dimanche 4 novembre 2007

Triste naufrage

Lorsque l'on croit à l'importance de la coopération décentralisée et des interventions de la société civile dans les situations d'urgence et dans l'aide au développement, l'on ne peut qu'être abattu par l'affaire de l'Arche de Zoé. Le reportage télévisé du journaliste Marc Gamirian sur l'ensemble de l'opération, que vient de diffuser la chaîne M6, est accablant sur le comportement d'Eric Breteau, son chef de file. Les effets de ce désastre ne manqueront pas de se faire longuement sentir dans nos rapports avec les pays africains, dont la confiance a été fortement ébranlée. Comment en est-on arrivé là?

Les diplomates qui ont géré des situations de crise, avec leur afflux d'ONG humanitaires (j'ai pour ma part connu cela avec le tremblement de terre de Bam, en Iran, qui a tué en quelques secondes 30.000 personnes le lendemain de Noël 2003) savent toute l'importance du rôle de conseil, de coordination et d'appui d'une ambassade bien mobilisée et connaissant son terrain. Un certain nombre de volontaires débarque en effet avec plus de bonne volonté que de capacité à agir, du moins dans l'immédiat. Beaucoup demandent, parfois impérieusement, qu'on les aide à débloquer leur matériel de la douane ou à trouver des moyens locaux d'acheminement sur les lieux de l'opération. Souvent quelques conseils très simples de comportement, quelques mises en contact (par exemple pour trouver de bons guides et interprètes) leur permettent d'éviter de lourdes erreurs. Tous sont évidemment anxieux de démontrer leurs capacités dans un monde qui est, à sa façon, très concurrentiel quand il s'agit ensuite de l'emporter dans des appels à projets européens ou multilatéraux.

Et c'est très bien ainsi. Car les ONG, la société civile, ne peuvent pas tout faire. Et l'administration d'Etat non plus. C'est de leur bonne collaboration que peuvent sortir des opérations réussies, qu'il s'agisse d'humanitaire ou d'aide dans la durée au développement.

Dans le cas de l'Arche de Zoé, l'on voit que l'ambassade de France et l'armée française ont cru bien faire en apportant à cette équipe toute l'aide possible, d'autant qu'Eric Breteau leur a soigneusement dissimulé le but ultime de l'opération. Manifestement, comme disent les militaires, elles n'ont pas "percuté".

Mais ce but d'exfiltration des enfants était, lui, connu du cabinet de Rama Yade et des services parisiens, de même que les noms des responsables de l'association qu'ils avaient reçus à plusieurs reprises. L'Ambassade n'en aurait-elle pas été informée? Il est pourtant de règle, quand un service parisien est saisi d'une affaire de ce genre, d'alerter aussitôt l'ambassade concernée par télégramme, et vice-versa. Pour ce qui concerne la responsabilité du ministère des Affaires étrangères et européennes, c'est la question essentielle.

Si Rama Yade et ses collaborateurs n'ont pas répercuté l'information qu'ils détenaient, ils sont responsables. S'ils l'ont fait et que l'ambassade n'a pas correctement exploité l'information, c'est elle la responsable. Espérons que l'inspection demandée par le Premier Ministre fera la clarté au plus vite sur ce point crucial. Il y va de la bonne information des Français, et de la confiance qu'eux aussi peuvent faire, ou non, aux membres de leur gouvernement et à leur administration.

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