Je sors d'un silence de six mois pour rappeler, avant que tout ceci ne s'efface de nos mémoires, qu'il y a une dizaine de jours, 168 personnes sont mortes dans la chute d'un Tupolev 154 - M de la compagnie iranienne Caspian Airlines sur la ligne Téhéran Erevan. Il s'agissait pour l'essentiel d'Iraniens, dont une bonne partie de la communauté arménienne. Il y avait aussi dans l'avion des Arméniens, ainsi que quelques Russes et Géorgiens, et deux Australiens, Il y avait en particulier onze membres de l'équipe junior iranienne de judo.
L'Union européenne, le gouvernement américain ont aussitôt présenté leurs condoléances à l'Iran. Le gouvernement français a fait de même. "la France adresse ses sincères condoléances aux familles et aux proches des victimes et exprime toute sa sympathie aux peuples et aux autorités iraniennes et arméniennes" a déclaré le porte-parole du Quai d'Orsay.
Deux autres accidents avec le même modèle d'avion se sont produits en Iran, l'un en 2006 lors d'un atterrissage à Mashhad, faisant 29 victimes, l'autre en 2002 près de Khorramabad, faisant 118 morts. Le Tupolev 154 - M est un avion vieillissant. Sa production, entamée au début des années 1980, s'est arrêtée en 1994. La difficulté à se procurer des pièces de rechange fiables pose de sérieux problèmes d'entretien aux compagnies clientes du constructeur russe.
Les avions de l'ancien espace soviétique ont mauvaise réputation en Iran. Sur les onze accidents d'avion intervenus dans ce pays depuis 2001, l'on trouve, outre les trois Tupolev évoqués, trois Antonov, un Ilyouchine, un Yakovlev. Avec les trois derniers accidents concernant un Airbus, un Boeing et un Hercules C 130, l'on atteint un total de 800 victimes.
Rappelons à présent qu'une part de ce bilan est dû aux sanctions américaines qui interdisent de vendre à l'Iran tout avion contenant 10% ou plus de production américaine. Pas de Boeing donc, mais pas d'Airbus non plus, car ils contiennent, eux aussi, des éléments américains. La compagnie européenne pourrait à la rigueur vendre à l'Iran des avions passant au-dessous de la barre des 10% (notamment en les équipant de moteurs Rolls-Royce), mais ni Airbus, ni Rolls-Royce d'ailleurs, ne veulent prendre le risque de se fâcher avec le client américain. C'est ainsi que les compagnies iraniennes se voient contraintes de faire voler des avions hors d'âge, encore à peu près entretenus lorsqu'il s'agit d'avions européens ou américains, nettement moins lorsqu'il s'agit d'avions russes.
Voilà donc l'exemple parfait de sanctions visant un régime et frappant une population qui n'en peut mais, sans parler des victimes collatérales de nationalités diverses. Les condoléances américaines et européennes ont donc pour les Iraniens un goût plutôt amer.
jeudi 23 juillet 2009
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