Si l'on suit de bons modèles, l'on n'a pas besoin de lois. C'est ce que défendaient les disciples de Confucius, vers 200 avant Jésus-Christ, contre les légistes qui posaient les bases juridiques du premier empire chinois. Il est vrai que les personnes que l'on se choisit pour modèle, vivantes ou mortes, mythiques ou réelles, vous indiquent la marche à suivre, vous maintiennent sur le droit chemin. "Qu'aurait fait mon maître, ou ma mère, en telle circonstance? En un tel moment, tel saint, tel héros ont ainsi agi". Parce qu'ils sont des êtres complexes, et complets, et qu'ils se présentent d'ailleurs en cohorte pour mieux répondre à toutes les questions de la vie, les modèles offrent une source d'inspiration inépuisable, qui nous guident silencieusement, et que l'on croise dans les moments décisifs. Même quand ils s'éloignent de nous au fil du temps, ils nous imprègnent pour toujours du sens du devoir.
Les lois en revanche ne contiennent rien d'autre que leurs propres prescriptions. Elles sont impuissantes à régler d'autres conflits que ceux qu'elles ont envisagé. Comme elles ne pourront jamais traiter l'infinité du réel et de ses potentialités, elles sont forcément parsemées de béances, dans lesquelles tout un chacun est en droit de s'engouffrer. Prosaïquement, c'est ainsi que se pratique l'évasion fiscale. Mais si beaucoup n'ont pas l'idée d'y recourir, c'est qu'ils sont retenus par leur conception de la morale, ou même des simples convenances.
De fait, les sociétés sont régulées par une combinaison de lois et de modèles. Elles ont besoin des deux. C'est d'ailleurs sur ce compromis que s'est achevée la querelle des Confucianistes et des légistes. Chez nous, par exemple, l'école (Vercingétorix, Jeanne d'Arc, Pasteur etc.), le cathéchisme, la Bible, mais aussi la presse, la radio, la télévision (de Gaulle, l'Abbé Pierre, Zidane...) nous alimentent en modèles. Dans le même temps les parlementaires, les juges et la police produisent et appliquent l'arsenal des lois.
Quand les modèles qui inspirent une société sont puissants, quand ils sont reconnus par tous, les lois peuvent être simples, et beaucoup de conflits se règlent sans avoir besoin de la loi . En sens inverse, plus ils sont faibles, plus il faut de lois, et jusqu'à l'infini. L'on se désole par les temps qui courent de la judiciarisation de notre société, et de l'inflation législative qui noie jusqu'aux juges chargés de dire le droit. L'on nous annonce que nous commençons à vivre, à l'américaine, dans un monde de lawyers. C'est sans doute parce que nous manquons de modèles, de modèles assez puissants pour limiter le recours aux lois.
mercredi 26 août 2009
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