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mercredi 3 septembre 2008

Avenir de l'action extérieure : un inquiétant discours

A l'occasion de la réunion annuelle des ambassadeurs, Bernard Kouchner vient d'exposer les changements qu'il va apporter à l'organisation et aux méthodes de son ministère.

Pour le traitement des "enjeux mondiaux", une nouvelle direction générale va être créée, pour l'essentiel par récupération des moyens de la direction générale de la coopération et du développement et de la direction économique. Jusque là rien à dire.

Cette nouvelle direction générale sera elle-même, selon le ministre, organisée en quatre pôles. C'est là que les choses pourraient se gâter.

Le premier pôle chargé de la "politique d'attractivité" devra mobiliser nos atouts en matière de recherche, de technologie, d'enseignement supérieur, d'expertise technique. Il assurera la tutelle d'un opérateur extérieur au ministère, regroupant une série d'organismes existants qui assurent d'une part l'accueil des étudiants et des stagiaires en France, d'autre part l'envoi à l'étranger de nos missionnaires et coopérants techniques. Ce regroupement d’opérateurs, en raison de l’hétérogénéité de leurs activités, n'apportera probablement pas la valeur ajoutée espérée : tout juste un échelon bureaucratique supplémentaire. Mais il y a plus sérieux.

"La diversité culturelle et linguistique" sera traitée dans le second pôle, qui assurera la tutelle d'une ou plusieurs nouvelles agences à créer. Si l'on en crée plusieurs, elles perdront vite, au rythme des réductions de crédits qui s'annoncent (-20% en 2009 pour notre action culturelle) toute visibilité. Privé de la coopération scientifique et technique (situé apparemment dans le premier pôle), ce second pôle traitera, quoi qu'en dise le ministre, de la culture au sens étroit du terme : diffusion de la langue française, création littéraire et artistique.

L'environnement, l'énergie et les ressources naturelles, la santé et l'éducation seront traités dans le troisième pôle, l'économie mondiale et les stratégies de développement dans le quatrième. Et là on a du mal à comprendre. Comment travailler sur la santé et l'éducation dans un pôle, sur le développement dans l'autre? D'autant que l'éducation relève tout aussi bien du deuxième pôle (coopération linguistique) sans oublier le premier (coopération universitaire). Comprenne, et surtout agisse, qui pourra...

Que devient dans cette affaire le réseau de nos services, centres et instituts culturels à l'étranger? Dans chaque pays, ces entités seront regroupées dans un"espace France". C'est une bonne (et ancienne) idée. Mais de qui dépendront-ils? Si les hommes restent attachés au ministère des affaires étrangères comme on croit le comprendre, et si les moyens d'agir sont donnés aux agences à créer, l'on va instaurer d'une part un réseau extérieur sans moyens, de l'autre des agences sans réseau extérieur. Bonjour les querelles de bureaux et de personnes, bonjour les dégâts.

Deux autres soucis.

Bernard Kouchner annonce la création d'une direction de la prospective associant à son travail "les meilleurs représentants de l'université, des think tanks et de la société civile". Fort bien. Mais un peu ingénument, il annonce aussi que cette direction sera "le correspondant des services français dédiés au renseignement, pour ce qui concerne leurs activités d'analyse". Il y a lieu de craindre que nos chercheurs et universitaires n’accepteront pas d'être ainsi instrumentalisés.

Dernière inquiétude : l'annonce, au nom de la citoyenneté européenne, "d'un plan de transformation profonde de notre réseau consulaire européen". Déjà, indique le ministre, la suppression de consulats en Espagne et en Italie "a été saluée par le président de la Commission européenne comme un geste profondément européen". Et Bernard Kouchner insiste : " Il faudrait le faire partout. Nous allons le faire partout." Là, l'on pourrait en arriver danser plus vite que la musique. Tant que nous n'aurons pas d'état civil européen, tant qu'un fonctionnaire allemand ou grec ne pourra pas délivrer un passeport à un Français, tant qu'il faudra porter secours à un compatriote âgé ou malade en Ecosse ou en Irlande du Nord, nous aurons besoin de consulats, et de vrais consulats, pas de ces consulats dits "d'influence", fantômes de consulats, qui n'aident plus personne et qui d'ailleurs, privés de tous moyens, n'influencent plus personne.

dimanche 3 août 2008

Un Tintin suisse à la découverte de la Chinafrique

Serge Michel est le journaliste suisse à qui nous devons l'inoubliable "Bondy Blog"(Seuil, 2006). Après l'embrasement des banlieues provoqué en 2005 par le ministre de l'intérieur que nous savons, il s'était fait envoyer par son magazine "l'Hebdo" de Lausanne à Bondy (93), y avait loué un appartement, y avait séjourné plusieurs semaines, puis organisé une noria d'autres journalistes du même magazine pour décrire au jour le jour, comme des correspondants en terre lontaine, le monde étrange (mais aussi familier) qui l'entourait : monde inconnu des Français, à commencer par la presse française. Serge Michel racontait alors comment ses amis journalistes parisiens lui avouaient n'avoir jamais pensé à franchir le Périphérique pour aller explorer les terres inconnues qui se trouvaient au-delà.

Le voilà maintenant installé à Dakar. Il n'a rien perdu de sa curiosité et vient de publier avec Michel Beuret, chez Grasset, un livre sur Pékin à la conquête du continent noir : "la Chinafrique". A lire absolument par ceux qui s'intéressent à cette autre banlieue, proche puis grande banlieue, qu'est l'Outre-Méditerranée. Les deux auteurs, s'aidant du photographe Paolo Woods, ont circulé dans une douzaine de pays de la région, allant de l'Algérie à l'Angola. Ils en ramènent un étonnant tableau de la pénétration chinoise, de son ampleur, de ses multiples formes, de ses méthodes qui la font souvent réussir là où tant d'autres se sont découragés (pas toujours quand même, à lire l'abandon, du jour au lendemain, de la reconstruction d'une ligne de chemin de fer en Angola).

