J'aimerais réagir à l'article de Riwal (http://helvetia-atao.blogspot.com, signalé sur le forum de la Fédération des Français de l'étranger par Jean-Jacques Aka), portant sur la révélation récente que Mère Teresa ne croyait plus en Dieu.
Je pense pour ma part qu'elle a été en fait mal comprise. Vivant depuis 1929 en Inde, il était après tout normal qu'elle rejoigne peu à peu une dimension fondamentale de la mystique hindouiste, qui fait de l'absence l'un des principaux attributs de Dieu.
J'ai été mis sur cette piste par Jean-Luc Chambard, le grand ethnologue qui a consacré sa vie à l'étude d'un modeste village indien. Dans ce village, sa principale source d'informations a été longtemps une artisane, fabriquante de bracelets, Dhaniya la laquière, illettrée, mais qu'il considérait comme son Gourou, tellement était profonde sa connaissance des grandes traditions hindouistes, notamment transmises au travers des chansons de femmes.
"Sa caractéristique étonnante" écrit-il, "était l'espèce d'athéisme qui semblait découler de ses remarques désabusées sur l'absence de dieu, aussi bien dans les chansons ordinaires de son répertoire que dans les Chansons des douze mois", etc.
Et il poursuit ainsi : "le thème de l'absence de dieu m'a conduit à rien moins qu'à Kierkegaard... l'idée centrale de celui-ci est que ce qui intéresse les gens en Dieu, ce n'est pas qu'il existe ou non -un débat sur lequel on s'est enferré- mais son absence, qui est un phénomène vécu en fonction duquel se sont déterminés les grands mystiques, comme Sainte Thérèse d'Avila. C'est la souffrance causée par l'absence du dieu qui devient l'essentiel de la foi pour ces croyants car on ne saurait les qualifier d'incroyants."
Voilà donc dévoilé le mystère de l'incroyance de Mère Teresa.
A partir de là, deux pistes, si l'un de vous souhaite que je poursuive.
D'abord du côté de Jean-Luc Chambard lui-même, dans son article un curieux dialogue d'amour entre un ethnologue et une villageoise en Inde centrale, dont j'extrais la citation suivante de Dhaniya la laquière : "Nous les femmes, nous protégeons aussi Dieu. Parce que Dieu ne se soucie pas du sentiment de douleur d'être séparées qu'éprouvent les femmes, et c'est pour cela que nous aimons Dieu, pour qu'il n'ait pas de souci, ni de honte, de ce sentiment de séparation qu'il nous fait éprouver par son absence. C'est ce que l'on n'a pas qu'on désire le plus avoir! tu le vois bien, c'est notre sentiment de séparation qui nous rend heureuses!"
Comme quoi l'on n'a pas besoin de savoir lire et écrire pour penser comme un grand philosophe. Dhaniya la laquière rejoint ici Mère Teresa qui écrit dans les lettres récemment publiées :"j'ai juste la joie de ne rien avoir, pas même la présence de Dieu dans l'eucharistie."
L'autre piste est celle d'Abou Yakoub Sejestani, philosophe persan du Xème siècle qui, dans Le dévoilement des choses cachées, traduit par Henri Corbin (éd.Verdier, 1988), explique comment Dieu, tout à la fois, est et n'est pas. Nous pourrons y revenir si vous le voulez.
Finirons-nous par arriver au Necronomicon, écrit en 730 par l'Arabe dément Abdul al-Hazred, exhumé au XXème siècle par l'auteur fantastique H.P.Lovecraft? non, là je déconne...
Et à propos, je ne crois pas en Dieu. Ou plutôt, la question n'a pour moi pas de sens. Si Dieu existait, il n'aurait d'ailleurs pas besoin que l'on croie en lui, à la rigueur aurait-il besoin qu'on l'aime. C'est ce qu'a essayé de faire à sa façon Mère Teresa.
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mardi 11 septembre 2007
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