La seconde question que nous rencontrons au début de notre réfexion sur la rénovation du parti socialiste est la suivante : notre pratique peut-elle, doit-elle se résumer à la mise en oeuvre de réformes?
L'on pourrait répondre pour faire simple : notre tradition est révolutionnnaire, notre idéal est révolutionnaire, notre méthode est la réforme.
Notre tradition est révolutionnaire, nous avons vu dans un précédent article comment et pourquoi. L'oublier serait accepter d'être débranchés de toute une histoire qui a forgé notre identité. Nous ne serions plus alors que l'ombre de nous-mêmes.
Notre idéal est révolutionnaire, puisque la société de fraternité et de justice qui forme notre horizon est à l'extrême opposé de celle que nous vivons. Utopie? certainement, mais utopie féconde puisqu'elle forme la ligne directrice de tous nos efforts.
Et notre méthode est la réforme. Pourquoi? parce que les tragédies du XXème siècle nous ont appris que la volonté de transformer une société dans son ensemble par la volonté d'un seul ou de quelques-uns ne pouvait être que l'expression d'un orgueil démesuré, et aboutir à des sociétés de cauchemar. C'est l'Union soviétique avec le stalinisme et le goulag. C'est la Chine de Mao avec le Grand bond en avant, responsable de millions de morts, et la Révolution culturelle. Sans parler du nazisme qui, lui, faisait du cauchemar l'instrument même de transformation de sa société.
Non, Dieu merci, les sociétés humaines sont trop complexes pour être modelées par quelques-uns. Vaclav Havel, interrogé sur sa capacité à accélérer les changements dans son pays après la chute du communisme, rappelait plaisamment qu'on ne fait pas pousser une plante en la tirant vers le haut.
Reste à chacun, là où il est, et dans la mesure de ses capacités, à chercher à modifier ce qui l'entoure, en chaque occasion possible, dans le sens de "la liberté, de l'égalité et de la fraternité"pour reprendre la devise dont nous disions précédemment toute la charge révolutionnaire. Et si nous agissons non pas isolément mais ensemble, dans le cadre d'un mouvement politique rénové, là, nous pouvons commencer à faire apparaître des changements visibles à l'échelle de toute une société. Comme le disait Jaurès, décidément incontournable sur ces sujets : "dans un Parti vraiment et profondément socialiste, l’esprit révolutionnaire réel est en proportion de l’action réformatrice efficace et l’action réformatrice efficace est en proportion de la vigueur même de la pensée et de l’esprit révolutionnaires."
Voilà pourquoi toutes les réformes ne se valent pas et que nous ne pouvons être confondus avec ceux qui ne voient dans les réformes que le moyen de mieux protéger l'existant : de ne le faire évoluer, moyennant si nécessaire quelques sacrifices, que pour mieux sauvegarder l'essentiel de leurs privilèges.
Jaurès, encore : "parce que le Parti socialiste est un parti essentiellement révolutionnaire, il est le parti le plus activement et le plus réellement réformateur". Puissions-nous être dignes de cette formule lancée il y a presque un siècle, au congrès de Toulouse de 1908!
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vendredi 28 septembre 2007
jusqu'où réformer le Parti Socialiste? (3/4)
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dimanche 23 septembre 2007
Jusqu'où réformer le Parti Socialiste? (2/4)
Je reprends le fil de la réflexion sur l'avenir du Parti Socialiste en attaquant la première des questions qui nous barre en quelque sorte la route : devons-nous rejoindre la social-démocratie, c'est-à-dire dans l'esprit de ceux qui le recommandent, renoncer à tout projet global de transformation sociale?
Il va de soi qu'un social-démocrate n'a rien en soi d'un "social-traître". J'ose enfin avouer que je me sentais social-démocrate à l'époque du congrès d'Epinay. Mais alors, mieux valait raser les murs...