Et nos auteurs sont aussi allés en Chine. Ils se sont rendus à Yiwu, ville parfaitement inconnue de la province du Zhejiang, où se trouve le plus grand marché de pacotille en gros du monde, qui inonde de jouets, de plastiques, de copies en tous genre la terre entière : 34.000 boutiques, 320.000 produits référencés, 3.400 tonnes de fret quotidien. Ils sont allés à Chongqing, en Chine centrale, la plus grande ville de la planète, avec 31 millions d'habitants, par où transitent beaucoup de ces paysans et ouvriers qui vont tenter leur chance dans ce nouveau Far West qu'est pour eux l'Afrique.

Ils ont aussi assisté au sommet Chine-Afrique de Pékin, en 2006, réunissant autour du Président Hu Jintao une litanie de 48 dirigeants africains venus rendre hommage à l'Empereur, un empereur qui les arrose de bienfaits, et en a annoncé de plus grands encore.

Est-ce à dire que l'Afrique va devenir chinoise, mieux et plus profondément qu'elle n'a été anglaise ou française? Un échec n'est pas exclu, estiment nos auteurs. Mais il s'agit encore de politique fiction. Serge Michel et Michel Beuret concluent ainsi : "Pour nous qui avons parcouru l'Afrique chinoise en tous sens, le seul véritable échec de la Chine, s'il faut en voir un, c'est peut-être qu'elle se banalise en Afrique après avoir incarné le partenaire providentiel et fraternel, capable de tous les miracles. A certains égards, elle commence à ressembler aux autres acteurs, avec ses cohortes de gardes de sécurité, ses chantiers qui s'enlisent, ses scandales de corruption et quoi qu'elle en dise, son mépris, parfois, pour la population locale."

"Pour le reste, la Chine a pris les besoins africains à bras-le-corps et posé enfin les bases d'un développement avec des dizaines de projets d'infrastructures sans lesquels rien ne se fera jamais, en particulier les voies de communication et la production d'électricité. Petit à petit, le message passe que l'Afrique n'est pas condamnée à la stagnation. La Chine n'est pas désintéressée, bien sûr, et personne ne prête plus attention à son discours sur l'amitié, mais les efforts qu'elle déploie pour atteindre ses objectifs offrent à l'Afrique un avenir inconcevable il y a seulement dix ans..."

"...Du coup, la balle est dans le camp des dirigeants africains. Ils ont désormais les moyens de leurs ambitions : jamais un bailleur de fonds n'avait avancé des sommes pareilles, sans condition, sans tutelle. Seront-ils à la hauteur, pour utiliser ces fonds plutôt que pour doubler la taille de leur parc immobilier en France? A Pékin, lorsque le président chinois Hu Jintao a prononcé les montants exorbitants qu'il s'apprêtait à mettre à disposition de l'Afrique, quelqu'un à côté de nous a murmuré : "à présent, il va falloir que nos chefs se montrent sages, très sages."

mercredi 16 juillet 2008

Volontaires internationaux : vers une relance du dispositif?

Une bonne nouvelle, au moins au niveau des intentions, nous arrive du secrétaire d'Etat à la coopération : Alain Jouyandet vient d'annoncer le projet de tripler le nombre de volontaires internationaux sur le continent africain en réorganisant profondément le dispositif actuel. Il indique aussi sa volonté de mieux mobiliser qu'aujourd'hui les retraités récents prêts à apporter leur expérience à l'étranger. A l'horizon 2012, 15.000 coopérants devraient ainsi être à l'oeuvre sur le terrain en Afrique.

Il était temps, huit ans après la loi de 2000 qui a créé les volontaires internationaux pour remplacer les volontaires du service national, disparus avec le service obligatoire.
En effet, malgré une première réforme par la loi en 2005, le dispositif est aujourd'hui nettement sous-utilisé. Ceux qui en ont tiré le meilleur parti ont été les entreprises : 5.500 volontaires à leur service en 2007. Du côté des administrations, 1.000 volontaires servent actuellement à l'étranger pour le ministère des affaires étrangères et 200 environ auprès du ministère des finances, pour l'essentiel dans les missions économiques.

Viennent enfin les volontaires de solidarité internationale, envoyés sur le terrain par des organisations non-gouvernementales. La première de ces ONG est l'Association française des volontaires du progrès, d'ailleurs subventionnée à 50% par le ministère des affaires étrangères. L'on compte environ 2.000 volontaires de solidarité internationale à travers le monde.

Mais enfin, par rapport à tous les autres, ces volontaires de terrain sont en minorité, ce qui est vraiment dommage. Les entreprises utilisent fort naturellement leurs volontaires en fonction de leurs objectifs économiques, et l'administration trop souvent dans des emplois de confort (cuisiniers, maîtres d'hôtel dans les ambassades), ou de bouche-trous dans différents services, notamment culturels : beaucoup d'informaticiens gèrent ainsi les parcs d'ordinateurs du réseau diplomatique, ou s'occupent des sites internet des ambassades et consulats. L'administration dispose de cette façon d'une main-d'oeuvre d'appoint à bon marché. Mais on est vraiment très loin des objectifs initiaux de formation et d'ouverture au monde par le service apporté aux autres : ce devrait être cela, le "co-développement"!

Reste maintenant à traduire les intentions en actes. Nous regarderons de près la montée en puissance du dispositif. Mais saluons dès à présent la chance qui s'ouvre de voir renaître, sous une forme rénovée, cette coopération "à la française", appuyée sur un réseau dense d'assistants techniques proches des populations, que l'indifférence et les restrictions budgétaires avaient presque entièrement laminée au fil des ans.

P.S. Sans attendre, un chiffre intéressant : les volontaires de solidarité internationale, coopérants de terrain, donc, comptent aujourd'hui plus de femmes (55%) que d'hommes (45%). Bravo les filles!

jeudi 5 juin 2008

DGCID : le silence des agneaux?

Pour ceux qui s'intéressent à l'avenir du ministère des affaires étrangères, et en particulier de sa Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), qui gère l'action culturelle de la France au sens le plus large, voici un petit billet d'humeur que je lance comme une bouteille à la mer.

