Je commente rarement l'actualité à chaud, laissant cela aux professionnels. Mais je ne résiste pas au besoin d'exprimer mon effarement devant la façon totalement franco-centrée dont la télévision et la radio rendent compte depuis déjà près d'une semaine du déroulement des Jeux olympiques.
Nous n'ignorons rien des joies ou des déceptions, c'est selon, qui accompagnent chaque médaille passée à portée de nos athlètes. Les commentaires pleuvent et se répètent sur toute discipline, si modeste soit-elle, où nous avons brillé, ou même failli brillé. Rien ne nous est épargné des tourments de Laure Manaudou, encouragée en direct, devant la France entière, par notre ministre de la jeunesse et de sports.
Mais à côté de tout cela, qu'avons-nous vu des superbes exploits d'autres athlètes, chinois, américains, sud-coréens? sans parler des Allemands, Italiens et autres, en somme des autres Européens? ou encore de nos amis francophones? nous en apercevons effet quelques-uns lorsque les uns ou les autres affrontent l'un de nos sportifs nationaux. Mais en dehors de cela, rien : pas une image, et presque pas un mot.
Comment osons-nous à ce spectacle nous présenter comme les héritiers de Pierre de Coubertin? Où est dans tout cela l'esprit du sport, où est l'effort d'éducation du public en faveur de l'idéal olympique? en descendant d'un cran, où est le minimum de complicité francophone? et comment croire, à la façon dont nous ignorons les meilleurs athlètes de notre continent, que nous présidons en ce moment l'Union européenne?
jeudi 14 août 2008
mardi 12 août 2008
Retour sur la réforme constitutionnelle
Loin de la Géorgie, loin des sujets brûlants du jour, un petit retour à tête reposée sur la réforme constitutionnelle.
Les commentateurs de cette réforme ont célébré l'apparition dans notre paysage politique du référendum d'initiative populaire. La lecture du texte adopté par le Congrès de Versailles révèle un dispositif beaucoup plus ambigu, qui laisse au Parlement, s'il le souhaite, le dernier mot en la matière.
Selon les nouvelles dispositions de l'article 11, l'initiative appartient d'abord aux parlementaires eux-mêmes. Il en faudra un cinquième, soit 184 députés ou sénateurs, pour déclencher la procédure. Il faudra ensuite que cette initiative soit soutenue par un dixième des électeurs, soit environ 4,5 millions de personnes.
Que se passera-t-il une fois cette immensité de signatures récoltée? Malgré toute l'énergie ainsi dépensée, le référendum n'est pas encore de droit. Il n'interviendra en effet que si le Parlement n'examine pas le texte dans un délai donné. C'est alors seulement que le président de la République aura à le soumettre au suffrage populaire.
On l'a donc compris, le Parlement peut rejeter le texte en question, qu'il examine comme une proposition de loi ordinaire. Il peut d'ailleurs aussi l'amender à sa guise. L'on voit que tout ceci demeure très contrôlé. La majorité parlementaire, et à travers elle le gouvernement et le président de la République disposent de tous les leviers utiles pour ne pas se laisser déborder. Ils veilleront, s'il le faut, à ce que la montagne des millions de signatures recueillies n'accouche que d'une souris, voire de rien du tout.
L'on est néanmoins tenté de saisir l'occasion pour remettre sur l'ouvrage les trois évolutions majeures de la vie politique que la récente réforme constitutionnelle a écartées (d'où la légitime colère du parti socialiste, quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur l'opportunité de son vote négatif). Il s'agit du non-cumul des mandats, du blocage du mode d'élection des sénateurs (garantissant à la droite de toujours contrôler la chambre haute), enfin de l'introduction de la proportionnelle pour l'élection des députés.
Voilà un intéressant chantier offert au Parti socialiste pour démontrer qu'il n'a pas désarmé et qu'il est capable de mobiliser en faveur d'une réforme, d'une vraie réforme, de nos institutions. Au moins sur le thème du non cumul d'un mandat de parlementaire avec un autre mandat, et sur celui de la proportionnelle, il devrait être rejoint par de nombreux Français très au-delà de son électorat et du clivage droite-gauche.
Il serait donc intéressant de voir arriver une proposition de loi sur ces trois sujets, portée par des millions d'électeurs, et de voir aussi comment la majorité, le gouvernement, le président de la Républiques réagiraient: oseraient- ils bloquer une telle demande? une chance s'offrirait peut-être alors de réintroduire par la fenêtre les réformes essentielles pour l'évolution de notre vie politique au nez desquelles la droite vient de claquer la porte.
Les commentateurs de cette réforme ont célébré l'apparition dans notre paysage politique du référendum d'initiative populaire. La lecture du texte adopté par le Congrès de Versailles révèle un dispositif beaucoup plus ambigu, qui laisse au Parlement, s'il le souhaite, le dernier mot en la matière.
Selon les nouvelles dispositions de l'article 11, l'initiative appartient d'abord aux parlementaires eux-mêmes. Il en faudra un cinquième, soit 184 députés ou sénateurs, pour déclencher la procédure. Il faudra ensuite que cette initiative soit soutenue par un dixième des électeurs, soit environ 4,5 millions de personnes.
Que se passera-t-il une fois cette immensité de signatures récoltée? Malgré toute l'énergie ainsi dépensée, le référendum n'est pas encore de droit. Il n'interviendra en effet que si le Parlement n'examine pas le texte dans un délai donné. C'est alors seulement que le président de la République aura à le soumettre au suffrage populaire.
On l'a donc compris, le Parlement peut rejeter le texte en question, qu'il examine comme une proposition de loi ordinaire. Il peut d'ailleurs aussi l'amender à sa guise. L'on voit que tout ceci demeure très contrôlé. La majorité parlementaire, et à travers elle le gouvernement et le président de la République disposent de tous les leviers utiles pour ne pas se laisser déborder. Ils veilleront, s'il le faut, à ce que la montagne des millions de signatures recueillies n'accouche que d'une souris, voire de rien du tout.
L'on est néanmoins tenté de saisir l'occasion pour remettre sur l'ouvrage les trois évolutions majeures de la vie politique que la récente réforme constitutionnelle a écartées (d'où la légitime colère du parti socialiste, quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur l'opportunité de son vote négatif). Il s'agit du non-cumul des mandats, du blocage du mode d'élection des sénateurs (garantissant à la droite de toujours contrôler la chambre haute), enfin de l'introduction de la proportionnelle pour l'élection des députés.
Voilà un intéressant chantier offert au Parti socialiste pour démontrer qu'il n'a pas désarmé et qu'il est capable de mobiliser en faveur d'une réforme, d'une vraie réforme, de nos institutions. Au moins sur le thème du non cumul d'un mandat de parlementaire avec un autre mandat, et sur celui de la proportionnelle, il devrait être rejoint par de nombreux Français très au-delà de son électorat et du clivage droite-gauche.
Il serait donc intéressant de voir arriver une proposition de loi sur ces trois sujets, portée par des millions d'électeurs, et de voir aussi comment la majorité, le gouvernement, le président de la Républiques réagiraient: oseraient- ils bloquer une telle demande? une chance s'offrirait peut-être alors de réintroduire par la fenêtre les réformes essentielles pour l'évolution de notre vie politique au nez desquelles la droite vient de claquer la porte.
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dimanche 3 août 2008
Un Tintin suisse à la découverte de la Chinafrique
Serge Michel est le journaliste suisse à qui nous devons l'inoubliable "Bondy Blog"(Seuil, 2006). Après l'embrasement des banlieues provoqué en 2005 par le ministre de l'intérieur que nous savons, il s'était fait envoyer par son magazine "l'Hebdo" de Lausanne à Bondy (93), y avait loué un appartement, y avait séjourné plusieurs semaines, puis organisé une noria d'autres journalistes du même magazine pour décrire au jour le jour, comme des correspondants en terre lontaine, le monde étrange (mais aussi familier) qui l'entourait : monde inconnu des Français, à commencer par la presse française. Serge Michel racontait alors comment ses amis journalistes parisiens lui avouaient n'avoir jamais pensé à franchir le Périphérique pour aller explorer les terres inconnues qui se trouvaient au-delà.
