc. etc.

Là, nous revenions aux derniers jours de la SFIO!

Il est temps de reprendre notre marche. Mais avant de démarrer, trois questions nous barrent la route :

1. pour la doctrine, devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?

2. notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?

3. Enfin, sur la tactique, jusqu'où peut-on aller dans la volonté de rassemblement sans diluer notre propre identité?

Mieux vaut s'arrêter là pour ne pas vous fatiguer. Ces trois points feront donc l'objet de trois prochains articles.

samedi 18 août 2007

Comment peut-on être (ou ne pas être) marxiste?

Cher Jean-Christophe,

j'écrivais dans un récent message ("à propos d'un article de Jacques Julliard", 6 août) : "Oserai-je dire qu'il n'est pas non plus interdit d'aller puiser à une autre source du socialisme, la pensée de Marx, pas sa pensée ossifiée dans le marxisme-léninisme, mais la pensée du Marx qui disait déjà "je ne suis pas marxiste"?..."

Tu réagis en disant "le léninisme ossifié?"..."socialiste et marxiste, ce n'est pas compatible ?" Tes questions appellent réponse.

Oui, je persiste à croire que la pensée de Marx a été déformée, simplifiée et instrumentalisée par le marxisme-léninisme. Instrumentalisée au profit d'une stratégie de conquête du pouvoir beaucoup plus "blanquiste", au fond, que "marxiste". Blanqui était ce socialiste révolutionnaire français du XIXème siècle, ayant passé une bonne partie de sa vie en prison, qui croyait à la possibilité de prendre le pouvoir et d'instaurer une société socialiste grâce à un coup d'Etat fomenté par des "minorités agissantes", organisées en réseaux de conspirateurs. C'est à peu près ce qu'on fait les Bolcheviks en 1917.

Marx voyait l'avènement du socialisme comme le résultat final de l'évolution des sociétés capitalistes. Lénine a cru y arriver par une sorte de raccourci historique. La Russie était encore une société très traditionnelle, à un stade primitif du capitalisme. On sait ce qu'il en est advenu : le stalinisme, c'est-à-dire une forme modernisée du despotisme asiatique séculaire déjà décrit par Montesquieu, Hegel... et Marx lui-même.

Quand Marx disait qu'il n'était pas marxiste, c'était pour protester contre la simplification et l'instrumentalisation de sa pensée. Déjà de son vivant, l'on commençait de faire de Marx un nouveau Messie, et du marxisme un nouveau catéchisme.

Quand il disait qu'il existait des "évolutions révolutionnaires", c'est qu'il constatait déjà à son époque les progrès -baisse du temps de travail, élévation du niveau de vie et d'éducation- générés par la technique, l'expansion coloniale, mais aussi l'évolution des esprits et des législations sous la pression politique et syndicale. Il devait estimer à la fin de sa vie que l'Angleterre, berceau de la révolution industrielle, serait le premier pays à arriver au socialisme par ce type "d'évolution révolutionnaire".

Alors peut-on être socialiste sans être marxiste? ce débat doit paraître très dépassé à beaucoup de nos lecteurs. A-t-il encore du sens alors qu'il s'agit de construire le socialisme du XXIème siècle? Pourtant, comme le disait Jaurès," c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". En d'autres termes, effacer notre passé nous ferait perdre de précieux repères pour entrer dans l'avenir. La démarche de Marx, comme volonté de comprendre les forces souterraines à l'oeuvre dans les phénomènes politiques, économiques et sociaux, et de les orienter au bénéfice de tous, peut et doit rester pour nous une source d'inspiration.

