Copte, comme son étymologie et sa consonance l’indiquent, signifie
tout simplement égyptien. Et de fait, les Coptes sont les descendants des
habitants de l’Égypte byzantine restés fidèles à la foi chrétienne après la
conquête musulmane du VIIème siècle. Celle-ci avait été aisément conduite,
moins de dix ans après la mort du Prophète Mohammad, dans un pays peu disposé à
se défendre, car rétif à la pesante domination politique et dogmatique de
Constantinople. L’islamisation du pays est progressive, puisque la population
reste en majorité chrétienne probablement jusqu’à la fin du Moyen-âge, et plus
longtemps encore dans la Haute-Égypte, zone reculée intéressant peu les
conquérants. L’ensemble de la population finit en revanche par adopter l’arabe,
et la langue copte, dérivée elle-même de l’égyptien antique, n’est plus guère
utilisée qu’à des fins liturgiques.
L’on ne dispose pas à ce jour de statistiques incontestées sur le
nombre de Coptes, sans doute en raison de la sensibilité du sujet. Les
estimations, souvent intéressées, varient pour la plupart entre cinq et dix
pour cent de la population totale, soit entre quatre et huit millions de
Coptes. Les deux régions les plus densément peuplées de Coptes sont la Haute-Égypte
d’une part, donc un monde rural, l’agglomération du Caire d’autre part, où
réside plus d'un million de Coptes.
L’on trouve des Coptes dans toutes les couches sociales, des
chiffonniers du Caire aux cercles du pouvoir. Dans l’ensemble, la population
copte est légèrement plus éduquée, et bénéficie d’un revenu moyen légèrement
plus élevé que la population musulmane. Elle est sans doute aussi, dans ses
couches supérieures, plus « cosmopolite ». Le phénomène s’est amorcé
au milieu du XIXème siècle, lorsque Mohammad Ali, Vice-roi d’Égypte, s’émancipe
de la tutelle ottomane et pose les premiers fondements, économiques et politiques,
de l’Égypte moderne. Les Coptes acquièrent alors des droits et libertés dont
ils feront usage pour asseoir leur influence et leur prospérité. C’est ainsi
que l’administration et l’armée leur sont ouvertes et que se développe une
classe copte de grands propriétaires. Ils tirent plutôt profit de l’occupation
anglaise qui s’installe en 1882, mais jouent aussi un rôle de premier plan dans
la marche de l’Égypte vers l’indépendance, notamment au sein du parti Wafd,
nationaliste et libéral, fondé au lendemain de la première Guerre mondiale.
La situation se retourne avec la Révolution de 1952 conduite par le
mouvement des Officiers libres, qui entraîne le départ des Anglais, l’abolition
de la royauté, l’arrivée de Nasser à la tête du pays et l’instauration d’un
« socialisme arabe ». Nationalisations et réforme agraire jouent en
défaveur de la grande bourgeoisie copte, dont une partie fait alors le choix de
l’émigration. Les Coptes perdent aussi leurs positions dans l’appareil d’État,
malgré quelques brillantes exceptions, comme Boutros Boutros Ghali, ministre
des affaires étrangères, puis vice-premier ministre de 1977 à 1991, avant de
devenir secrétaire général des Nations Unies. Les concessions faites par Anouar
el Sadate, puis par Hosni Moubarak aux milieux conservateurs de l’Islam dans
l’espoir de contrer la popularité croissante des Frères musulmans contribuent à
la montée des tensions interconfessionnelles et à la mise en difficulté de la
communauté copte.
Le 1er janvier 2011, une bombe artisanale tue 23 fidèles
coptes et en blesse une centaine devant une église d’Alexandrie. L’émotion et
l’agitation qui s’en suivent forment le prologue du mouvement révolutionnaire
qui débute le 25 janvier sur la Place Tahrir pour obtenir le départ de
Moubarak. Ce mouvement, dans lequel les Coptes se retrouvent au premier rang,
dépasse pour un temps les clivages confessionnels. Mais l’unanimisme initial se
dissipe avec l’entrée en scène des Frères musulmans et leur conquête des
institutions. A nouveau, les passions sectaires se libèrent, entraînant des
attentats meurtriers, des destructions d’églises, des heurts violents entre
communautés, ou encore des affrontements entre les Coptes et la police. La
majorité de ceux-ci voit donc avec soulagement la reprise en main du pays par
l’armée, la destitution du Président Morsi et l’arrivée à la présidence du
Maréchal Al Sissi, malgré le coût du processus en matière de libertés
politiques et de droits de l’homme.
La communauté copte, privilégiée sous certains aspects, discriminée
sous d’autres, attentive au sort des autres chrétiens dans le monde arabe, se
sent fragilisée et s’inquiète de son avenir face à la pression du
fondamentalisme islamique. Elle fait pourtant intimement partie de la société
égyptienne, et l’on imagine mal que l’Égypte puisse un jour se l’aliéner sans
détruire une partie essentielle d’elle-même.
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