La social-démocratie allemande, d'ailleurs, donnait à son origine des leçons de Révolution aux socialistes français. Le terme n'a pris son sens actuel qu'en 1959, avec le Congrès de Bad Godesberg, lorsque la social-démocratie a abandonné toute référence au marxisme et à sa propre histoire. Mais à l'époque, le marxisme c'était le bloc soviétique, l'Allemagne divisée, l'écrasement de la révolution hongroise, le spectre de la guerre nucléaire. Et les Allemands n'osaient pas regarder leur histoire.
Aujourd'hui, ceux qui de l'extérieur de notre Parti nous poussent, bien sûr pour notre bien, à nous muer en sociaux-démocrates veulent avant tout nous arracher nos griffes. Ils dormiraient évidemment bien mieux si, reniant notre passé, nous pouvions proclamer que notre seule ambition est d'améliorer le monde existant, en prenant soin de ne pas trop déranger.
Mais notre histoire n'est pas celle du socialisme allemand, qui est une histoire malheureuse. La Révolution de 1848 qui rêvait d'unité et de progrès a échoué, et l'unité allemande s'est faite par "le fer et le sang", sous la conduite de hobereaux. Ce sont eux qui ont octroyé les premiers essais de suffrage universel. C'est Bismarck qui a instauré les grandes lois de sécurité sociale. La République de Weimar, si tourmentée, est née d'une défaite, et dans la lutte fratricide des sociaux-démocrates et des spartakistes. La paisible République de Bonn est elle aussi née d'une défaite, encore pire que la première. Elle a été portée sur les fonds baptismaux par l'Amérique. L'héroïque contribution de tant de sociaux-démocrates à la lutte contre le nazisme n'a servi à rien. Et les résistants communistes se sont retrouvés de l'autre côté du Rideau de fer.
Notre Histoire est toute autre. Bien sûr, elle est aussi parsemée de défaites, mais nos avancées politiques et sociales, depuis la prise de la Bastille, viennent de l'intérieur, d'élans populaires et révolutionnaires. Les grandes lois de liberté politique et de progrès social des premières décennies de la IIIème République sont certes produites par des majorités bourgeoises. Elles doivent néanmoins beaucoup à la volonté de dépasser le traumatisme de la Commune. Même cet échec n'a donc pas été inutile.
Le Front populaire est à la fois une victoire électorale classique, classiquement gérée, et un mouvement profond de grèves. Comme l'Allemagne, nous devons notre Libération à l'Amérique, mais la Résistance y a joué son rôle et la République, grâce à de Gaulle, se réinstalle sans avoir besoin d'administration étrangère. Mai 1968, ce n'est pas seulement des étudiants qui jouent à la Révolution, c'est dix millions de salariés en grève. Et la victoire de 1981 reste, en sus du résultat des urnes, un grand moment de ferveur populaire.
Jaurès expliquait que le socialisme était la réalisation dans leurs ultimes conséquences des idéaux de la République, tels qu'exprimés pour la première fois par la Révolution française. En ce sens, la devise Liberté, Egalité, Fraternité demeure notre horizon indépassable. Si l'on veut bien la prendre au sérieux, elle est toujours aussi chargée qu'à sa naissance de tension révolutionnaire.
Mais comme le disait Jaurès, "c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". Et donc, il nous faut changer, il nous faut avancer, encore et toujours. Alors qu'on nous baptise, si on le veut, sociaux-démocrates. Mais qu'on ne nous coupe pas de notre passé.
...Et puisqu'on est avec Jaurès, voilà pour finir une gâterie en forme de citation : "...Par quelle porte sortirons-nous? Par la porte du passé ou par la porte de l'avenir? Du côté du couchant ou du côté du levant? Je sors du côté de l'avenir encore incertain, du côté du levant encore mal éclairé , je veux saluer, dès qu'elles commenceront à poindre au bas du ciel, plus belles toutes deux que l'étoile du matin, la Fraternité et la Justice".
Il va de soi qu'un social-démocrate n'a rien en soi d'un "social-traître". J'ose enfin avouer que je me sentais social-démocrate à l'époque du congrès d'Epinay. Mais alors, mieux valait raser les murs...
