samedi 19 mai 2018
Trump, l’Iran, l’Europe : la révolte des agneaux ?
vendredi 22 mars 2013
Iran nucléaire : négociateurs, encore un effort!
mardi 7 juin 2011
Nucléaire iranien, comment s'en sortir?
Nous avons été ambassadeurs de différents pays européens en Iran dans la dernière décennie. Nous avons suivi de près la montée de la crise entre ce pays et la communauté internationale sur la question nucléaire. Le long enlisement de ce dossier nous est inacceptable.
Le monde arabe et le Moyen-Orient entrent dans une nouvelle époque. Aucun pays n’y est à l’abri du changement. La République islamique d’Iran subit la désaffection de la meilleure part de sa population. Partout, de nouvelles perspectives se dessinent. Les périodes d’incertitude sont propices aux remises en question. Le moment est venu de le faire sur la question nucléaire iranienne.
En droit international, la position de l’Europe et des États-Unis est moins solide qu’il n’y paraît. Elle s’incarne, pour l’essentiel, en une série de résolutions votées au Conseil de sécurité qui font référence au chapitre VII de la Charte des Nations unies, autorisant la mise en œuvre de mesures coercitives en cas de «menaces contre la paix».
Mais où est la menace? Serait-ce l’enrichissement d’uranium dans les centrifuges iraniennes? Il s’agit certes d’une activité nucléaire sensible, menée par un pays sensible, dans une région elle-même hautement sensible. La préoccupation exprimée par la communauté internationale est légitime et l’Iran a un devoir à la fois moral et politique d’y répondre. Mais rien dans le droit international, rien dans le Traité de non-prolifération (TNP) n’interdit en son principe une telle activité. D’autres pays que l’Iran, signataires ou non du TNP, s’y adonnent sans être accusés de menacer la paix. Et cette activité est soumise en Iran aux inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Certes, ces inspections sont bridées par un accord de garanties obsolète, datant des années 1970. Mais il est vrai aussi que l’AIEA n’a jamais relevé en Iran de détournement de matières nucléaires à des fins militaires.
La « menace contre la paix » serait-elle dans l’avancement d’un programme clandestin de construction d’une arme nucléaire? Depuis au moins trois ans, la communauté américaine du renseignement ne retient plus cette hypothèse. Son directeur, James Clapper, témoignait en février dernier au Congrès : « nous continuons à penser que l’Iran garde ouverte l’option du développement d’armes nucléaires… Toutefois, nous ne savons pas si l’Iran décidera finalement de construire des armes nucléaires… Nous continuons de juger que le processus de décision de l’Iran en matière nucléaire est guidé par une approche en termes de coûts et d’avantages, ce qui offre à la communauté internationale des occasions d’influencer Téhéran ». Aujourd’hui, une majorité d’experts, y compris en Israël, semble plutôt estimer que l’Iran cherche à se poser en « pays du seuil », techniquement capable de produire une bombe, mais s’abstenant pour l’instant de le faire. On peut à bon droit le regretter mais rien dans le TNP, rien dans le droit international, n’interdit une telle ambition. D’autres pays que l’Iran, engagés comme lui à ne jamais se doter de l’arme nucléaire, ont déjà atteint un tel seuil, ou sont en passe d’y parvenir. Ils ne sont pas autrement inquiétés.
Mais, nous dit-on, c’est la mauvaise volonté de l’Iran, son refus de sérieusement négocier, qui ont obligé nos pays à le traîner en 2006 au Conseil de sécurité. Là encore, les choses sont moins claires. Rappelons qu’en 2005, l’Iran était prêt à discuter d’un plafond au nombre de ses centrifugeuses et à maintenir le taux de son enrichissement très au-dessous des hauts pourcentages d’intérêt militaire. Il se montrait surtout disposé à mettre en œuvre le Protocole additionnel qu’il avait déjà signé avec l’AIEA, autorisant des inspections intrusives sur l’ensemble de son territoire, même sur des sites non déclarés. Mais à l’époque, les Européens et les Américains voulaient contraindre l’Iran à renoncer à son programme d’enrichissement. Et au moins dans l’esprit des Iraniens, le même objectif plane toujours derrière l’insistance du Conseil de Sécurité à obtenir la suspension de toutes leurs activités d’enrichissement. Avant d’accuser ce pays de bloquer la négociation, il est temps d’admettre que l’objectif « zéro centrifuge opérant en Iran »,de façon définitive ou même temporaire, a tout d’une prétention irréaliste, et a conduit à l’impasse actuelle.
Reste un dilemme assurément présent dans la tête de beaucoup de nos dirigeants. Pourquoi offrir au régime iranien une ouverture qui pourrait l’aider à restaurer sa légitimité interne et internationale? Ne vaut-il mieux pas attendre que lui succède un régime plus présentable? C’est une vraie question. Mais c’est peut-être exagérer l’effet de cette négociation nucléaire sur des évolutions intérieures bien plus profondes. Ronald Reagan qualifiait l’URSS d’ « empire du mal ». Il a néanmoins intensément négocié avec Mikhail Gorbatchev en matière de désarmement nucléaire. Doit-on lui reprocher d’avoir retardé le cours de l’Histoire ? Les pays intéressés par l’Iran doivent certainement maintenir la pression sur les questions de droits politiques et de droits de l’Homme, mais aussi s’obliger à régler une question entêtante et urgente de prolifération. Nous réduirions ainsi une source importante de tension dans une région qui aspire plus que jamais à la tranquillité.