Le voilà maintenant installé à Dakar. Il n'a rien perdu de sa curiosité et vient de publier avec Michel Beuret, chez Grasset, un livre sur Pékin à la conquête du continent noir : "la Chinafrique". A lire absolument par ceux qui s'intéressent à cette autre banlieue, proche puis grande banlieue, qu'est l'Outre-Méditerranée. Les deux auteurs, s'aidant du photographe Paolo Woods, ont circulé dans une douzaine de pays de la région, allant de l'Algérie à l'Angola. Ils en ramènent un étonnant tableau de la pénétration chinoise, de son ampleur, de ses multiples formes, de ses méthodes qui la font souvent réussir là où tant d'autres se sont découragés (pas toujours quand même, à lire l'abandon, du jour au lendemain, de la reconstruction d'une ligne de chemin de fer en Angola).
Et nos auteurs sont aussi allés en Chine. Ils se sont rendus à Yiwu, ville parfaitement inconnue de la province du Zhejiang, où se trouve le plus grand marché de pacotille en gros du monde, qui inonde de jouets, de plastiques, de copies en tous genre la terre entière : 34.000 boutiques, 320.000 produits référencés, 3.400 tonnes de fret quotidien. Ils sont allés à Chongqing, en Chine centrale, la plus grande ville de la planète, avec 31 millions d'habitants, par où transitent beaucoup de ces paysans et ouvriers qui vont tenter leur chance dans ce nouveau Far West qu'est pour eux l'Afrique.
Ils ont aussi assisté au sommet Chine-Afrique de Pékin, en 2006, réunissant autour du Président Hu Jintao une litanie de 48 dirigeants africains venus rendre hommage à l'Empereur, un empereur qui les arrose de bienfaits, et en a annoncé de plus grands encore.
Est-ce à dire que l'Afrique va devenir chinoise, mieux et plus profondément qu'elle n'a été anglaise ou française? Un échec n'est pas exclu, estiment nos auteurs. Mais il s'agit encore de politique fiction. Serge Michel et Michel Beuret concluent ainsi : "Pour nous qui avons parcouru l'Afrique chinoise en tous sens, le seul véritable échec de la Chine, s'il faut en voir un, c'est peut-être qu'elle se banalise en Afrique après avoir incarné le partenaire providentiel et fraternel, capable de tous les miracles. A certains égards, elle commence à ressembler aux autres acteurs, avec ses cohortes de gardes de sécurité, ses chantiers qui s'enlisent, ses scandales de corruption et quoi qu'elle en dise, son mépris, parfois, pour la population locale."
"Pour le reste, la Chine a pris les besoins africains à bras-le-corps et posé enfin les bases d'un développement avec des dizaines de projets d'infrastructures sans lesquels rien ne se fera jamais, en particulier les voies de communication et la production d'électricité. Petit à petit, le message passe que l'Afrique n'est pas condamnée à la stagnation. La Chine n'est pas désintéressée, bien sûr, et personne ne prête plus attention à son discours sur l'amitié, mais les efforts qu'elle déploie pour atteindre ses objectifs offrent à l'Afrique un avenir inconcevable il y a seulement dix ans..."
"...Du coup, la balle est dans le camp des dirigeants africains. Ils ont désormais les moyens de leurs ambitions : jamais un bailleur de fonds n'avait avancé des sommes pareilles, sans condition, sans tutelle. Seront-ils à la hauteur, pour utiliser ces fonds plutôt que pour doubler la taille de leur parc immobilier en France? A Pékin, lorsque le président chinois Hu Jintao a prononcé les montants exorbitants qu'il s'apprêtait à mettre à disposition de l'Afrique, quelqu'un à côté de nous a murmuré : "à présent, il va falloir que nos chefs se montrent sages, très sages."
Le voilà maintenant installé à Dakar. Il n'a rien perdu de sa curiosité et vient de publier avec Michel Beuret, chez Grasset, un livre sur Pékin à la conquête du continent noir : "la Chinafrique". A lire absolument par ceux qui s'intéressent à cette autre banlieue, proche puis grande banlieue, qu'est l'Outre-Méditerranée. Les deux auteurs, s'aidant du photographe Paolo Woods, ont circulé dans une douzaine de pays de la région, allant de l'Algérie à l'Angola. Ils en ramènent un étonnant tableau de la pénétration chinoise, de son ampleur, de ses multiples formes, de ses méthodes qui la font souvent réussir là où tant d'autres se sont découragés (pas toujours quand même, à lire l'abandon, du jour au lendemain, de la reconstruction d'une ligne de chemin de fer en Angola).
Et nos auteurs sont aussi allés en Chine. Ils se sont rendus à Yiwu, ville parfaitement inconnue de la province du Zhejiang, où se trouve le plus grand marché de pacotille en gros du monde, qui inonde de jouets, de plastiques, de copies en tous genre la terre entière : 34.000 boutiques, 320.000 produits référencés, 3.400 tonnes de fret quotidien. Ils sont allés à Chongqing, en Chine centrale, la plus grande ville de la planète, avec 31 millions d'habitants, par où transitent beaucoup de ces paysans et ouvriers qui vont tenter leur chance dans ce nouveau Far West qu'est pour eux l'Afrique.
Ils ont aussi assisté au sommet Chine-Afrique de Pékin, en 2006, réunissant autour du Président Hu Jintao une litanie de 48 dirigeants africains venus rendre hommage à l'Empereur, un empereur qui les arrose de bienfaits, et en a annoncé de plus grands encore.
Est-ce à dire que l'Afrique va devenir chinoise, mieux et plus profondément qu'elle n'a été anglaise ou française? Un échec n'est pas exclu, estiment nos auteurs. Mais il s'agit encore de politique fiction. Serge Michel et Michel Beuret concluent ainsi : "Pour nous qui avons parcouru l'Afrique chinoise en tous sens, le seul véritable échec de la Chine, s'il faut en voir un, c'est peut-être qu'elle se banalise en Afrique après avoir incarné le partenaire providentiel et fraternel, capable de tous les miracles. A certains égards, elle commence à ressembler aux autres acteurs, avec ses cohortes de gardes de sécurité, ses chantiers qui s'enlisent, ses scandales de corruption et quoi qu'elle en dise, son mépris, parfois, pour la population locale."
"Pour le reste, la Chine a pris les besoins africains à bras-le-corps et posé enfin les bases d'un développement avec des dizaines de projets d'infrastructures sans lesquels rien ne se fera jamais, en particulier les voies de communication et la production d'électricité. Petit à petit, le message passe que l'Afrique n'est pas condamnée à la stagnation. La Chine n'est pas désintéressée, bien sûr, et personne ne prête plus attention à son discours sur l'amitié, mais les efforts qu'elle déploie pour atteindre ses objectifs offrent à l'Afrique un avenir inconcevable il y a seulement dix ans..."
"...Du coup, la balle est dans le camp des dirigeants africains. Ils ont désormais les moyens de leurs ambitions : jamais un bailleur de fonds n'avait avancé des sommes pareilles, sans condition, sans tutelle. Seront-ils à la hauteur, pour utiliser ces fonds plutôt que pour doubler la taille de leur parc immobilier en France? A Pékin, lorsque le président chinois Hu Jintao a prononcé les montants exorbitants qu'il s'apprêtait à mettre à disposition de l'Afrique, quelqu'un à côté de nous a murmuré : "à présent, il va falloir que nos chefs se montrent sages, très sages."