Entre les exercices de "révision générale des politiques publiques" et de rédaction d'un Livre blanc sur l'avenir du ministère des affaires étrangères lancés par le gouvernement, entre cabinets et réunions d’arbitrages, se poursuit la vente à la découpe de la DGCID. Certes, après presque dix ans d’existence, il était temps de tout remettre à plat. Tout change et le modèle d’une Régie, empêtrée dans toutes les contraintes d’une administration centrale, n’était plus tenable pour gérer de façon réactive, et dans un monde hautement compétitif, l’action culturelle et la coopération internationale de la France.

Mais pourquoi faut-il que la réflexion des décideurs s’oriente vers les plus mauvaises solutions possibles : une dispersion des fonctions d’opérateur de la DGCID en deux ou trois agences, peut-être plus, et une gestion des personnels culturels confiée à une Direction générale de l’administration qui les a toujours considérés comme une population de second rayon, comparée aux agents du « cœur de métier » diplomatique ?

Tout ceci, semble-t-il, par crainte de créer une Agence trop puissante pour être aisément contrôlée. En organisant la dispersion, l’on faciliterait l’exercice de la tutelle. En gardant la gestion directe des personnels culturels, on s’assurerait de leur soumission hiérarchique.

Mais comment ne pas voir qu’en agissant ainsi, l’on est en train d’installer sur deux parallèles d'une part des agences parisiennes, dotées certes de moyens d’action mais sans réseau, d'autre part un réseau mondial de services et centres culturels et de coopération, mais sans moyens ?


Comment ne pas voir que ces agences succédant à la DGCID seront, prises une à une, en dessous du pouvoir séparateur de l’œil dans un environnement où il s’agit de tenter d'exister aux côtés de la Banque mondiale ou du Fonds européen de développement ? Comment ne pas voir que sera ainsi brisé le continuum de toutes les activités de coopération – culturelle, scientifique, technologique, de bonne gouvernance... – qui convergent vers le développement humain ?

Notre ministère a-t-il perdu à ce point confiance en lui-même qu’il se juge incapable d’exercer le pilotage stratégique d’une agence puissante, cohérente, dotée à la fois des moyens et des personnels nécessaires, occupant en matière de coopération et de francophonie tout le terrain laissé libre par les deux agences déjà existantes, l’Agence française de développement (AFD) d’une part, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) d’autre part ?

Il suffirait pourtant qu’il se dote précisément d’une Direction générale du développement humain, traitant avec la hauteur de vues nécessaire de la diversité culturelle, du développement politique, économique et social, de la protection de l’environnement, de la régulation du marché mondial et des droits de l’Homme. Une telle direction, à condition qu’elle se dote de moyens d’évaluation et d’analyse adéquats, aurait toute la légitimité et toute l’autorité pour assurer la tutelle politique, non seulement de l’agence héritière de la DGCID, mais aussi de l’AFD et de l’AEFE.

Là, l’on aurait enfin les moyens d’une action extérieure cohérente, bien mieux qu’en se voyant octroyer la présidence ou le secrétariat de tel conseil ou comité que l’on nous fait en ce moment miroiter. Car le « cœur de métier » de la diplomatie de demain, ce sera, et de façon de plus en plus pressante, l'organisation de la société internationale pour lutter contre la faim, contre le réchauffement climatique, contre l’oppression, contre la pauvreté matérielle et culturelle. Le ministère des affaires étrangères va-t-il passer à côté ?

jeudi 17 avril 2008

Donner tort à Malthus

La population mondiale a franchi en 2000 le cap des 6 milliards, et devrait atteindre les 7 milliards vers 2015. Dans les 25 dernières années elle a augmenté de 2,5 milliards d’habitants, chiffre de la population mondiale totale en 1950. Le cap du milliard d’habitants sur notre planète a sans doute été franchi vers 1830. Il a fallu un siècle pour le doubler. Malgré le ralentissement de la fécondité dans un nombre important de pays, il devrait y avoir à peu près 8 milliards d’habitants sur la terre en 2030 et près de 9 milliards en 2050.

Malthus prédisait que la population mondiale dépasserait les capacités agricoles de la planète au milieu du XIXème siècle. Il s’est lourdement trompé. Il a été répondu au défi de l’expansion démographique mondiale par l’expansion des surfaces cultivées, les progrès du machinisme, des engrais artificiels, puis de la génétique. Tout ceci a formé la « révolution verte » qui a permis, par exemple, à l’Inde de démentir les prédictions qui, au moment de son indépendance, lui annonçaient une irrémédiable famine dans les vingt années à venir. Il y a eu enfin les progrès de la conservation des denrées et du transport sur longue distance qui ont permis aux fermiers du Middle West ou aux éleveurs de poulets européens de nourrir à des prix défiant toute concurrence, et notamment la concurrence locale, les populations d’Afrique ou d’ailleurs. Ou encore aux pêcheurs du monde entier de venir ratisser de leurs chaluts les fonds côtiers de l’Afrique.

Mais la progression des rendements tendra à se ralentir, à l’image des records d’athlètes que l’on voit approcher de l’absolu physiologique. Et durant les trente dernières années la surface mondiale des terres arables est restée stable : autour de 1,5 milliards d’hectares. Si de nouvelles surfaces ont été dédiées à l’agriculture en Amérique latine et en Russie, cette expansion a été compensée par l’urbanisation de l’Europe et de l’Asie. Dans les dix dernières années, 8 millions d’hectares cultivés ont ainsi disparu en Chine, soit les deux tiers de toute la surface arable de l’Allemagne. Et l’urbanisation va évidemment s’étendre. Nous venons tout récemment de franchir le seuil de 50% de la population mondiale vivant dans des villes. En 1950, le chiffre n’était que de 30%. Tout ceci sans parler des effets, encore difficilement évaluables, du réchauffement climatique.

L’homme, on le sait, résout les problèmes au moment où ils se posent. Il est quand même étonnant que l’on n’ait pas vu plus vite celui-là approcher. La Banque mondiale, qui veille à s’entourer des meilleurs économistes du monde, vient d'avouer n'avoir consacré que 12% de ses prêts à des projets agricoles en 2007, contre 30% dans les années 1980. Et elle souligne que 4% seulement de toute l’aide publique au développement va aujourd’hui à l’agriculture. Ce qui ne l'empêche pas d'expliquer ensuite doctement aux pays en difficulté comment s'y prendre pour s'en sortir. Que d’étourderie chez de si beaux esprits ! A qui donc se fier ?