L’échec de la rencontre de janvier dernier à Istanbul et le décevant échange de lettres entre les deux parties qui a suivi mettent en relief les difficultés de sortie d’un aussi long blocage. Sur la méthode, plus la négociation sera discrète et technique, plus elle aura de chances d’aboutir. Sur le fond, l’on sait déjà que toute solution se construira sur la qualité du dispositif d’inspection de l’AIEA.
Et là, ou nous avons confiance dans la capacité de l’AIEA à surveiller tous ses États-membres, Iran compris. Ou nous ne lui faisons pas confiance, et l’on se demande pourquoi conserver une organisation efficace avec les seuls pays vertueux. De fait, la première étape serait sans doute pour les deux parties de demander ensemble à l’AIEA ce qui lui paraîtrait nécessaire pour contrôler pleinement le programme nucléaire iranien et garantir de façon crédible qu’il est bien pacifique dans toutes ses dimensions. Sur la base de sa réponse, une négociation pragmatique pourrait s’engager.
mardi 10 novembre 2009
La malédiction du Pharaon
Avec Nicolas Sarkozy, nous avions enfin touché un ami et admirateur assumé de l'Amérique, bien décidé de ne plus s'encombrer de l'héritage gaulliste, ou même chiraquien. Il a ainsi pris le risque d'afficher dans sa campagne électorale son intention de ramener les forces françaises dans l'organisation intégrée de l'OTAN, et a tenu promesse sur ce point qui lui tenait clairement à coeur contre la grande majorité de la classe politique française, qui s'accommodait fort bien du statu quo. Difficile de faire mieux comme déclaration d'amour à l'Amérique. Et patatras! avec l'arrivée d'Obama, tout repart sur les vieux schémas. Comment? Pourquoi?
L'on avait pourtant bien commencé avec les vacances américaines de notre président à l'été 2007 et sa rencontre avec George W. Bush. Ni la bouderie de Cecilia, ni la façon dont Nicolas Sarkozy avait rembarré, de façon impensable en ce pays, les journalistes et photographes américains, n'avaient empêché le courant de passer. Encore tout retourné de ce qu'il avait entendu de son nouvel ami, il présentait de retour à Paris à la réunion des ambassadeurs "l'alternative catastrophique" qui se profilait : "la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran". Et sur l'Afghanistan, il décidait d'y envoyer 700 hommes supplémentaires au nom des droits de l'Homme et de la lutte contre le terrorisme, garantissant notre présence là-bas "jusqu'à la victoire".
Aujourd'hui, la situation est à nouveau dégradée entre la France et les Etats-Unis, notamment autour du dossier iranien. Obama juge clairement que la France en a trop fait dans l'interpellation des gens du régime, dans l'énoncé de son scepticisme face à tout essai de dialogue, et dans l'agitation de la menace de sanctions renforcées, le tout mettant en péril sa politique de la main tendue, déjà sur le fil du rasoir. Du coup, la France n'a été informée que tardivement du projet américain de récupérer l'uranium déjà enrichi en Iran et pouvant, en théorie, finir en bombe, pour le retourner sous la forme inoffensive de combustible destiné à un réacteur de recherche. Bien qu'appelée à fabriquer ce combustible, elle a boudé l'idée, y voyant une façon de légitimer les opérations contestées d'enrichissement conduites par l'Iran. Notre président a aussi tenté de se remettre en scène avec la communication planétaire des trois leaders, Obama, Brown et lui-même, dénonçant la découverte d'une usine clandestine d'enrichissement d'uranium en Iran, mais les inspecteurs de l'AIEA, après s'être rendus sur place, ont dû constater qu'ils n'avaient rien vu d'inquiétant. Et dernière humiliation, ce sont les Iraniens eux-mêmes qui ont dit lors d'une réunion à Vienne qu'ils ne souhaitaient pas voir les Français à la même table de négociation qu'eux, les considérant comme des interlocuteurs non fiables.
Au fond, à le voir évoluer, l'on se dit que l'Amérique qu'aime notre président, c'est l'Amérique qu'aime aussi son ami, notre Johnny national : celle des grands espaces et des chevauchées, celle des cow-boys taciturnes, des barbecues géants et de la puissance décomplexée, l'Amérique de John Wayne et de George W. Bush. C'est cette Amérique qu'il s'efforce, comme Johnny dans son genre, d'imiter, galopant en Camargue, descendant les marches de l'Elysée comme celles d'un Saloon. Cette Amérique n'a évidemment rien à voir avec celle d'Obama, unissant un monde intellectuel et patricien, branché sur les grandes universités de la côte Est, au monde des classes moyennes, aussi peu exotiques que possible dans quelque pays que se soit, et aussi au monde des pauvres, évidemment à peu près invisible aux vacanciers.
Donc, une fois de plus, c'est raté. On y avait cru pourtant aux débuts de François Mitterrand, précédé d'une solide réputation d'atlantiste, et aussi aux débuts de Jacques Chirac, qui s'était risqué à dire à la télévision américaine, et même en anglais, son amour des Fast Food et des hamburgers. Mais Reagan pour le premier, l'Irak pour le second, sont passés par là... Quel Enchanteur, quel prince ou quelle princesse pourra un jour dissiper la malédiction du Pharaon? Et avec quelle formule magique? Qui a là-dessus une petite idée? J'attends là-dessus vos commentaires, quitte à revenir sur le sujet.