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samedi 26 juillet 2008
SMS, prolifération et glissements progressifs vers le pire
"Quand je lis la presse, je tombe parfois sur des aberrations. Prenez cette affaire du SMS, c'est quand même extraordinaire. La personne qui prétend avoir ce SMS, on ne lui demande pas d'en apporter la preuve, et à moi on me demande de prouver que je ne l'ai pas envoyé. Cherchez l'erreur..." (Nicolas Sarkozy, le Point, 3 juillet 2008).
Cette erreur est bien connue en droit, en rhétorique et en logique. C'est le renversement indû de la charge de la preuve. La charge de la preuve incombe, sauf exception, à l'accusateur, et non à l'accusé ou au défendeur. A plus forte raison lorsqu'il s'agit de prouver l'inexistence de quelque chose, ce qui est la chose la plus difficile qui soit : par exemple, l'inexistence d'un SMS, ou encore l'inexistence du monstre du Loch Ness.
On se souvient de Rumsfeld en 2002, parlant de Saddam : "il est étonnant que certains veuillent nous faire assumer la charge de la preuve. Cette charge lui revient, c'est à lui de prouver qu'il a désarmé, qu'il ne pose plus de danger pour la paix et la sécurité".
Et aussi de Colin Powell devant le Conseil de sécurité : "le Conseil a placé sur l'Irak la charge de prouver qu'il obéit et désarme. Ce n'est pas aux inspecteurs de trouver ce que l'Irak s'est employé si longtemps à dissimuler. Les inspecteurs sont des inspecteurs, ce ne sont pas des détectives."
Le même raisonnement s'applique depuis quelques années à l'Iran. Après Américains et Britanniques, Angela Merkel, en 2007, déclarait ainsi devant l'Assemblée générale des Nations Unies :"le monde n'a pas à prouver à l'Iran que l'Iran est en train de fabriquer une bombe atomique. L'Iran doit convaincre le monde qu'il ne veut pas la bombe."
Quant à la Maison Blanche sa conviction reste entière. Il y a quelques jours encore, sa porte-parole, interrogée sur l'appartenance de la Corée du Nord et de l'Iran à "l'axe du mal" répondait :"Tant que ces pays n'auront pas abandonné leurs programmes nucléaires militaires de façon complète et vérifiable, je pense que nous les maintiendrons dans la même catégorie." Et le Sénateur Obama, de passage à Paris, n'est pas de reste :"l'Iran doit abandonner son programme militaire nucléaire."
Voici enfin Nicolas Sarkozy au début du mois, lors de sa conférence de presse commune avec Bachar el Assad, oubliant sans doute la mésaventure du SMS :"Le président Bachar Al Assad s'en tient à la déclaration des autorités iraniennes sur le fait qu'ils n'ont pas la volonté d'accéder à cette arme... Alors, nous demandons à la Syrie de convaincre l'Iran d'en apporter les preuves, pas les intentions, mais les preuves."
Mais n'a-t-on pas parfois le droit de transférer la charge de la preuve? Oui, selon la jurisprudence et la doctrine, lorsque l'accusation dispose déjà de fortes présomptions. Compte tenu de leur comportement passé et des graves soupçons qu'il avait fait naître, il était peut-être légitime de demander cela à l'Irak, et de le demander aujourd'hui à l'Iran.
Mais, sur ce premier glissement, surgit la question subsidiaire bien connue des logiciens et des juristes : où fixer le niveau des preuves demandées, et le délai acceptable pour les fournir? pour prouver l'inexistence du monstre du Loch Ness, suffit-il de démontrer la fragilité des témoignages de son existence, ou faut-il assécher le lac, et en combien de temps? C'est en plaçant volontairement la barre très haut, on s'en souvient, que les Américains se sont ouvert la voie de l'Irak.
Qu'en est-il de l'Iran? les déclarations de l'Agence internationale de l'énergie atomique selon lesquelles ses inspecteurs n'ont pas détecté à ce jour de détournement à des fins militaires de ses activités nucléaires n'ont pas effacé les préventions de l'Occident. Car, compte tenu de plusieurs zones d'ombre, l'Agence souligne en même temps qu'"elle n'est pas encore en position de déterminer la nature complète du programme nucléaire iranien". Et puis, pour en avoir le coeur net, il faudrait pouvoir passer au peigne fin un pays grand comme cinq fois la France. Seul un aveu de l'Iran permettrait, à vrai dire, de s'en sortir. Mais cet aveu ne veut pas venir.
Alors, faute d'y voir clair sur le passé et le présent, l'on cherche au moins des garanties pour l'avenir. C'est un autre glissement. L'Iran doit s'engager, non seulement à ne pas se doter de la bombe, ce qui est en effet la moindre des choses, mais à ne pas détenir les moyens qui lui permettraient de l'acquérir. On lui demande donc de renoncer à la technologie de la centrifugation, qui peut en effet déboucher sur l'acquisition d'uranium hautement enrichi, à capacité explosive.
Mais l'Iran considère qu'il serait alors entraîné très au-delà des obligations du Traité de non-prolifération, les seules qu'il se reconnaisse. Et donc il se rebiffe. Les pressions multiples exercées sur lui depuis maintenant cinq ans paraissent inopérantes. D'où l'ultime glissement, qui est la tentation de faire justice soi-même, de trancher le noeud gordien en détruisant les installations nucléaires iraniennes. Mais comment détruire des installations clandestines, que par définition l'on ne connaît pas? Il faudra donc se rabattre sur les installations régulièrement déclarées auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique, et où aucune infraction n'a été relevée par ses inspecteurs. Cette éventualité n'est pas en cet instant sur le devant de la scène, mais peut à tout moment y revenir. Et voilà comment – pressions d'un côté, dérobades de l'autre –, l'on en vient des deux côtés à "se préparer au pire"...
Cette erreur est bien connue en droit, en rhétorique et en logique. C'est le renversement indû de la charge de la preuve. La charge de la preuve incombe, sauf exception, à l'accusateur, et non à l'accusé ou au défendeur. A plus forte raison lorsqu'il s'agit de prouver l'inexistence de quelque chose, ce qui est la chose la plus difficile qui soit : par exemple, l'inexistence d'un SMS, ou encore l'inexistence du monstre du Loch Ness.
On se souvient de Rumsfeld en 2002, parlant de Saddam : "il est étonnant que certains veuillent nous faire assumer la charge de la preuve. Cette charge lui revient, c'est à lui de prouver qu'il a désarmé, qu'il ne pose plus de danger pour la paix et la sécurité".
Et aussi de Colin Powell devant le Conseil de sécurité : "le Conseil a placé sur l'Irak la charge de prouver qu'il obéit et désarme. Ce n'est pas aux inspecteurs de trouver ce que l'Irak s'est employé si longtemps à dissimuler. Les inspecteurs sont des inspecteurs, ce ne sont pas des détectives."
Le même raisonnement s'applique depuis quelques années à l'Iran. Après Américains et Britanniques, Angela Merkel, en 2007, déclarait ainsi devant l'Assemblée générale des Nations Unies :"le monde n'a pas à prouver à l'Iran que l'Iran est en train de fabriquer une bombe atomique. L'Iran doit convaincre le monde qu'il ne veut pas la bombe."
Quant à la Maison Blanche sa conviction reste entière. Il y a quelques jours encore, sa porte-parole, interrogée sur l'appartenance de la Corée du Nord et de l'Iran à "l'axe du mal" répondait :"Tant que ces pays n'auront pas abandonné leurs programmes nucléaires militaires de façon complète et vérifiable, je pense que nous les maintiendrons dans la même catégorie." Et le Sénateur Obama, de passage à Paris, n'est pas de reste :"l'Iran doit abandonner son programme militaire nucléaire."
Voici enfin Nicolas Sarkozy au début du mois, lors de sa conférence de presse commune avec Bachar el Assad, oubliant sans doute la mésaventure du SMS :"Le président Bachar Al Assad s'en tient à la déclaration des autorités iraniennes sur le fait qu'ils n'ont pas la volonté d'accéder à cette arme... Alors, nous demandons à la Syrie de convaincre l'Iran d'en apporter les preuves, pas les intentions, mais les preuves."