La social-démocratie allemande, d'ailleurs, donnait à son origine des leçons de Révolution aux socialistes français. Le terme n'a pris son sens actuel qu'en 1959, avec le Congrès de Bad Godesberg, lorsque la social-démocratie a abandonné toute référence au marxisme et à sa propre histoire. Mais à l'époque, le marxisme c'était le bloc soviétique, l'Allemagne divisée, l'écrasement de la révolution hongroise, le spectre de la guerre nucléaire. Et les Allemands n'osaient pas regarder leur histoire.
Aujourd'hui, ceux qui de l'extérieur de notre Parti nous poussent, bien sûr pour notre bien, à nous muer en sociaux-démocrates veulent avant tout nous arracher nos griffes. Ils dormiraient évidemment bien mieux si, reniant notre passé, nous pouvions proclamer que notre seule ambition est d'améliorer le monde existant, en prenant soin de ne pas trop déranger.
Mais notre histoire n'est pas celle du socialisme allemand, qui est une histoire malheureuse. La Révolution de 1848 qui rêvait d'unité et de progrès a échoué, et l'unité allemande s'est faite par "le fer et le sang", sous la conduite de hobereaux. Ce sont eux qui ont octroyé les premiers essais de suffrage universel. C'est Bismarck qui a instauré les grandes lois de sécurité sociale. La République de Weimar, si tourmentée, est née d'une défaite, et dans la lutte fratricide des sociaux-démocrates et des spartakistes. La paisible République de Bonn est elle aussi née d'une défaite, encore pire que la première. Elle a été portée sur les fonds baptismaux par l'Amérique. L'héroïque contribution de tant de sociaux-démocrates à la lutte contre le nazisme n'a servi à rien. Et les résistants communistes se sont retrouvés de l'autre côté du Rideau de fer.
Notre Histoire est toute autre. Bien sûr, elle est aussi parsemée de défaites, mais nos avancées politiques et sociales, depuis la prise de la Bastille, viennent de l'intérieur, d'élans populaires et révolutionnaires. Les grandes lois de liberté politique et de progrès social des premières décennies de la IIIème République sont certes produites par des majorités bourgeoises. Elles doivent néanmoins beaucoup à la volonté de dépasser le traumatisme de la Commune. Même cet échec n'a donc pas été inutile.
Le Front populaire est à la fois une victoire électorale classique, classiquement gérée, et un mouvement profond de grèves. Comme l'Allemagne, nous devons notre Libération à l'Amérique, mais la Résistance y a joué son rôle et la République, grâce à de Gaulle, se réinstalle sans avoir besoin d'administration étrangère. Mai 1968, ce n'est pas seulement des étudiants qui jouent à la Révolution, c'est dix millions de salariés en grève. Et la victoire de 1981 reste, en sus du résultat des urnes, un grand moment de ferveur populaire.
Jaurès expliquait que le socialisme était la réalisation dans leurs ultimes conséquences des idéaux de la République, tels qu'exprimés pour la première fois par la Révolution française. En ce sens, la devise Liberté, Egalité, Fraternité demeure notre horizon indépassable. Si l'on veut bien la prendre au sérieux, elle est toujours aussi chargée qu'à sa naissance de tension révolutionnaire.
Mais comme le disait Jaurès, "c'est en allant à la mer que le fleuve est fidèle à sa source". Et donc, il nous faut changer, il nous faut avancer, encore et toujours. Alors qu'on nous baptise, si on le veut, sociaux-démocrates. Mais qu'on ne nous coupe pas de notre passé.
...Et puisqu'on est avec Jaurès, voilà pour finir une gâterie en forme de citation : "...Par quelle porte sortirons-nous? Par la porte du passé ou par la porte de l'avenir? Du côté du couchant ou du côté du levant? Je sors du côté de l'avenir encore incertain, du côté du levant encore mal éclairé , je veux saluer, dès qu'elles commenceront à poindre au bas du ciel, plus belles toutes deux que l'étoile du matin, la Fraternité et la Justice".
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