
Dès lors, les Tatars de Crimée s’enfoncent dans la
condition de peuple minoritaire. Tout au long du XIXème siècle, le gouvernement
russe mène une politique de colonisation du pays par des paysans slaves. Il pousse
massivement et brutalement les Tatars à émigrer, vers la Sibérie, vers l’Anatolie
ottomane, ou encore vers les territoires européens de l’Empire ottoman. C’est
ainsi qu'on en retrouve aujourd’hui en Roumanie, en Bulgarie et en Turquie.
L’URSS ne se comporte pas mieux à leur égard. Ils payent lourdement le prix des
famines générées par la guerre civile
des débuts de la révolution, puis par la politique stalinienne de
collectivisation de l’agriculture. Durant la deuxième guerre mondiale, la Crimée
est occupée par les Nazis et une partie des Tatars se retrouve enrôlée dans les
troupes auxiliaires des armées allemandes. C’est le motif choisi en 1944 par
Staline et Beria pour déporter les Tatars de Crimée vers des territoires
excentrés de l’Union soviétique, notamment vers l’Ouzbékistan. 200.000 seront
ainsi expulsés, une partie importante périra dans l’opération. Il faudra
attendre la dislocation de l’URSS pour qu’ils soient autorisés à regagner leur
patrie, entre temps rattachée à l’Ukraine par Kroutchev. Ils s'y réinstalleront tant bien que mal. 250.000 Tatars sont
actuellement recensés en Crimée. Ils y représentent environ 12% de la population
et s’efforcent de protéger leur langue, d’origine turque, écrite aujourd’hui en
alphabet cyrillique ou latin. Ils n’ont guère été choyés par le gouvernement de
Kiev, mais à la lecture de leur histoire, on comprend qu’ils voient avec
inquiétude le retour de leur pays dans le giron de la Russie. Ils s’opposent en
cela à leurs vieux adversaires, les Cosaques, qui ont retrouvé leur rôle
d’auxiliaires des troupes russes pour la prise du contrôle du territoire de la
Crimée.