Nous voilà entrés dans la torpeur du mois d'août, cette torpeur que seuls les malappris se permettent de perturber, comme Saddam Hussein lors de son invasion du Koweït. Il a fini par le payer cher.
Le rythme des articles va donc se ralentir pour deux ou trois semaines. A moins que l'actualité ne nous bouscule, nous allons pouvoir aborder des sujets plus légers, comme les lectures de vacances.
Si vous aimez lire n'importe comment, par grands ou petits bouts, en ouvrant un livre à n'importe quel endroit, et, bien sûr, si vous aimez les écrivains, leur monde et leurs produits, n'oubliez pas d'acquérir et de placer sur votre table de chevet (ou dans votre sac de plage) ce livre des quatre saisons : le Dictionnaire égoïste de la littérature française de Charles Dantzig (Grasset, 2005).
C'est un livre inépuisable, drôle, profond, fantasque, qui ravive les souvenirs et donne envie de s'en faire d'autres, l'envie de courir vers une librairie commander tel ou tel ouvrage, un peu oublié, ou que l'on a négligé de lire, et dont il paraît tout à coup que la lecture est la chose la plus urgente et la plus importante au monde.
Au hasard, à l'article bibliothèque :"une bibliothèque est l'univers. Enfant, dans les bibliothèques de ma famille, j'étais un explorateur, de plus en plus hardi. On tire un livre, on n'a pas le moindre indice de ce qu'il peut contenir, on ouvre... un monde. toutes les conversations qu'on nous interdit d'écouter à la table des grands sont là. En pire. On s'instruit, ce que ne veulent pas les adultes, qui nous éduquent. Le premier livre que j'ai lu et qui n'était pas de mon âge était un recueil de Verlaine. Avec quelle gloutonnerie, et quel amour..."
au hasard toujours, Daniel et Ludovic Halévy: "quand j'ai lu, dans les Mémoires d'outre-tombe cette phrase sur le critique La Harpe: "un homme qui appartenait à ces hommes supérieurs au second rang dans la société du XVIIIème siècle et qui, formant une arrière-ligne solide dans la société, donnaient à cette société de l'ampleur et de la conscience", j'ai pensé à Daniel Halévy. Halévy, esprit solide, droit et sévère, même s'il n'est pas complètement un écrivain, si un écrivain est quelqu'un qui, à un moment ou à l'autre, déconne... Daniel Halévy a publié le journal de ses rencontres avec Degas, et les cent pages du Degas parle, l'air d'un journal, sont un traité d'esthétique. Il y a là quinze phrases de Degas qui m'ont marqué pour la vie..."
Jean de La Fontaine : "peu d'écrivains parlent un français aussi fin sans que cela se remarque... quand son pas l'ennuie, il en change. Quel danseur! virtuose, mais dissimulant sa virtuosité...La Fontaine, c'est Gene Kelly." (moi, j'aurais écrit "Fred Astaire"...).
Personnages : "les personnages de Balzac sont des épouvantails. Les personnages de Dickens sont des tics. Les personnages de Beaumarchais sont des gifles. Les personnages de Proust sont les pattes ultrasensibles prolongeant le cerveau en poulpe du narrateur. Les personnages de Marivaux sont des papillons. Les personnages de Cocteau sont des ombres chinoises. Les personnages de Simone de Beauvoir sont les poupées d'un ventriloque..."
Et il y en a comme cela presque mille pages!
Beaucoup d'articles portant sur des auteurs se terminent par une citation. Voici celle qui m'a le plus frappé. Elle est de Montesquieu, extraite de ses Pensées (oeuvre posthume) : "la raison pour laquelle les sots réussissent ordinairement dans leurs entreprises, c'est que, ne sachant et ne voyant jamais qu'ils sont importuns, ils ne s'arrêtent jamais."
Cela ne vous rappelle personne? personne en particulier, bien sûr. Pour ma part, j'ai au moins deux noms qui me sont venus aussitôt à l'esprit.
Et comment, en refermant le livre, ne pas songer à la phrase d'Oscar Wilde, qui porte l'hommage le plus haut, le plus vrai à la littérature : "La mort de Lucien de Rubempré est le grand drame de ma vie."?
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1 commentaire:
Un gentil message reçu de Pierre Joxe, que je transcris ici :
Cher François,
"Degas parle" est le dernier livre publié par mon grand-père Daniel Halévy, à ma demande pressante, car il en parlait souvent mais n'écrivait plus et dictait peu.
Presque aveugle, il écrivit ce livre sur une planche aménagée par moi, avec une règle mobile. Il écrivait très gros, de jour ou de nuit, suivant sans les voir des lignes ainsi réglées de 3cm en 3cm. sur de grandes feuilles de papier que notre voisin le papetier Gaubert fournissait à la demande au double format 42x27...
Chaque matin une secrétaire, Melle Broïda, les lui relisait avant de les dactylographier, puis de les lui relire. Il s'amusait à dire ensuite qu'il n'avait jamais pu lire ce livre...
Amitiés
Pierre JOXE
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