Mais n'a-t-on pas parfois le droit de transférer la charge de la preuve? Oui, selon la jurisprudence et la doctrine, lorsque l'accusation dispose déjà de fortes présomptions. Compte tenu de leur comportement passé et des graves soupçons qu'il avait fait naître, il était peut-être légitime de demander cela à l'Irak, et de le demander aujourd'hui à l'Iran.
Mais, sur ce premier glissement, surgit la question subsidiaire bien connue des logiciens et des juristes : où fixer le niveau des preuves demandées, et le délai acceptable pour les fournir? pour prouver l'inexistence du monstre du Loch Ness, suffit-il de démontrer la fragilité des témoignages de son existence, ou faut-il assécher le lac, et en combien de temps? C'est en plaçant volontairement la barre très haut, on s'en souvient, que les Américains se sont ouvert la voie de l'Irak.
Qu'en est-il de l'Iran? les déclarations de l'Agence internationale de l'énergie atomique selon lesquelles ses inspecteurs n'ont pas détecté à ce jour de détournement à des fins militaires de ses activités nucléaires n'ont pas effacé les préventions de l'Occident. Car, compte tenu de plusieurs zones d'ombre, l'Agence souligne en même temps qu'"elle n'est pas encore en position de déterminer la nature complète du programme nucléaire iranien". Et puis, pour en avoir le coeur net, il faudrait pouvoir passer au peigne fin un pays grand comme cinq fois la France. Seul un aveu de l'Iran permettrait, à vrai dire, de s'en sortir. Mais cet aveu ne veut pas venir.
Alors, faute d'y voir clair sur le passé et le présent, l'on cherche au moins des garanties pour l'avenir. C'est un autre glissement. L'Iran doit s'engager, non seulement à ne pas se doter de la bombe, ce qui est en effet la moindre des choses, mais à ne pas détenir les moyens qui lui permettraient de l'acquérir. On lui demande donc de renoncer à la technologie de la centrifugation, qui peut en effet déboucher sur l'acquisition d'uranium hautement enrichi, à capacité explosive.
Mais l'Iran considère qu'il serait alors entraîné très au-delà des obligations du Traité de non-prolifération, les seules qu'il se reconnaisse. Et donc il se rebiffe. Les pressions multiples exercées sur lui depuis maintenant cinq ans paraissent inopérantes. D'où l'ultime glissement, qui est la tentation de faire justice soi-même, de trancher le noeud gordien en détruisant les installations nucléaires iraniennes. Mais comment détruire des installations clandestines, que par définition l'on ne connaît pas? Il faudra donc se rabattre sur les installations régulièrement déclarées auprès de l'Agence internationale de l'énergie atomique, et où aucune infraction n'a été relevée par ses inspecteurs. Cette éventualité n'est pas en cet instant sur le devant de la scène, mais peut à tout moment y revenir. Et voilà comment – pressions d'un côté, dérobades de l'autre –, l'on en vient des deux côtés à "se préparer au pire"...
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mercredi 16 juillet 2008
Volontaires internationaux : vers une relance du dispositif?
Une bonne nouvelle, au moins au niveau des intentions, nous arrive du secrétaire d'Etat à la coopération : Alain Jouyandet vient d'annoncer le projet de tripler le nombre de volontaires internationaux sur le continent africain en réorganisant profondément le dispositif actuel. Il indique aussi sa volonté de mieux mobiliser qu'aujourd'hui les retraités récents prêts à apporter leur expérience à l'étranger. A l'horizon 2012, 15.000 coopérants devraient ainsi être à l'oeuvre sur le terrain en Afrique.
Il était temps, huit ans après la loi de 2000 qui a créé les volontaires internationaux pour remplacer les volontaires du service national, disparus avec le service obligatoire.
En effet, malgré une première réforme par la loi en 2005, le dispositif est aujourd'hui nettement sous-utilisé. Ceux qui en ont tiré le meilleur parti ont été les entreprises : 5.500 volontaires à leur service en 2007. Du côté des administrations, 1.000 volontaires servent actuellement à l'étranger pour le ministère des affaires étrangères et 200 environ auprès du ministère des finances, pour l'essentiel dans les missions économiques.
Viennent enfin les volontaires de solidarité internationale, envoyés sur le terrain par des organisations non-gouvernementales. La première de ces ONG est l'Association française des volontaires du progrès, d'ailleurs subventionnée à 50% par le ministère des affaires étrangères. L'on compte environ 2.000 volontaires de solidarité internationale à travers le monde.
Mais enfin, par rapport à tous les autres, ces volontaires de terrain sont en minorité, ce qui est vraiment dommage. Les entreprises utilisent fort naturellement leurs volontaires en fonction de leurs objectifs économiques, et l'administration trop souvent dans des emplois de confort (cuisiniers, maîtres d'hôtel dans les ambassades), ou de bouche-trous dans différents services, notamment culturels : beaucoup d'informaticiens gèrent ainsi les parcs d'ordinateurs du réseau diplomatique, ou s'occupent des sites internet des ambassades et consulats. L'administration dispose de cette façon d'une main-d'oeuvre d'appoint à bon marché. Mais on est vraiment très loin des objectifs initiaux de formation et d'ouverture au monde par le service apporté aux autres : ce devrait être cela, le "co-développement"!
Reste maintenant à traduire les intentions en actes. Nous regarderons de près la montée en puissance du dispositif. Mais saluons dès à présent la chance qui s'ouvre de voir renaître, sous une forme rénovée, cette coopération "à la française", appuyée sur un réseau dense d'assistants techniques proches des populations, que l'indifférence et les restrictions budgétaires avaient presque entièrement laminée au fil des ans.
P.S. Sans attendre, un chiffre intéressant : les volontaires de solidarité internationale, coopérants de terrain, donc, comptent aujourd'hui plus de femmes (55%) que d'hommes (45%). Bravo les filles!
Il était temps, huit ans après la loi de 2000 qui a créé les volontaires internationaux pour remplacer les volontaires du service national, disparus avec le service obligatoire.
En effet, malgré une première réforme par la loi en 2005, le dispositif est aujourd'hui nettement sous-utilisé. Ceux qui en ont tiré le meilleur parti ont été les entreprises : 5.500 volontaires à leur service en 2007. Du côté des administrations, 1.000 volontaires servent actuellement à l'étranger pour le ministère des affaires étrangères et 200 environ auprès du ministère des finances, pour l'essentiel dans les missions économiques.
Viennent enfin les volontaires de solidarité internationale, envoyés sur le terrain par des organisations non-gouvernementales. La première de ces ONG est l'Association française des volontaires du progrès, d'ailleurs subventionnée à 50% par le ministère des affaires étrangères. L'on compte environ 2.000 volontaires de solidarité internationale à travers le monde.
Mais enfin, par rapport à tous les autres, ces volontaires de terrain sont en minorité, ce qui est vraiment dommage. Les entreprises utilisent fort naturellement leurs volontaires en fonction de leurs objectifs économiques, et l'administration trop souvent dans des emplois de confort (cuisiniers, maîtres d'hôtel dans les ambassades), ou de bouche-trous dans différents services, notamment culturels : beaucoup d'informaticiens gèrent ainsi les parcs d'ordinateurs du réseau diplomatique, ou s'occupent des sites internet des ambassades et consulats. L'administration dispose de cette façon d'une main-d'oeuvre d'appoint à bon marché. Mais on est vraiment très loin des objectifs initiaux de formation et d'ouverture au monde par le service apporté aux autres : ce devrait être cela, le "co-développement"!
Reste maintenant à traduire les intentions en actes. Nous regarderons de près la montée en puissance du dispositif. Mais saluons dès à présent la chance qui s'ouvre de voir renaître, sous une forme rénovée, cette coopération "à la française", appuyée sur un réseau dense d'assistants techniques proches des populations, que l'indifférence et les restrictions budgétaires avaient presque entièrement laminée au fil des ans.
