Notre ami Bruno Tertrais vient d'expliquer dans "le Monde" de samedi que le programme nucléaire militaire iranien s'était arrêté en 2003 sous l'effet des pressions internationales. C'est d'ailleurs l'analyse du rapport de la communauté américaine du renseignement.
Pour qui a vécu la période, la réalité est plus nuancée. Depuis la "découverte" de l'usine d'enrichissement de Natanz, en 2002, des pressions croissantes s'exerçaient en effet sur l'Iran et les Américains ne cachaient pas leur intention de le traîner au Conseil de Sécurité. C'est alors que, sous l'impulsion de Dominique de Villepin, trois ministres européens des affaires étrangères, Jack Straw, Joschka Fischer et lui-même, se rendent ensemble à Téhéran pour offrir une sortie de crise. C'est ce geste spectaculaire de bonne volonté qui fait baisser la tension et ramène, au moins provisoirement, les Iraniens sur le droit chemin.
Bruno se désole que la teneur du rapport américain rende aujourd'hui beaucoup plus difficile l'adoption de nouvelles sanctions au Conseil de Sécurité. Qu'il n'aie pas trop de regrets. Ce ne sont pas les sanctions des Nations Unies qui font mal aujourd'hui à l'Iran, mais les vieilles sanctions américaines, toujours en vigueur, et les nouvelles sanctions informelles, sous forme de pressions du Trésor américain sur les banques du monde entier, pour les décourager de traiter avec des Iraniens.
Mais surtout, contrairement à un discours répandu, ce n'est pas en alliant sanctions et offre de dialogue que l'on fera bouger l'Iran. Personne n'a jamais attiré quiconque à soi, même un âne, en agitant simultanément carotte et bâton. Mieux vaut les utiliser en ordre séquentiel. C'est la leçon de l'épisode de 2003.
Or l'on associe depuis deux ans l'offre d'une reprise des négociations avec l'Iran à l'exigence d'une interruption préalable de ses activités d'enrichissement de l'uranium. C'est ce qui occupe depuis deux ans le Conseil de Sécurité. Mais l'Iran, échaudé par une première expérience de suspension sans résultat, fait la sourde oreille. Et faute de négociation, il progresse sans entraves dans la maîtrise de cette technologie sensible. C'est le plus beau cadeau que l'on pouvait faire aux durs du régime. Continuons comme cela, et nous parviendrons en 2009 à faire réélire Ahmadinejad.
Deux ans de perdus, donc. Heureusement, le rapport de la communauté américaine du renseignement nous confirme que nous avons au moins trois ou quatre années devant nous avant que l'Iran ne puisse, s'il s'y décide, produire une bombe. Pourquoi ne pas consacrer le tiers ou le quart de ce temps à une vraie négociation, sans préjugé, sans préalable? Rien n'exclut qu'au fil des premières rencontres, nous parvenions déjà à obtenir des avancées que nous n'obtenons pas aujourd'hui. Rappelons que l'analyse américaine conclut à la capacité du régime iranien à agir rationnellement en termes de coûts et d'avantages.
Et si la négociation échoue, si l'on constate que les Iraniens se dirigent décidément vers la production d'une arme nucléaire, il sera encore amplement temps de revenir à la gamme des mesures coercitives du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Mais ce serait alors sur des bases mieux étayées.
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1 commentaire:
Je suis iranien, vivant à Téhéran.
Je ne suis pas fier, comme le prétend le régime, que mon pays maîtrise l'enrichissement nucléaire. Car je sais que le but de cet enrichissement est militaire.
Je ne veux pas non plus que l'Iran soit bombardé par quiconque. Personne ne veux une nouvelle guerre, 8 ans de guerre contre l'Irak nous a suffi.
Chapitre IV dont vous faites référence, surtout l'article 41, s'il est appliqué en bonne et du forme par tous, peut mettre à genoux le régime.
Mais d'abord, il faut mettre en application les sanctions mises en place par le Conseil de sécurité, par toutes les sociétés, surtout les françaises bien présentes et actives en Iran en commençant par Renault, PSA, Total, ...
Il ne faut pas que la raison économique emporte sur la raison politique.
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