A ces données structurelles s’ajoute pour expliquer l’actuelle flambée des prix agricoles la vague spéculative sur les matières premières. En 2000, nous avons vécu l’affaissement boursier de la bulle internet. Le 11 Septembre a ajouté au marasme mondial. Fuyant la bourse, l’argent de la spéculation, gonflé des dollars créés par les déficits historiques américains, s’est dirigé vers l’immobilier. Las, celui-ci à son tour connaît la crise des subprimes : mille milliards de dollars partis en fumée…. Méfiance envers les valeurs boursières, méfiance envers la pierre, que reste-t-il ? les matières premières, bien sûr, l’or, les métaux, le pétrole, les produits agricoles, dont la pénurie alimente aujourd’hui la spéculation.

Phénomènes structurels et phénomènes conjoncturels se combinent donc aujourd’hui pour nourrir la crise. Ce ne sont pas les lois du marché qui vont permettre d'en traiter les racines. Comment mettre en place, aux échelles nationale, régionale, mondiale, des politiques volontaristes à la hauteur du défi? comment empêcher qu'avec l'approfondissement prévisible de la crise ne se développe, au moins dans les pays les plus touchés, la tentation de confier ces politiques volontaristes à des régimes autoritaires? Des bonnes réponses à ces questions dépend notre capacité à ne pas devoir donner, certes avec deux siècles de retard, raison à Malthus.

mardi 18 mars 2008

Les États malins dans la mondialisation

Dans la foire d'empoigne de la mondialisation, les pays qui s'en sortent le mieux sont encore ceux qui ont des Etats malins.

On a déjà vu dans la seconde moitié du XXème siècle comment les États d'Asie, Japon et Corée du Sud en tête, ont appuyé leur développement sur la protection féroce de leurs marchés intérieurs, tout ceci dans le non-dit d'ailleurs, puisqu'ils n'ont jamais mis en cause les règles d'ouverture à la concurrence prônées dans les vertueuses enceintes internationales. On voit encore aujourd'hui comment les pays les plus développés, États-Unis, Europe, Australie, protègent leurs agricultures, quitte à inonder le monde de surproductions entrant en concurrence avec les productions locales.

On a vu que les États qui ont le mieux résisté à l'éclatement de la bulle financière asiatique de la fin des années 1990 sont ceux qui ont pris soin d'ignorer les injonctions du FMI. A juste titre, puisque le FMI a reconnu, des années plus tard, qu'il avait prodigué en cette circonstance de mauvais conseils.

De même le catéchisme néo-libéral de la Banque mondiale, appuyé sur l'idéal de l'Etat minimum et la méthodologie des "ajustements structurels", a produit en Afrique des désastres économiques, par exemple avec le démantèlement de filières nationales de production cotonnière. Sur le plan social, on a vu aussi les conséquences négatives de l'affaiblissement des systèmes nationaux d'éducation sous l'effet du "dégraissage" des effectifs. Là encore, la Banque mondiale a fait acte de repentance, mais un peu tard...

Ceci ne veut pas dire que protectionnisme et socialisme sont la garantie du développement. Le protectionnisme, quand il sert les intérêts d'oligarchies mondialisées, comme on les trouve en Amérique latine ou en Afrique, crée des niches de confort qui n'apportent rien au pays, bien au contraire. Quant au socialisme, quand il n'est que l'habillage de régimes populistes et autoritaires, il plombe lui aussi les chances de développement.

Non, tout démontre que les "success stories" du développement partent de l'analyse lucide des atouts et des handicaps d'un pays, puis de la définition de stratégies ad hoc, sans se laisser influencer par les bons apôtres extérieurs. Cet atout peut être ici une population industrieuse, ailleurs l'abondance de telle ou telle matière première ou source d'énergie, ailleurs encore le soleil et les plages qui permettront d'attirer les touristes, ou même le bon emplacement sur la carte du déplacement des gens et des marchandises. C'est en somme l'exploitation raisonnée du différentiel d'un pays donné dans le jeu mondial de la concurrence ou simplement, comme l'aurait dit Adam Smith, de la division du travail. C'est enfin la distribution astucieuse des fruits de la croissance, en vue d'injecter juste assez de prospérité parmi le plus grand nombre, tout en facilitant les nouveaux investissements, gages des résultats futurs.

Il y a quelques années, le discours à la mode portait sur l'affaiblissement des Etats face à la montée sur la scène internationale d'acteurs non-étatiques, des maffias aux ONG, en passant par les entreprises terroristes, mais aussi les régions et les territoires, dont la fédération devait en particulier construire l'Europe débonnaire du futur. Aujourd'hui, les Etats se trouvent plus que jamais au devant de la scène. Plus que jamais, notre avenir dépend d'eux. Simplement, leur caractère de droit divin, ou, ce qui est à peu près la même chose, leur sacralité historique, s'atténue au profit d'une logique de concurrence. Comme de vulgaires entreprises, ils sont jugés au résultat.

mardi 15 janvier 2008

La Chine, les cadeaux de Noël et le réchauffement de la planète

Un centre britannique de recherche sur les changements climatiques vient de mettre en valeur un phénomène encore peu pris en compte.

La Chine, on le sait, est devenu en 2007 le premier pays émetteur de CO2. Elle a dépassé les Etats-Unis au moins deux ans plus tôt qu'on ne l'attendait. Ceci amène à la considérer comme le premier contributeur au réchauffement de la planète.

Cette augmentation rapide des émissions est principalement due à l'entrée en activité de nombreuses centrales au charbon destinées à alimenter une croissance économique d'environ 9% par an en moyenne depuis 20 ans.

Mais 34% de la production chinoise est destinée à l'exportation, pour l'essentiel en direction des pays développés. Son bilan importations-exportations fera probablement apparaître en 2007 un excédent de l'ordre de 200 milliards de dollars. C'est dire qu'une partie significative des émissions chinoises de CO2 est en fait destinée à alimenter le marché européen et nord-américain en produits manufacturés bon marché. Entre autres exemples, le marché britannique, à lui seul, a absorbé à Noël environ 50.000 tonnes de jouets fabriqués en Chine.