P.S. Sans attendre, un chiffre intéressant : les volontaires de solidarité internationale, coopérants de terrain, donc, comptent aujourd'hui plus de femmes (55%) que d'hommes (45%). Bravo les filles!
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mercredi 2 juillet 2008
pauvreté et inégalité des revenus en Europe
Une petite plongée dans les statistiques rafraîchit souvent les idées. En matière d'inégalité des revenus et de pauvreté, le service Eurostat de la Commission européenne nous offre l'occasion de comparaisons intéressantes.
Où en sommes-nous, par exemple, en matière de pauvreté? Le taux de pauvreté monétaire évalue le nombre de ménages, dans un pays donné, dont le revenu est inférieur à 60% du revenu médian (médian, pas moyen, c'est-à-dire le montant de revenu en dessus et en dessous duquel les ménages de ce pays se répartissent également). Dans la France de 2006, ce taux est de 13%. C'est aussi celui de l'Allemagne, de l'Autriche et de la Finlande. Disons tout de suite que le taux moyen pour l'Union européenne est de 16%. Qui fait mieux que nous? les Pays-Bas, et aussi la République tchèque, avec 10%. Qui fait beaucoup moins bien? la Grèce avec 21%, l'Italie et l'Espagne avec 20%, mais aussi la Pologne, la Roumanie et le Royaume-Uni avec 19%. Où en sont nos amis irlandais? à 18%, en compagnie du Portugal.
Ce taux est évidemment fondé sur les revenus réels des ménages, donc après transferts sociaux (à noter que les pensions de vieillesse et de survie sont classées hors transferts sociaux). Peut-on évaluer le risque de pauvreté avant ces transferts? Oui. Pour la France, au lieu des 13% constatés après transferts, nous en serions à 25% (pas très loin de la moyenne européenne, à 26%): soit 12 points d'écart. Il en est à peu près de même pour l'Allemagne. L'Espagne, l'Italie seraient à 24%, soit 4 points seulement d'écart, ce qui révèle la faiblesse de ces transferts. L'écart tombe à 2 points pour la Grèce. Il s'élève à 11 points en Grande-Bretagne, et à 15 points en Irlande.
Dernier indice intéressant : l'inégalité de répartition des revenus, définie comme le rapport en un pays donné entre les revenus perçus par les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres. La moyenne européenne est de 4,8. La France situe à 4, comme la Slovaquie, pas très loin de l'Allemagne, à 4,1 et de la Belgique, à 4,2. Qui fait mieux que nous? le Danemark et la Slovénie, à 3,4 , mais aussi la Suède et la République tchèque à 3,5, la Finlande à 3,6, l'Autriche à 3,7 et les Pays-Bas à 3,8. Qui fait nettement moins bien? la Lettonie à 7,9, le Portugal à 6,8, la Grèce à 6,1, l'Italie à 5,5, la Grande-Bretagne à 5,4, l'Espagne à 5,3. Quant à l'Irlande, elle se situe à 4,9.
Tout ceci nous autorise-t-il à pousser un cocorico? nous faisons un petit peu mieux que la moyenne, c'est vrai, en termes de pauvreté et d'inégalité de revenus. Mais rien quand même d'ébouriffant : donc juste un petit cocorico, pas de quoi réveiller le quartier...
Où en sommes-nous, par exemple, en matière de pauvreté? Le taux de pauvreté monétaire évalue le nombre de ménages, dans un pays donné, dont le revenu est inférieur à 60% du revenu médian (médian, pas moyen, c'est-à-dire le montant de revenu en dessus et en dessous duquel les ménages de ce pays se répartissent également). Dans la France de 2006, ce taux est de 13%. C'est aussi celui de l'Allemagne, de l'Autriche et de la Finlande. Disons tout de suite que le taux moyen pour l'Union européenne est de 16%. Qui fait mieux que nous? les Pays-Bas, et aussi la République tchèque, avec 10%. Qui fait beaucoup moins bien? la Grèce avec 21%, l'Italie et l'Espagne avec 20%, mais aussi la Pologne, la Roumanie et le Royaume-Uni avec 19%. Où en sont nos amis irlandais? à 18%, en compagnie du Portugal.
Ce taux est évidemment fondé sur les revenus réels des ménages, donc après transferts sociaux (à noter que les pensions de vieillesse et de survie sont classées hors transferts sociaux). Peut-on évaluer le risque de pauvreté avant ces transferts? Oui. Pour la France, au lieu des 13% constatés après transferts, nous en serions à 25% (pas très loin de la moyenne européenne, à 26%): soit 12 points d'écart. Il en est à peu près de même pour l'Allemagne. L'Espagne, l'Italie seraient à 24%, soit 4 points seulement d'écart, ce qui révèle la faiblesse de ces transferts. L'écart tombe à 2 points pour la Grèce. Il s'élève à 11 points en Grande-Bretagne, et à 15 points en Irlande.
Dernier indice intéressant : l'inégalité de répartition des revenus, définie comme le rapport en un pays donné entre les revenus perçus par les 20% les plus riches et les 20% les plus pauvres. La moyenne européenne est de 4,8. La France situe à 4, comme la Slovaquie, pas très loin de l'Allemagne, à 4,1 et de la Belgique, à 4,2. Qui fait mieux que nous? le Danemark et la Slovénie, à 3,4 , mais aussi la Suède et la République tchèque à 3,5, la Finlande à 3,6, l'Autriche à 3,7 et les Pays-Bas à 3,8. Qui fait nettement moins bien? la Lettonie à 7,9, le Portugal à 6,8, la Grèce à 6,1, l'Italie à 5,5, la Grande-Bretagne à 5,4, l'Espagne à 5,3. Quant à l'Irlande, elle se situe à 4,9.
Tout ceci nous autorise-t-il à pousser un cocorico? nous faisons un petit peu mieux que la moyenne, c'est vrai, en termes de pauvreté et d'inégalité de revenus. Mais rien quand même d'ébouriffant : donc juste un petit cocorico, pas de quoi réveiller le quartier...
vendredi 20 juin 2008
aide française à l'Afghanistan : du discours à la réalité
L'on se souvient des récents propos du Président de la République, en direction des dirigeants des pays de l'OTAN, en direction aussi des Français, pour expliquer que l'effort militaire de la France en Afghanistan, qui allait s'accroître, devait être vu comme l'un des éléments de l'effort global visant à la reconstruction du pays. C'est ce qui lui permettait de dire le 24 avril dernier à la télévision :"nous sommes aux côtés des Afghans" et à trois reprises "ce n'est pas la guerre".
Quoi que l'on pense du reste, l'on s'était donc réjoui d'entendre notre président annoncer à la dernière réunion des donateurs à Paris, le 12 juin, un doublement de l'aide française. A y regarder de plus près, le geste semble néanmoins plus que modeste. Depuis 2002, l'aide totale française à l'Afghanistan s'élèverait à 113 millions. A la Conférence de Paris, nous venons d'annoncer un engagement de 107 millions d'euros pour la période 2008-2010, soit 36 millions d'euros par an.
C'est quand même très peu : 107 millions sur trois ans, c'est 0,5% de l'aide promise le 12 juin par la communauté internationale sur la période. Si l'on est sceptique sur la réalité de ces promesses, prenons pour exemple le Canada qui a déjà dépensé fin 2007 plus de 600 millions de dollars en Afghanistan, et compte en 2011 avoir doublé ce chiffre. Notre effort est faible aussi à l'égard du coût de notre engagement militaire, que notre ministre de la défense évalue à 139 millions d'euros pour 2008, hors financement des prochains renforts. Ces 36 millions d'euros d'aide que nous serions prêts à dépenser par an sont enfin sans doute bien moins que ce que l'armée américaine dépense en un seul jour pour sa guerre en Afghanistan.