Cela amène une autre question, qui est de savoir si de telles forces peuvent effectivement être maîtrisées et canalisées par quelques-uns. Marx, pour sa part, ne l'a jamais pensé. S'en croire capable, c'est déjà sans doute faire preuve d'un orgueuil prométhéen. C'est aller vers les catastrophes du stalinisme et du maoïsme. Mais alors que pouvons-nous faire? ce sera, si tu le veux bien, l'objet de prochains articles.

lundi 6 août 2007

A propos d'un article de Jacques Julliard

Je m'étais promis de ne pas aborder de sujets trop sérieux en ce creux des vacances, mais je souhaite appeler sans tarder l'attention sur l'article de Jacques Julliard dans le Nouvel Observateur de cette semaine (numéro du 2 août, pages 22 à 24): "Socialistes, croyez-vous encore à vos mythes?"

Que dit-il en substance? La France s'oriente inexorablement vers le bi-partisme. L'unité de la droite vient d'être réalisée par Nicolas Sarkozy, notamment par la récupération de l'électorat lepéniste. le Parti Socialiste, malgré sa défaite, est en situation de réaliser cette même unité à gauche. Malgré toutes ses erreurs, ses électeurs ne l'ont pas lâché. C'est le seul parti de gauche à ne s'être pas effondré, et même à avoir augmenté le nombre de ses députés.

Mais pour y parvenir, ses dirigeants doivent absolument modifier leur comportement (seule Ségolène, malgré ses gros défauts, "parlait vrai"), et bien entendu, modifier leur discours. Je cite Julliard : "quand l'Etat-providence est en crise, on ne peut se contenter de crier "vive l'Etat-providence"! Il faut repenser l'ensemble de la philosophie du socialisme, inventer un socialisme de marché pour faire face à la paupérisation d'une partie de la population, au défi de la mondialisation et à l'ardente obligation d'une économie du savoir".

En somme, selon Julliard, et je suis prêt à le croire, le Parti Socialiste se trouve à l'aube d'une refondation qu'il lui faut absolument réussir.

Comment? c'est là que je me permets d'introduire mes idées, qui sont aussi les idées de bien d'autres. En effet, comme vous allez le voir, elles vont puiser loin, aux deux sources du socialisme français: Blum et Jaurès.

Le Parti Socialiste doit retrouver sa vocation à être le fédérateur de toutes les familles de la Gauche, excepté quelques extrêmes irrécupérables. Pas facile, car elles sont de sensibilités contradictoires.

Léon Blum, dès le congrès de Tours, en 1921, ne disait rien d'autre en rappelant, avec les mots de son temps, que le Parti socialiste, "Parti de la classe ouvrière", avait le devoir de représenter toute la classe ouvrière, avec ses contradictions, et tous ses intérêts divers.

Or notre électorat naturel, l'équivalent de la "classe ouvrière" du XIXème et de la première partie du XXème siècle, c'est le monde des salariés, du public et du privé, et aussi celui des petits et moyens entrepreneurs dont le sort n'est souvent pas plus enviable que celui des salariés. C'est le monde qui tire l'essentiel de ses revenus de sa force de travail et d'intelligence, parfois de la combinaison d'un peu de capital et de beaucoup de travail et d'intelligence, mais jamais de l'inverse.

C'est cet électorat que nous devons convaincre de sa profonde solidarité, malgré des intérêts immédiats parfois contradictoires, face à la concentration accélérée des toutes les formes de pouvoir par les forces de l'argent, face à leur intrusion croissante dans le contrôle des Etats, et dans le contrôle des esprits, par la conquête des médias et de la presse, par la conquête des réseaux de communication planétaires. Je vous renvoie ici à mon article du 26 juillet.

En second lieu le Parti socialiste doit être capable de réconcilier les aspirations réformatrices et les aspirations révolutionnaires qui l'ont parcouru tout au long de son histoire. Car ce n'est pas en reniant le passé qu'on peut progresser vers l'avenir.

Ici c'est Jaurès, qui, dès 1908, au congrès de Toulouse, nous apporte les éléments de la réponse dans un lumineux discours qui, en ses fondements, n'a pas pris une ride. Nous sommes à l'époque d'un tout nouveau et encore fragile parti socialiste unifié, la SFIO. voici la phrase-clé de ce discours:

"Nous disons que dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et que l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."