Pour 2004, la dernière année où l'on dispose de statistiques détaillées, l'on peut estimer à un milliard de tonnes de CO2 l'excédent d'émissions chinoises dû à ses exportations nettes. C'est presque l'équivalent des émissions totales du Japon au cours de la même année, et près du triple des émissions françaises.

Quel est l'intérêt de cette approche? d'abord d'ouvrir la réflexion sur la part prise par chaque pays dans les émissions mondiales de CO2 : pour bien prendre en compte la responsabilité de chacun, cette part pourrait intégrer le bilan, positif ou négatif, de son commerce extérieur, et être ainsi calculée sur la consommation totale de biens par sa population, pas uniquement sur sa production.

Ce qui amène au raisonnement suivant. Les pays à économie avancée absorbent de plus en plus de produits importés du monde en développement, dont les fabrications sont économes en coût de main-d'oeuvre mais gourmandes en énergie. Ceci pèse sur leur marché du travail, mais profite aux consommateurs. Ils devraient donc non seulement engager plus fermement les pays en développement à améliorer les conditions de travail et de protection sociale de leur population, mais aussi les aider plus activement à mettre en valeur des sources d'énergie de plus en plus économes en CO2.

mardi 8 janvier 2008

le Monde dans le miroir des chiffres du PNUD (3/3)

... et voici le troisième et dernier volet de notre promenade éducative dans les statistiques du PNUD.

Emissions d'oxyde de carbone

Remercions les pays du bas de tableau en matière de développement humain de leur faible taux d'émission d'oxyde de carbone par habitant : moins d'une tonne par an et habitant pour Samoa (77ème place), le Paraguay (95ème place), la Géorgie (96), le Sri Lanka (99), les Territoires palestiniens occupés (106ème place, 0,2 tonne par habitant...), le Turkménistan (109ème et 0,1 tonne par habitant), le Nicaragua (110ème, 0,7 tonne) et tout à fait en queue de tableau, nos habituels amis d'Afrique.

La France, elle, a émis 6 tonnes par habitant en 2004, plus que la Suède (5,9 tonnes), le Portugal (5,6) et la Suisse (5,4), moins que l'Allemagne, le Royaume-Uni (9,8 tonnes), et Israël (10,4), beaucoup moins que l'Australie (16,2 tonnes), le Canada (20 tonnes) et les Etats-Unis (20,6)... sans oublier le Koweit (37,4 tonnes),) les Emirats Arabes Unis (34,3 tonnes), et surtout le Qatar (79,3 tonnes!).

L'indicateur sexospécifique de développement

Il met en valeur l'écart hommes/femmes en matière d'espérance de vie, d'alphabétisation, de revenus du travail. L'intéressant ici est le différentiel de rang dans ce tableau au regard du classement général en matière de développement humain. Plus le différentiel est positif, moins les femmes sont discriminées, du moins au regard du niveau général de développement du pays, plus il est négatif, plus les femmes sont relativement maltraitées, ou moins favorisées.

Parmi les pays avancés, l'Irlande marque notamment un écart significatif, de -10, pas très loin de celui de la Libye (-9), d'Oman et de l'Arabie Saoudite (-13). Pour le reste, à part Bélize (+21!), les écarts sont plutôt faibles : +3 pour la France, les Pays-Bas et la Finlande, -5 pour le Japon et les Etats-Unis. Ce qui tend à démontrer que la marche vers l'égalité des femmes va à peu près au même rythme que le développement en général.

Sexospécificité en matière de travail et d'allocation du temps

Devinette : dans quels pays les hommes travaillent plus que les femmes, en moyenne annuelle, toutes activités confondues, à la maison comme à l'extérieur? la liste est vite faite : la Suède, la Norvège et les Pays-Bas, plus le Nicaragua et Madagascar, mais seulement en zone rurale. En France, les chiffres sont de respectivement 7,1 heures (femmes) et 6,25 heures (hommes) par jour. Et les seuls pays (en tous les cas les pays recensés) où l'écart journalier dépasse 1h30 entre hommes (pour le bas) et femmes (pour le haut) sont le Portugal et le Bénin...

Participation des femmes à la politique

Dans les pays développés, nous connaissons à peu près leur place. Saluons les pays en voie de développement où elles occupent en 2007 une place significative dans les assemblées nationales : 48,8% au Rwanda, 34,8% au Mozambique, 30,5% au Burundi, 30,4% en Tanzanie, 29,8% en Ouganda, 32,8% en Afrique du Sud, 29% en Guyana, 29,2% au Pérou, 38,6% au Costa-Rica, 35% en Argentine... sans oublier quand même les 31,6% de l'Allemagne, les 34,7% de la Belgique, les 32,2% de l'Autriche, les 36% de l'Espagne...

le tout à rapporter aux 18% de femmes dans notre Assemblée nationale sortie des urnes en 2007! Nous sommes à peu près dans la même catégorie que l'Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, un peu devant Israël (14,2%), l'Irlande (13,3%) et la Grèce (13%), et quand même loin devant le Japon avec ses 9,4%...

Côté monde arabo-musulman, ce n'est vraiment pas brillant. Les pourcentages sont plus bas encore, avec une exception pour la Tunisie (22,8%). Le Pakistan affiche aussi un score remarquable pour le monde musulman avec (21,2%), faisant nettement mieux que l'Inde, son voisin (8%), et légèrement mieux que la Chine (20%).

C'est fini, à bientôt!


samedi 5 janvier 2008

Le Monde dans le miroir des chiffres du PNUD (2/3)

Deuxième promenade instructive dans les statistiques du Programme des Nations Unies pour le développement...

Taux de fertilité par femme

Le taux le plus faible se trouve à Hong-Kong (0,9 enfant). Les taux inférieurs à 1,5 enfant par femme se trouvent en Belarus, Lettonie, Slovaquie, République tchèque, Slovénie, Corée du Sud ( pour tous ces pays 1,2 enfant), en Espagne, Italie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Pologne, Croatie, Roumanie, Bulgarie, Russie, Bosnie-Herzégovine et Arménie (1,3), en Suisse, Autriche, Singapour et Estonie (1,4).