Certes, pourrait-on dire, la France contribue à l'aide de l'Union européenne, qui a déboursé un milliard d'euros sur la période 2002-2006, et qui compte en dépenser 640 de plus entre 2007 et 2010. Or nous finançons environ 17% de ces montants. Mais l'Allemagne, également gros contributeur, à près de 19%, et la Grande-Bretagne dans une moindre mesure, autour de 10%, parviennent à faire un effort d'aide bilatérale beaucoup plus significatif que nous en Afghanistan : l'Allemagne a promis de verser 420 millions d'euros entre 2008 et 2010, soit quatre fois plus que nous, et la Grande-Bretagne 1,2 milliard de dollars sur cinq ans, soit en moyennne annuelle cinq fois plus que nous.
Comment, dans ces conditions, prendre au sérieux le propos de notre Président au Sommet de l'OTAN du 3 avril dernier : "L’enjeu essentiel pour nous, c’est la reconstruction"? L'on a le droit d'être économe. L'on a le droit de penser qu'une part importante de l'aide déversée sur l'Afghanistan n'atteint jamais ses destinataires. Mais qu'on nous épargne alors ces doctes conseils sur les moyens de faire accéder les Afghans, et les Afghanes, aux bienfaits de la civilisation.
Quoi que l'on pense du reste, l'on s'était donc réjoui d'entendre notre président annoncer à la dernière réunion des donateurs à Paris, le 12 juin, un doublement de l'aide française. A y regarder de plus près, le geste semble néanmoins plus que modeste. Depuis 2002, l'aide totale française à l'Afghanistan s'élèverait à 113 millions. A la Conférence de Paris, nous venons d'annoncer un engagement de 107 millions d'euros pour la période 2008-2010, soit 36 millions d'euros par an.
C'est quand même très peu : 107 millions sur trois ans, c'est 0,5% de l'aide promise le 12 juin par la communauté internationale sur la période. Si l'on est sceptique sur la réalité de ces promesses, prenons pour exemple le Canada qui a déjà dépensé fin 2007 plus de 600 millions de dollars en Afghanistan, et compte en 2011 avoir doublé ce chiffre. Notre effort est faible aussi à l'égard du coût de notre engagement militaire, que notre ministre de la défense évalue à 139 millions d'euros pour 2008, hors financement des prochains renforts. Ces 36 millions d'euros d'aide que nous serions prêts à dépenser par an sont enfin sans doute bien moins que ce que l'armée américaine dépense en un seul jour pour sa guerre en Afghanistan.
Certes, pourrait-on dire, la France contribue à l'aide de l'Union européenne, qui a déboursé un milliard d'euros sur la période 2002-2006, et qui compte en dépenser 640 de plus entre 2007 et 2010. Or nous finançons environ 17% de ces montants. Mais l'Allemagne, également gros contributeur, à près de 19%, et la Grande-Bretagne dans une moindre mesure, autour de 10%, parviennent à faire un effort d'aide bilatérale beaucoup plus significatif que nous en Afghanistan : l'Allemagne a promis de verser 420 millions d'euros entre 2008 et 2010, soit quatre fois plus que nous, et la Grande-Bretagne 1,2 milliard de dollars sur cinq ans, soit en moyennne annuelle cinq fois plus que nous.
Comment, dans ces conditions, prendre au sérieux le propos de notre Président au Sommet de l'OTAN du 3 avril dernier : "L’enjeu essentiel pour nous, c’est la reconstruction"? L'on a le droit d'être économe. L'on a le droit de penser qu'une part importante de l'aide déversée sur l'Afghanistan n'atteint jamais ses destinataires. Mais qu'on nous épargne alors ces doctes conseils sur les moyens de faire accéder les Afghans, et les Afghanes, aux bienfaits de la civilisation.
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jeudi 5 juin 2008
DGCID : le silence des agneaux?
Pour ceux qui s'intéressent à l'avenir du ministère des affaires étrangères, et en particulier de sa Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), qui gère l'action culturelle de la France au sens le plus large, voici un petit billet d'humeur que je lance comme une bouteille à la mer.
Entre les exercices de "révision générale des politiques publiques" et de rédaction d'un Livre blanc sur l'avenir du ministère des affaires étrangères lancés par le gouvernement, entre cabinets et réunions d’arbitrages, se poursuit la vente à la découpe de la DGCID. Certes, après presque dix ans d’existence, il était temps de tout remettre à plat. Tout change et le modèle d’une Régie, empêtrée dans toutes les contraintes d’une administration centrale, n’était plus tenable pour gérer de façon réactive, et dans un monde hautement compétitif, l’action culturelle et la coopération internationale de la France.
Mais pourquoi faut-il que la réflexion des décideurs s’oriente vers les plus mauvaises solutions possibles : une dispersion des fonctions d’opérateur de la DGCID en deux ou trois agences, peut-être plus, et une gestion des personnels culturels confiée à une Direction générale de l’administration qui les a toujours considérés comme une population de second rayon, comparée aux agents du « cœur de métier » diplomatique ?
Tout ceci, semble-t-il, par crainte de créer une Agence trop puissante pour être aisément contrôlée. En organisant la dispersion, l’on faciliterait l’exercice de la tutelle. En gardant la gestion directe des personnels culturels, on s’assurerait de leur soumission hiérarchique.
Mais comment ne pas voir qu’en agissant ainsi, l’on est en train d’installer sur deux parallèles d'une part des agences parisiennes, dotées certes de moyens d’action mais sans réseau, d'autre part un réseau mondial de services et centres culturels et de coopération, mais sans moyens ?
Comment ne pas voir que ces agences succédant à la DGCID seront, prises une à une, en dessous du pouvoir séparateur de l’œil dans un environnement où il s’agit de tenter d'exister aux côtés de la Banque mondiale ou du Fonds européen de développement ? Comment ne pas voir que sera ainsi brisé le continuum de toutes les activités de coopération – culturelle, scientifique, technologique, de bonne gouvernance... – qui convergent vers le développement humain ?
Notre ministère a-t-il perdu à ce point confiance en lui-même qu’il se juge incapable d’exercer le pilotage stratégique d’une agence puissante, cohérente, dotée à la fois des moyens et des personnels nécessaires, occupant en matière de coopération et de francophonie tout le terrain laissé libre par les deux agences déjà existantes, l’Agence française de développement (AFD) d’une part, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) d’autre part ?
Il suffirait pourtant qu’il se dote précisément d’une Direction générale du développement humain, traitant avec la hauteur de vues nécessaire de la diversité culturelle, du développement politique, économique et social, de la protection de l’environnement, de la régulation du marché mondial et des droits de l’Homme. Une telle direction, à condition qu’elle se dote de moyens d’évaluation et d’analyse adéquats, aurait toute la légitimité et toute l’autorité pour assurer la tutelle politique, non seulement de l’agence héritière de la DGCID, mais aussi de l’AFD et de l’AEFE.
Là, l’on aurait enfin les moyens d’une action extérieure cohérente, bien mieux qu’en se voyant octroyer la présidence ou le secrétariat de tel conseil ou comité que l’on nous fait en ce moment miroiter. Car le « cœur de métier » de la diplomatie de demain, ce sera, et de façon de plus en plus pressante, l'organisation de la société internationale pour lutter contre la faim, contre le réchauffement climatique, contre l’oppression, contre la pauvreté matérielle et culturelle. Le ministère des affaires étrangères va-t-il passer à côté ?
Entre les exercices de "révision générale des politiques publiques" et de rédaction d'un Livre blanc sur l'avenir du ministère des affaires étrangères lancés par le gouvernement, entre cabinets et réunions d’arbitrages, se poursuit la vente à la découpe de la DGCID. Certes, après presque dix ans d’existence, il était temps de tout remettre à plat. Tout change et le modèle d’une Régie, empêtrée dans toutes les contraintes d’une administration centrale, n’était plus tenable pour gérer de façon réactive, et dans un monde hautement compétitif, l’action culturelle et la coopération internationale de la France.
