samedi 25 août 2007

Aide française au développement : que peut-on attendre du nouveau ministre?

Jean-Marie Bockel, nous le savons, est un socialiste qui a accepté l'appel de Nicolas Sarkozy à travailler au sein de la nouvelle majorité présidentielle, comme secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie.

Je ne parlerai pas ici de son choix politique, mais du discours qu'il a prononcé à la mi-juillet à l'occasion des Journées de la coopération internationale et du développement. Indépendamment de tout le reste, force est de reconnaître que c'était un discours de qualité, allant droit au coeur des grandes questions du développement.

En disant tout d'abord que, malgré les succès de la mondialisation, les inégalités continuaient à se creuser entre les nations : "En dépit des engagements pris à l'aube du XXIème siècle par la communauté internationale, les pays qui étaient les plus pauvres en l'an 2000 le sont tout autant ou presque, en 2007." Ceci est particulièrement vrai de l'Afrique.

En dégageant ensuite cinq défis en matière de développement.

- défi écologique. Le réchauffement de la planète, l'extension des déserts, la raréfaction des ressources en eau potable pèsent d'abord sur les pays les plus pauvres,

-défi démographique. "Voilà dix ans que le continent africain connaît une croissance de son PIB de l'ordre de 5 à 6 % en moyenne (...) La moitié de cette croissance est absorbée mécaniquement par l'augmentation démographique.(...) Au Niger, pays parmi les plus pauvres au monde, la fécondité atteint le niveau record de 7,46 enfants par femme. Sa population pourrait passer à 50 millions d'habitants en 2050, contre 12,5 millions en 2006 et 2 millions en 1950." La réponse à ce défi, poursuit le ministre, doit d'abord être recherchée dans les politiques de santé et d'éducation,

-défi du contrôle de l'urbanisation accélérée à l'échelle mondiale, combiné avec celui du développement rural,

-défi de la qualité de la gouvernance, à tous niveaux : mondial, régional, national, sans laquelle les efforts de développement se trouvent gaspillés,

-enfin, défi de la diversité culturelle et linguistique.

Face à ces défis, le ministre passe ensuite aux méthodes, soulignant la nécessité d'adapter nos stratégies d'aide au développement à trois types de situation : les pays à faible gouvernance, les pays à gouvernance démocratique, les pays intermédiaires.

Il poursuit en mettant en valeur deux impératifs.

Le premier est de "recouvrer des marges dans notre aide bilatérale. En 2005, sur un budget de plus de 8 milliards d'euros d'aide publique au développement, nous avons consacré moins de 3 milliards à l'aide bilatérale, hors allègements de dettes. Il nous faut trouver un point d'équilibre. Nous ne pouvons compter exclusivement sur les autres pour réaliser nos ambitions et mettre en œuvre notre vision."

La deuxième concerne l'utilisation accrue des acteurs non-gouvernementaux : ONG, collectivités territoriales, mais aussi migrants, entreprises, fondations.

La dernière partie du discours fixe à l'administration ses pistes de travail, parmi lesquelles l'augmentation des moyens consacrés à la gouvernance démocratique, la concentration sur le pilotage stratégique, l'organisation de la relève de générations, l'augmentation de l'effort de communication.

Un bon discours en vérité, porteur d'une vraie vision, dont il faut espérer qu'il produira ses fruits. Malgré toute la déception que nous a inspirée le choix de Jean-Marie Bockel, les affaires de coopération internationale sont trop cruciales pour être prises en otage d'enjeux de politique interne. En ce qui concerne le fond des choses, c'est-à-dire l'aide au développement, bonne chance, donc, à Jean-Marie Bockel et à ses équipes!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci , François, de cette information et de cette analyse ; le discours de Jean-Marie Bockel paraît en effet fondateur , on ne peut en particulier qu'être d'accord sur la priorité donnée à la gouvernance ; mais, quid de la
dimension multilatérale ? n'est-ce pas le niveau auquel on doit élaborer les politiques de développement et de lutte contre la pauvreté entre autres choses parce qu'il faut relier politique commerciale et politique de développement et raisonner par groupes de pays dans le cadre d'une
intégration régionale? Il ne s'agit évidemment pas "d'abandonner" la politique de développement aux organisations internationales en leur déléguant des moyens mais de s'engager davantage, (avec tout le poids de
l'Europe), dans l'animation du débat sur la définition des politiques au niveau multilatéral.