L'on sait que la France se situe à 1,9 enfant par femme. Ce chiffre était de 2,3 dans la période 1970-1975. Les Etats-Unis se situent à 2 enfants par femme, Israël est le seul des vingt-cinq premiers pays "à développement humain élevé", selon la terminologie du PNUD, à dépasser les 2 enfants par femme, et même à frôler les 3 enfants (2,9). Il était à 3,8 dans la période 1970-1975.

A noter que les taux très élevés (au-dessus de 5 enfants par femme) apparaissent à partir de la 106ème place (sur 177) du classement par l'indice de développement humain, avec les Territoires palestiniens occupés (5, 6). Ils en étaient à 7,7 dans la période 1970-1975. Les taux supérieurs à 6,5 se trouvent en Ouganda (6,7), en Angola (6,8), au Burundi (6,8), en République démocratique du Congo (6,7), au Mali (6,7), au Niger (7,4) et en Guinée-Bissau (7,1). Sauf au Burundi et au Congo démocratique, l'on note une légère décrue sur la période 2000-2005 par rapport à la période 1970-1975.

L'on peut aussi relever les taux médians de pays affichant naguère des taux de fécondité élevés : notamment la Chine (1,7 contre 4,9 dans la période 1970-1975), l'Inde (3,2 contre 5,3), le Bangladesh (3,2 contre 6,2), l'Indonésie (2,4 contre 5,3), l'Iran (2,1 contre 6,4), le Mexique (2,4 contre 6,5), le Brésil (2,3 contre 4,7) et, parmi les pays proches de nous, le Maroc (2,5 contre 6,9), la Tunisie (2 contre 6,2), et l'Algérie (2,5 contre 7,4).

taux de mortalité maternelle à la naissance

La sécheresse des chiffres révèle de tragiques disparités, d'un décès pour 100.000 naissances en Irlande à 2.100 décès en Sierra-Leone, tout juste précédée par le Niger avec 1.800 décès. Entre ces deux extrêmes, la France compte 8 décès, et les Etats-Unis 12. La barre des 20 est franchie par l'Uruguay, celle des 60 par le Mexique, celle des 100 par la Tunisie. Le Brésil, la Thaïlande et l'Equateur sont tous deux à 110. La Namibie atteint 210, le Pakistan franchit la barrre des 300, le Gabon celle des 500. Le Sénégal frôle les 1.000, le Nigéria, le Malawi, le Burundi, la République démocratique du Congo, la Guinée-Bissau atteignent les 1.100.

taux de scolarisation dans le primaire

Les progrès sont très sensibles dans les quinze dernières années. Seuls subsistent aujourd'hui en dessous de la barre des 60% le Soudan, Djibouti, l'Erythrée, la Côte-d'Ivoire, le Mali, le Niger, la Guinée-Bissau, le Burkina Fasso. Mais il est vrai que les statistiques restent muettes pour un nombre non négligeable de pays d'Afrique.

personnes incarcérées par 100.000 habitants

Le champion du monde est de très loin les Etats-Unis, avec 738 détenus pour 100.000 habitants. Le vice-champion est le Rwanda (691), mais dont on connaît les circonstances particulières, la médaille de bronze revient à la Russie (611). Pas très loin, l'on trouve le Turkménistan (489) et Cuba (487). La France, avec 85 détenus pour 100.000 habitants, forme un petit groupe de fin de peloton avec la Suède (82), la Suisse (83), Malte(86), l'Egypte (87), la Bolivie (83)...

Suite et fin de cette promenade dans quelques jours, avec les statistiques d'émission d'oxyde de carbone, et plusieurs indices de "sexospécificité", selon le jargon du PNUD : c'est-à-dire mettant en valeur les différences de traitement entre hommes et femmes en un certain nombre de situations.

mercredi 2 janvier 2008

le Monde dans le miroir des statistiques du PNUD (1/3)

Bonne année 2008 à toutes et tous! Bonne chance à tous vos projets!

Pour mettre nos idées en place en ce début d'année, je vous propose une saine lecture. Ce sont des extraits des statistiques du rapport sur le développement humain que publie chaque année le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Leur intérêt est de présenter des classements pays par pays allant au-delà du critère purement quantitatif des niveaux de vie, pour cerner une autre réalité, celle de la qualité de vie et de l'épanouissement collectif et personnel. Cela nourrira trois bons articles.

indice de développement humain

Le premier tableau offre donc un classements de 177 pays selon l'indice de développement humain, qui combine trois indicateurs : espérance de vie, éducation et PIB par habitant.

Dans ce tableau, Islande, Norvège et Australie occupent le podium, la France est 10ème, les Etats-Unis 12ème, l'Allemagne, plombée par l'ancienne Allemagne de l'est, est 22ème, derrière l'Italie et juste devant Israël et la Grèce.

Sans grande surprise, les derniers Européens sont la Roumanie (60ème rang), le Belarus (64), la Bosnie-Herzégovine (66), la Russie (67), l'Albanie (68), la Macédoine (69) et la Turquie(84).

Les dernières places sont occupées par l'Afrique, notamment l'Afrique de l'Ouest : Tchad, République centrafricaine, Mozambique, Mali, Niger, Guinée-Bissau, Burkina Faso, Sierra Leone.

Plus intéressant encore est le différentiel entre classements par indice de développement humain et par PIB par habitant. En effet, plus ce différentiel est positif, mieux le pays a su tirer parti de ses ressources économiques pour l'éducation et la santé de sa population. S'il est au contraire négatif, c'est un signe d'affectation défectueuse de la ressource.

A ce palmarès, l'Australie affiche +13, le Japon +9, la France +8, l'Espagne +11, l'Allemagne et la Belgique -2, le Royaume-Uni -5, les Etats-Unis -10.

Parmi les différentiels positifs les plus spectaculaires, l'on trouve Cuba (+43), hommage à son niveau sanitaire et d'éducation, et un certain nombre de pays de l'ancien bloc soviétique, tirés eux aussi vers le haut par le niveau très élevé de scolarisation hérité de l'ancien temps : Tadjikistan (+32), Kirgizistan (+29), Ouzbékistan et Moldova (+25)...