Mais pourquoi faut-il que la réflexion des décideurs s’oriente vers les plus mauvaises solutions possibles : une dispersion des fonctions d’opérateur de la DGCID en deux ou trois agences, peut-être plus, et une gestion des personnels culturels confiée à une Direction générale de l’administration qui les a toujours considérés comme une population de second rayon, comparée aux agents du « cœur de métier » diplomatique ?
Tout ceci, semble-t-il, par crainte de créer une Agence trop puissante pour être aisément contrôlée. En organisant la dispersion, l’on faciliterait l’exercice de la tutelle. En gardant la gestion directe des personnels culturels, on s’assurerait de leur soumission hiérarchique.
Mais comment ne pas voir qu’en agissant ainsi, l’on est en train d’installer sur deux parallèles d'une part des agences parisiennes, dotées certes de moyens d’action mais sans réseau, d'autre part un réseau mondial de services et centres culturels et de coopération, mais sans moyens ?
Comment ne pas voir que ces agences succédant à la DGCID seront, prises une à une, en dessous du pouvoir séparateur de l’œil dans un environnement où il s’agit de tenter d'exister aux côtés de la Banque mondiale ou du Fonds européen de développement ? Comment ne pas voir que sera ainsi brisé le continuum de toutes les activités de coopération – culturelle, scientifique, technologique, de bonne gouvernance... – qui convergent vers le développement humain ?
Notre ministère a-t-il perdu à ce point confiance en lui-même qu’il se juge incapable d’exercer le pilotage stratégique d’une agence puissante, cohérente, dotée à la fois des moyens et des personnels nécessaires, occupant en matière de coopération et de francophonie tout le terrain laissé libre par les deux agences déjà existantes, l’Agence française de développement (AFD) d’une part, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) d’autre part ?
Il suffirait pourtant qu’il se dote précisément d’une Direction générale du développement humain, traitant avec la hauteur de vues nécessaire de la diversité culturelle, du développement politique, économique et social, de la protection de l’environnement, de la régulation du marché mondial et des droits de l’Homme. Une telle direction, à condition qu’elle se dote de moyens d’évaluation et d’analyse adéquats, aurait toute la légitimité et toute l’autorité pour assurer la tutelle politique, non seulement de l’agence héritière de la DGCID, mais aussi de l’AFD et de l’AEFE.
Là, l’on aurait enfin les moyens d’une action extérieure cohérente, bien mieux qu’en se voyant octroyer la présidence ou le secrétariat de tel conseil ou comité que l’on nous fait en ce moment miroiter. Car le « cœur de métier » de la diplomatie de demain, ce sera, et de façon de plus en plus pressante, l'organisation de la société internationale pour lutter contre la faim, contre le réchauffement climatique, contre l’oppression, contre la pauvreté matérielle et culturelle. Le ministère des affaires étrangères va-t-il passer à côté ?
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mercredi 28 mai 2008
petite chronique du Soudan
Curieux comme le fait de passer quelques jours seulement dans un pays vous donne accès à une compréhension que mille pages de lectures ne vous apporteront jamais. Ou mieux, comme ils donneront le souffle de la vie aux pages que vous lirez sur ce pays après en être rentré.
Bien sûr, en quelques jours l'on n'a pas tout compris. Mais on a eu au moins accès à un premier niveau de vérité, qu'il appartient ensuite d'approfondir. Car ces quelques jours, par l'air, la lumière, les odeurs et les couleurs, l'allure des rues, des maisons et des gens, vous font accéder, même brièvement, à une expérience globale, mobilisant tous les sens et tous les affects, à la différence de l'approche analytique de la lecture, ou même de l'approche fragmentée de la photo et du cinéma.
Et donc, quand on a eu un tel contact, comme on voit tout de suite dans les récits, dans les romans où ce que l'on a visité apparaît, que l'auteur est vraiment allé à tel ou tel endroit, ou qu'il s'est simplement inspiré de récits de géographes et de voyageurs!
Tout ceci pour parler un peu du Soudan, où je viens de passer précisément cinq jours, d'ailleurs sans être sorti de Khartoum et de la ville voisine d'Omdurman, sur l'autre rive du Nil. Ceci sur la recommandation de l'ambassadrice, qui jugeait la campagne peu sûre à quelques jours des combats qui avaient conduit à la défaite dans les rues d'Omdourman d’une colonne de combattants du Mouvement pour la justice et l'égalité, de tendance islamiste, venue du Darfour à l’issue d’une chevauchée d’un millier de kilomètres.
C'est grâce au Nil d'ailleurs que les insurgés, montés sur des pick-up Toyota, n'ont pu atteindre le coeur du pouvoir à Khartoum, faute de parvenir à franchir les ponts qui les auraient conduits sur l’autre rive. Et c’est ainsi que nous avons pu visiter sur un grand terrain vague d’Omdurman l’exposition des dépouilles des vaincus : carcasses de véhicules calcinés, pour l’essentiel, fièrement présentées à la population locale par l’armée victorieuse.
En vrac, pour ceux qui seraient prêts à s'intéresser à ce pays lointain.
C'est d'abord, en superficie, le plus grand pays d'Afrique, cinq fois la France, juste un peu plus grand que le Congo ex-Zaïre. Il compte 40 millions d'habitants (15 millions en 1970), dont sept dans l'agglomération capitale (paraît-il la plus chaude du monde…).
C'est un pays où s'est joué au XIXème siècle, et où se joue encore, une sorte de "Grand jeu" entre puissances tutélaires de la région : Angleterre, France, Etats-Unis, Russie, et Chine aujourd'hui. Sans parler du rôle de l'Egypte, évidemment fort attentive à tout ce qui concerne le débit du Nil, question vitale pour elle. Grand jeu dont l'échiquier croise monde arabe et monde noir, Islam et chrétienté, pasteurs et sédentaires, anglophonie et francophonie. Grand jeu dont les enchères sont brusquement montées avec la découverte de pétrole en plein coeur du Soudan, entre Nord et Sud. Grand jeu dont il n'est pas exclu qu'il débouche un jour sur un éclatement du pays.
Côté Darfour, il n'est pas inutile de mettre l’actualité en perspective en se souvenant de l'histoire conflictuelle de cette province. Royaume indépendant jusqu’à la fin du XIXème siècle, rattaché seulement en 1899 au Soudan anglo-égyptien, et encore de façon fort théorique, puisque son Sultan se rallie à l’Empire Ottoman durant la Première guerre mondiale et se révolte contre les Anglais. Et avant la crise actuelle qui commence en 2003, il y avait déjà eu les durs affrontements des années 1983-1988, là encore sur fond de sécheresse et de famine.
Côté sud, l’on attend maintenant avec anxiété l’application de l’accord de 2005 entre Sud et Nord, qui prévoit un référendum d’autodétermination en 2011. Sera-t-il mieux appliqué que l’accord de paix de 1972, qui tentait de mettre fin à une guerre civile née dès 1955, à la veille de l’indépendance du Soudan ? Rappelons, là encore, l’ancienneté de la volonté d’autonomie sudiste, appuyée sur la politique anglaise qui avait donné dès 1919 un statut particulier aux provinces du Sud, chrétiennes et animistes, avec pour objectif avoué de les protéger des Arabes musulmans.
Et la communauté française dans tout cela? on la retrouve dans les ONG, dans les organisations internationales, mais aussi dans l'exploitation d'une mine d'or, dans le pétrole, à l'université, dans la recherche, en particulier dans l'archéologie où elle joue un rôle éminent. Il y a encore beaucoup à découvrir sur la Nubie, ce vaste pays lié à l'Egypte, qui lui a d'ailleurs donné une dynastie de pharaons noirs. Il y a, bien entendu, l'école française et les services de l'ambassade, sans oublier l'antenne de Juba, dans le grand Sud, où la diplomatie se fait sous la tente, et parfois dans la boue.