Voilà ce qui à l'heure d'un nouveau départ doit nous inspirer pour inventer de nouvelles façons d'être et d'agir. Oserai-je dire qu'il n'est pas non plus interdit d'aller puiser à une autre source du socialisme, la pensée de Marx, pas sa pensée ossifiée dans le marxisme-léninisme et le stalinisme, mais la pensée du Marx qui disait déjà "je ne suis pas marxiste", du Marx qui réfléchissait aux formes d'une "évolution révolutionnaire"?

Je m'arrête là pour le moment, mais il va de soi que nous reviendrons sur ces sujets. En attendant, que ceux qui souhaitent se procurer le texte intégral du discours de Jaurès m'adressent un message à l'adresse suivante: nicoullaud@aol.com. Je me ferai un plaisir de le leur adresser en format pdf.

jeudi 26 juillet 2007

non, Marx n'est pas mort!

Le marxisme-léninisme est mort, le stalinisme est mort (sauf dans son dernier refuge, la Corée du Nord, où il agonise encore). Le fascisme est mort, le national-socialisme est mort. Et on nous explique que le temps des idéologies est fini.

On nous explique que nous sommes parvenus à "la fin de l'Histoire", c'est-à-dire à la fin du temps où les hommes vivaient dans l'illusion qu'ils pourraient, en s'appuyant sur quelques idées simples, en se confiant à quelques-uns, se forger consciemment un avenir collectif, un avenir meilleur.

La leçon de l'échec des vieilles idéologies c'est qu'en effet les sociétés humaines sont beaucoup trop complexes pour pouvoir être conduites par quelques-uns, au nom quelques idées. Aujourd'hui, l'on nous explique que l'exaltation du capitalisme débridé, de la concurrence mondialisée, n'est pas une nouvelle idéologie, simplement une soumission aux lois de la nature.

Oui, bien sûr, au marché, oui à la concurrence, oui à l'initiative et à la libre entreprise. Mais penser que le jeu de ces quelques idées, conduit par quelques uns -les maîtres de la finance, de l'industrie, ou d'internet- puisse à lui seul conduire l'humanité au bonheur, c'est précisément retomber dans les illusions des vieilles idéologies.

Marx est mort, comme sont mortes les idéologies issues de sa pensée. Mais Marx disait: "je ne suis pas marxiste". La pensée de Marx, comme méthode de discernement des forces cachées, mais bien réelles, à l'oeuvre sous les idéologies triomphantes à tel ou tel moment de l'histoire, est elle, plus que jamais, vivante.

Comment ne pas voir que le capitalisme mondialisé conduit à l'émergence d'un prolétariat lui-même mondialisé? où chacun est mis en concurrence avec tout le monde? bien sûr, au moins dans les pays les plus avancés, la grande masse des salariés a atteint un évident bien-être par rapport au prolétariat du XIXème siècle. Sont-ils pour cela moins aliénés? moins soumis aux aléas du marché? moins sensibles au discours venu du fond des âges, et tenu aujourd'hui par tous les dirigeants du monde, de la Chine aux quatre coins d'Europe, qu'en travaillant plus, ils pourront gagner plus, et donc réaliser enfin leurs rêves?

Comment ne pas voir, comme l'avait prédit le vieux Marx, que ce capitalisme mondialisé conduit à la concentration croissante des fortunes, et surtout du pouvoir conféré par la fortune, qu'on la détienne en propre ou qu'on en soit l'intendant fidèle?

Un communiste hongrois désabusé m'avait confié un jour : "au fond, le cynisme était devenu le stade suprême du stalinisme". Avec le cynisme des Jaffré, des Messier, des Forgeard, des grands patrons de la finance et de l'industrie assis sur des salaires inouïs et des montagnes de stock-options, n'est-on pas en train d'atteindre le stade suprême du capitalisme?