Les différentiels négatifs les plus spectaculaires se trouvent en Afrique du Sud (-65), signe d'une société encore profondément duale, et aussi dans beaucoup, sans doute trop, de pays qui nous sont proches : Gabon (-35), Tunisie (-23, à égalité avec l'Iran), Algérie (-22), Maroc (-8), Guinée (-30), Tchad, Côte-d'Ivoire, Burkina-Fasso (-17).

Indice de pauvreté humaine

Il intègre des facteurs tels que l'analphabétisme, la probabilité de mourir avant 40 ans, le non-accès à de l'eau de qualité, l'insuffisance pondérale des enfants, la position en dessous du seuil de pauvreté monétaire, ceci dans les pays les plus pauvres. Dans les pays développés il intègre la probabilité de mourir avant 60 ans, l'analphabétisme fonctionnel, le pourcentage de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté monétaire, le chômage de longue durée. Cet indice met donc en valeur les exclusions de populations à l'intérieur d'un même pays.

Dans le classement par ordre inversé de pauvreté humaine, Suède, Norvège et Pays-Bas arrivent en tête, l'Allemagne occupe la 6ème place, la France la 11ème, le Royaume-Uni la 16ème, les Etats-Unis la 17ème, l'Irlande la 18ème, l'Italie la 19ème.

Dans le groupe des pays en développement, le trio de tête (celui, donc, où les exclusions sont les moins fortes) est formé de la Barbade, de l'Uruguay et du Chili. Puis viennent l'Argentine, le Costa-Rica, Cuba, Singapour et Sainte-Lucie. Les Territoires palestiniens occupés se retrouvent à la 9ème place. L'on est heureusement surpris de voir ensuite arriver le Mexique et la Jordanie. La Chine occupe la 29ème place juste devant l'Iran, mais encore assez loin devant nos amis la Tunisie (45ème place), l'Algérie (51ème), et le Maroc (68ème). En queue de peloton, l'on trouve sans surprise la Guinée, le Niger, l'Éthiopie, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad.

Dans le prochain article : le taux de fertilité par femme, la mortalité maternelle à la naissance, la scolarisation dans le primaire, le nombre de détenus par 100.000 habitants.

A bientôt!

dimanche 4 novembre 2007

Triste naufrage

Lorsque l'on croit à l'importance de la coopération décentralisée et des interventions de la société civile dans les situations d'urgence et dans l'aide au développement, l'on ne peut qu'être abattu par l'affaire de l'Arche de Zoé. Le reportage télévisé du journaliste Marc Gamirian sur l'ensemble de l'opération, que vient de diffuser la chaîne M6, est accablant sur le comportement d'Eric Breteau, son chef de file. Les effets de ce désastre ne manqueront pas de se faire longuement sentir dans nos rapports avec les pays africains, dont la confiance a été fortement ébranlée. Comment en est-on arrivé là?

Les diplomates qui ont géré des situations de crise, avec leur afflux d'ONG humanitaires (j'ai pour ma part connu cela avec le tremblement de terre de Bam, en Iran, qui a tué en quelques secondes 30.000 personnes le lendemain de Noël 2003) savent toute l'importance du rôle de conseil, de coordination et d'appui d'une ambassade bien mobilisée et connaissant son terrain. Un certain nombre de volontaires débarque en effet avec plus de bonne volonté que de capacité à agir, du moins dans l'immédiat. Beaucoup demandent, parfois impérieusement, qu'on les aide à débloquer leur matériel de la douane ou à trouver des moyens locaux d'acheminement sur les lieux de l'opération. Souvent quelques conseils très simples de comportement, quelques mises en contact (par exemple pour trouver de bons guides et interprètes) leur permettent d'éviter de lourdes erreurs. Tous sont évidemment anxieux de démontrer leurs capacités dans un monde qui est, à sa façon, très concurrentiel quand il s'agit ensuite de l'emporter dans des appels à projets européens ou multilatéraux.

Et c'est très bien ainsi. Car les ONG, la société civile, ne peuvent pas tout faire. Et l'administration d'Etat non plus. C'est de leur bonne collaboration que peuvent sortir des opérations réussies, qu'il s'agisse d'humanitaire ou d'aide dans la durée au développement.

Dans le cas de l'Arche de Zoé, l'on voit que l'ambassade de France et l'armée française ont cru bien faire en apportant à cette équipe toute l'aide possible, d'autant qu'Eric Breteau leur a soigneusement dissimulé le but ultime de l'opération. Manifestement, comme disent les militaires, elles n'ont pas "percuté".

Mais ce but d'exfiltration des enfants était, lui, connu du cabinet de Rama Yade et des services parisiens, de même que les noms des responsables de l'association qu'ils avaient reçus à plusieurs reprises. L'Ambassade n'en aurait-elle pas été informée? Il est pourtant de règle, quand un service parisien est saisi d'une affaire de ce genre, d'alerter aussitôt l'ambassade concernée par télégramme, et vice-versa. Pour ce qui concerne la responsabilité du ministère des Affaires étrangères et européennes, c'est la question essentielle.

Si Rama Yade et ses collaborateurs n'ont pas répercuté l'information qu'ils détenaient, ils sont responsables. S'ils l'ont fait et que l'ambassade n'a pas correctement exploité l'information, c'est elle la responsable. Espérons que l'inspection demandée par le Premier Ministre fera la clarté au plus vite sur ce point crucial. Il y va de la bonne information des Français, et de la confiance qu'eux aussi peuvent faire, ou non, aux membres de leur gouvernement et à leur administration.

samedi 25 août 2007

Aide française au développement : que peut-on attendre du nouveau ministre?

Jean-Marie Bockel, nous le savons, est un socialiste qui a accepté l'appel de Nicolas Sarkozy à travailler au sein de la nouvelle majorité présidentielle, comme secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie.

Je ne parlerai pas ici de son choix politique, mais du discours qu'il a prononcé à la mi-juillet à l'occasion des Journées de la coopération internationale et du développement. Indépendamment de tout le reste, force est de reconnaître que c'était un discours de qualité, allant droit au coeur des grandes questions du développement.