Loin de Fachoda, loin des armées du Mahdi qui régnèrent quinze ans sur le pays avant d’être défaites par Kitchener, loin de Gordon resté seul dans Khartoum assiégé pour ne pas abandonner ceux qui lui faisaient confiance, et tué à coups de lances sur le seuil de son modeste palais de torchis, nous voilà au centre culturel français. Bâtiment bien fatigué, moyens fort comptés, mais peu importe tant il est plein à toute heure d’une jeunesse avide d’apprendre, avide de se rencontrer, et de parler d’autre chose que des angoisses du présent. Et quand il annexe la rue qui le borde pour un grand concert en plein air, comme nous l’avons vécu lors de notre passage, là, c’est vraiment la fête !
Bien sûr, en quelques jours l'on n'a pas tout compris. Mais on a eu au moins accès à un premier niveau de vérité, qu'il appartient ensuite d'approfondir. Car ces quelques jours, par l'air, la lumière, les odeurs et les couleurs, l'allure des rues, des maisons et des gens, vous font accéder, même brièvement, à une expérience globale, mobilisant tous les sens et tous les affects, à la différence de l'approche analytique de la lecture, ou même de l'approche fragmentée de la photo et du cinéma.
Et donc, quand on a eu un tel contact, comme on voit tout de suite dans les récits, dans les romans où ce que l'on a visité apparaît, que l'auteur est vraiment allé à tel ou tel endroit, ou qu'il s'est simplement inspiré de récits de géographes et de voyageurs!
Tout ceci pour parler un peu du Soudan, où je viens de passer précisément cinq jours, d'ailleurs sans être sorti de Khartoum et de la ville voisine d'Omdurman, sur l'autre rive du Nil. Ceci sur la recommandation de l'ambassadrice, qui jugeait la campagne peu sûre à quelques jours des combats qui avaient conduit à la défaite dans les rues d'Omdourman d’une colonne de combattants du Mouvement pour la justice et l'égalité, de tendance islamiste, venue du Darfour à l’issue d’une chevauchée d’un millier de kilomètres.
C'est grâce au Nil d'ailleurs que les insurgés, montés sur des pick-up Toyota, n'ont pu atteindre le coeur du pouvoir à Khartoum, faute de parvenir à franchir les ponts qui les auraient conduits sur l’autre rive. Et c’est ainsi que nous avons pu visiter sur un grand terrain vague d’Omdurman l’exposition des dépouilles des vaincus : carcasses de véhicules calcinés, pour l’essentiel, fièrement présentées à la population locale par l’armée victorieuse.
En vrac, pour ceux qui seraient prêts à s'intéresser à ce pays lointain.
C'est d'abord, en superficie, le plus grand pays d'Afrique, cinq fois la France, juste un peu plus grand que le Congo ex-Zaïre. Il compte 40 millions d'habitants (15 millions en 1970), dont sept dans l'agglomération capitale (paraît-il la plus chaude du monde…).
C'est un pays où s'est joué au XIXème siècle, et où se joue encore, une sorte de "Grand jeu" entre puissances tutélaires de la région : Angleterre, France, Etats-Unis, Russie, et Chine aujourd'hui. Sans parler du rôle de l'Egypte, évidemment fort attentive à tout ce qui concerne le débit du Nil, question vitale pour elle. Grand jeu dont l'échiquier croise monde arabe et monde noir, Islam et chrétienté, pasteurs et sédentaires, anglophonie et francophonie. Grand jeu dont les enchères sont brusquement montées avec la découverte de pétrole en plein coeur du Soudan, entre Nord et Sud. Grand jeu dont il n'est pas exclu qu'il débouche un jour sur un éclatement du pays.
Côté Darfour, il n'est pas inutile de mettre l’actualité en perspective en se souvenant de l'histoire conflictuelle de cette province. Royaume indépendant jusqu’à la fin du XIXème siècle, rattaché seulement en 1899 au Soudan anglo-égyptien, et encore de façon fort théorique, puisque son Sultan se rallie à l’Empire Ottoman durant la Première guerre mondiale et se révolte contre les Anglais. Et avant la crise actuelle qui commence en 2003, il y avait déjà eu les durs affrontements des années 1983-1988, là encore sur fond de sécheresse et de famine.
Côté sud, l’on attend maintenant avec anxiété l’application de l’accord de 2005 entre Sud et Nord, qui prévoit un référendum d’autodétermination en 2011. Sera-t-il mieux appliqué que l’accord de paix de 1972, qui tentait de mettre fin à une guerre civile née dès 1955, à la veille de l’indépendance du Soudan ? Rappelons, là encore, l’ancienneté de la volonté d’autonomie sudiste, appuyée sur la politique anglaise qui avait donné dès 1919 un statut particulier aux provinces du Sud, chrétiennes et animistes, avec pour objectif avoué de les protéger des Arabes musulmans.
Et la communauté française dans tout cela? on la retrouve dans les ONG, dans les organisations internationales, mais aussi dans l'exploitation d'une mine d'or, dans le pétrole, à l'université, dans la recherche, en particulier dans l'archéologie où elle joue un rôle éminent. Il y a encore beaucoup à découvrir sur la Nubie, ce vaste pays lié à l'Egypte, qui lui a d'ailleurs donné une dynastie de pharaons noirs. Il y a, bien entendu, l'école française et les services de l'ambassade, sans oublier l'antenne de Juba, dans le grand Sud, où la diplomatie se fait sous la tente, et parfois dans la boue.
Loin de Fachoda, loin des armées du Mahdi qui régnèrent quinze ans sur le pays avant d’être défaites par Kitchener, loin de Gordon resté seul dans Khartoum assiégé pour ne pas abandonner ceux qui lui faisaient confiance, et tué à coups de lances sur le seuil de son modeste palais de torchis, nous voilà au centre culturel français. Bâtiment bien fatigué, moyens fort comptés, mais peu importe tant il est plein à toute heure d’une jeunesse avide d’apprendre, avide de se rencontrer, et de parler d’autre chose que des angoisses du présent. Et quand il annexe la rue qui le borde pour un grand concert en plein air, comme nous l’avons vécu lors de notre passage, là, c’est vraiment la fête !
samedi 10 mai 2008
Kant, Pompidou et quelques autres...
Je pars en mission pour une douzaine de jours en Egypte et au Soudan, et l'inspiration me manque. Espérons qu'elle reviendra au fil de mes rencontres là-bas! Dans cette attente, et pour ne pas perdre le contact, quelques citations qui m'ont bien plu, glanées deci delà :
Kant
"Depuis le début de l'humanité, je ne crois pas qu'il y ait eu un seul acte motivé par le pur sentiment du devoir."
Pompidou
"Il ne suffit pas d'être un grand homme, encore faut-il l'être au bon moment."
Confucius
"Occupez-vous d'abord des hommes, ensuite du monde des esprits. Le Ciel peut attendre."
Boccace
"Il vaut mieux avoir fait, et regretter, que de ne pas avoir fait, et regretter."
Cocteau
"Paris, cette ville où l'on vous demande de tout faire, et où l'on vous insulte dès que vous faites quelque chose."
Bismarck
"S’il doit y avoir une révolution, mieux vaut la faire plutôt que d’en être victime."
A bientôt!
Kant
"Depuis le début de l'humanité, je ne crois pas qu'il y ait eu un seul acte motivé par le pur sentiment du devoir."
Pompidou
"Il ne suffit pas d'être un grand homme, encore faut-il l'être au bon moment."
Confucius
"Occupez-vous d'abord des hommes, ensuite du monde des esprits. Le Ciel peut attendre."
Boccace
"Il vaut mieux avoir fait, et regretter, que de ne pas avoir fait, et regretter."
Cocteau
"Paris, cette ville où l'on vous demande de tout faire, et où l'on vous insulte dès que vous faites quelque chose."
Bismarck
"S’il doit y avoir une révolution, mieux vaut la faire plutôt que d’en être victime."
A bientôt!
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