samedi 18 juillet 2015

Après l’accord, avant la visite de Laurent Fabius à Téhéran : La France, l’Iran, l'arrêt complet des essais nucléaires


(version actualisée de l'article paru le 15 juillet dans "la Croix")

Dans la longue négociation nucléaire qui vient de s’achever avec l’Iran, les Français se sont constamment posés en défenseurs sourcilleux des intérêts de la non-prolifération. Ceci de façon très visible à partir de 2009, lorsqu’Obama, nouvellement élu, a choisi de « tendre la main » à Téhéran. Si l’accord atteint le 14 juillet peut être qualifié de « robuste », Laurent Fabius y a une part. L’insistance qu’il a constamment marquée à ne laisser aucune échappatoire aux tentations prêtées à l’Iran d’aller vers l’arme nucléaire, l’attention portée à ne pas se laisser prématurément desserrer l’étau des sanctions et surtout à pouvoir aussitôt les rétablir en cas d’infraction, ont trouvé leur traduction dans la rédaction finale de l’accord.

Un traité oublié

Ce beau résultat laisse un regret : c’est que la négociation n’ait pas offert l’occasion d’encourager l’Iran à ratifier un jour le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE, ou CTBT en anglais), que ce pays a déjà signé en 1996. Mieux que des déclarations générales, mieux qu’une Fatwa du Guide suprême, une prise de position de Téhéran en ce sens aurait marqué de façon solennelle la libre volonté de l’Iran de tirer un trait sur les tentations du passé et de poser un jour sur l’accord du 14 juillet le sceau d’un engagement international difficilement réversible.

La France s’était pourtant engagée naguère sur le sujet. Lorsqu’à l’été 2005, en compagnie de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne, elle présentait à Téhéran une formule détaillée de sortie de crise, l’Iran était expressément invité à rejoindre le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Cette demande était toute naturelle. La France, depuis qu’elle l’a signé en 1996, puis ratifié en 1998, s’est fait l’avocat dans toutes les enceintes internationales de l’entrée en vigueur de ce traité, pour laquelle il manque encore huit ratifications. Pourquoi le sujet a-t-il ensuite disparu des écrans de la négociation avec l’Iran ?

L’explication vient des huit pays dont la ratification est toujours attendue pour que le Traité puisse entrer en vigueur : l’Iran s’y trouve en compagnie de la Corée du Nord, d’Israël, de l’Égypte, du Pakistan, de l’Inde… mais aussi de la Chine et des États-Unis, membres du groupe de six pays, dit P5+1, qui a conduit ces dernières années la négociation avec l’Iran. La Chine et les États-Unis ne pouvant décemment presser l’Iran d’accomplir un geste auquel eux-mêmes se refusent, il a dû être charitablement convenu entre membres du groupe d’oublier le sujet. Mais ce genre d’arrangement fait-il une bonne politique de non-prolifération ? La France ne pourrait-elle à présent reprendre, à son rythme, et avec le doigté utile, le sujet auprès des Iraniens ?

Vers un Moyen-Orient sans armes nucléaires

Certes, ceux-ci ont fait savoir qu’ils ne pourraient envisager de ratifier ce traité d’arrêt des essais nucléaires que si Israël et les États-Unis en faisaient autant. Israël, on le sait, conditionne notamment sa ratification à celle de l’Iran et de l’Égypte. Voilà peut-être l’angle sous lequel la question pourrait être remise à l’ordre du jour. La France a amplement démontré ces derniers temps son amitié à l’égard d’Israël et de l’Égypte. La prochaine visite de Laurent Fabius à Téhéran va d’autre part offrir l’occasion de raviver, s’il en était besoin, l’amitié traditionnelle entre la France et l’Iran. Si pouvait donc s’esquisser, grâce aux efforts de la France en direction de ces trois pays, la perspective d’une ratification concomitante du Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires par l’Iran, Israël et l’Égypte, ce serait un premier pas vers l’émergence d’un Moyen-Orient sans armes nucléaires, que la France soutient.

Et si la ratification de l’Égypte, d’Israël et de l’Iran était acquise, la pression monterait sur les États-Unis et sur la Chine pour ratifier ce Traité qu’ils ont déjà signé. Au cas où ceux-ci se décideraient à sauter le pas, l’Inde pourrait être convaincue de les accompagner, et avec elle le Pakistan. Ne manqueraient plus dès lors que la signature et la ratification de la Corée du Nord pour que l’accord entre en vigueur. La Chine dispose à son égard d’arguments puissants. En somme, un engagement de ratification par l’Iran est sans doute le premier verrou à faire sauter sur la voie de l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Même en se gardant de trop espérer, il y a là une entreprise digne de la diplomatie française, si elle entend poursuivre dans la période ouverte par l’accord avec l’Iran son rôle de pilote dans la lutte contre la prolifération.

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