En disant tout d'abord que, malgré les succès de la mondialisation, les inégalités continuaient à se creuser entre les nations : "En dépit des engagements pris à l'aube du XXIème siècle par la communauté internationale, les pays qui étaient les plus pauvres en l'an 2000 le sont tout autant ou presque, en 2007." Ceci est particulièrement vrai de l'Afrique.

En dégageant ensuite cinq défis en matière de développement.

- défi écologique. Le réchauffement de la planète, l'extension des déserts, la raréfaction des ressources en eau potable pèsent d'abord sur les pays les plus pauvres,

-défi démographique. "Voilà dix ans que le continent africain connaît une croissance de son PIB de l'ordre de 5 à 6 % en moyenne (...) La moitié de cette croissance est absorbée mécaniquement par l'augmentation démographique.(...) Au Niger, pays parmi les plus pauvres au monde, la fécondité atteint le niveau record de 7,46 enfants par femme. Sa population pourrait passer à 50 millions d'habitants en 2050, contre 12,5 millions en 2006 et 2 millions en 1950." La réponse à ce défi, poursuit le ministre, doit d'abord être recherchée dans les politiques de santé et d'éducation,

-défi du contrôle de l'urbanisation accélérée à l'échelle mondiale, combiné avec celui du développement rural,

-défi de la qualité de la gouvernance, à tous niveaux : mondial, régional, national, sans laquelle les efforts de développement se trouvent gaspillés,

-enfin, défi de la diversité culturelle et linguistique.

Face à ces défis, le ministre passe ensuite aux méthodes, soulignant la nécessité d'adapter nos stratégies d'aide au développement à trois types de situation : les pays à faible gouvernance, les pays à gouvernance démocratique, les pays intermédiaires.

Il poursuit en mettant en valeur deux impératifs.

Le premier est de "recouvrer des marges dans notre aide bilatérale. En 2005, sur un budget de plus de 8 milliards d'euros d'aide publique au développement, nous avons consacré moins de 3 milliards à l'aide bilatérale, hors allègements de dettes. Il nous faut trouver un point d'équilibre. Nous ne pouvons compter exclusivement sur les autres pour réaliser nos ambitions et mettre en œuvre notre vision."

La deuxième concerne l'utilisation accrue des acteurs non-gouvernementaux : ONG, collectivités territoriales, mais aussi migrants, entreprises, fondations.

La dernière partie du discours fixe à l'administration ses pistes de travail, parmi lesquelles l'augmentation des moyens consacrés à la gouvernance démocratique, la concentration sur le pilotage stratégique, l'organisation de la relève de générations, l'augmentation de l'effort de communication.

Un bon discours en vérité, porteur d'une vraie vision, dont il faut espérer qu'il produira ses fruits. Malgré toute la déception que nous a inspirée le choix de Jean-Marie Bockel, les affaires de coopération internationale sont trop cruciales pour être prises en otage d'enjeux de politique interne. En ce qui concerne le fond des choses, c'est-à-dire l'aide au développement, bonne chance, donc, à Jean-Marie Bockel et à ses équipes!

mardi 24 juillet 2007

aide au développement : le secret du succès

L'aide au développement est un travail de longue haleine, dont le résultat n'est perceptible que dans la durée.

Le plus beau succès de la coopération française est sans doute le développement dans les pays du Sahel africain, et au-delà, des filières nationales intégrées de production du coton. En dépit de toutes les variations des cours, du "coulage" assez répandu on s'en doute, et de la concurrence déloyale des Etats-Unis qui subventionnent lourdement leurs producteurs de coton, cette entreprise de développement a en plus d'un demi-siècle profondément modifé la vie de millions d'agriculteurs, a introduit au moins une petite prospérité dans des dizaines de milliers de villages, et inséré les pays concernés dans l'économie mondiale.

Ces filières, en effet gérées de façon centralisée, ont été un temps mises à mal par le dogmatisme libéral de la Banque Mondiale, qui avait enjoint aux pays concernés de les faire disparaître au profit de la libre concurrence et de la loi du marché. Le résultat désastreux des premières expériences de démantèlement a peu à peu amené la Banque Mondiale à mettre une sourdine à son enthousiasme libéral.

Or le suivi par notre Coopération de ce dispositif mis en place il y a plus de soixante ans par des ingénieurs et des fonctionnaires "coloniaux" visionnaires ne s'est jamais interrompu. L'Agence française de développement est aujourd'hui la lointaine héritière de ces pionniers.

Voici un autre bel exemple de succès produit par la continuité de l'effort, certes à plus petite échelle, mais, malheureusement, avec un résultat final plus mitigé.

Dans les années suivant la chute du Mur de Berlin, l'un de nos ministres -peut-être d'ailleurs était-ce Bernard Kouchner-, s'était rendu en Albanie pour y faire une évaluation de son système de santé. Le ministre et sa suite y avaient découvert avec surprise que de très nombreux postes clefs de grands établissements de santé étaient tenus par des médecins parfaitement francophones, formés aux méthodes françaises.

De retour à Paris, les collaborateurs du ministre s'étaient enquis auprès du ministère des affaires étrangères des voies et moyens d'un tel résultat. A la direction concernée, l'on était tout aussi intrigué et bien en peine de répondre. Finalement un vieil agent s'est souvenu que son voisin de bureau, parti depuis quelques années à la retraite, s'était en effet occupé des crédits de bourses sur cette partie du monde pendant une bonne vingtaine d'années: "Comme son propre prédécesseur, il donnait bon an mal an une ou deux bourses d'études à des étudiants en médecine albanais. Comme personne ne s'intéressait à lui, on le laissait faire."

-"et maintenant?"

-"comme je vous l'ai dit, il est parti à la retraite et n'a pas été remplacé. Et puis les crédits de bourses ont beaucoup baissé, cela doit bien faire cinq ou six ans que nous ne faisons plus venir en France de médecins albanais..."

Combien de chefs de service hospitalier albanais parlent aujourd'hui français et travaillent "à la française"? et combien seront-ils dans quinze ans?