La conférence d'examen du Traité de non-prolifération nucléaire qui s'ouvrira début mai à New-York réunira tous les membres de ce célèbre traité datant de 1968, et signé par à peu près tous les Etats du monde, à l'exception d'Israël, de l'Inde et du Pakistan. Les cinq puissances nucléaires militaires reconnues par le Traité y seront soumises à rude pression pour qu'elles accélèrent leurs négociations en vue du démantèlement de leurs arsenaux nucléaires, conformément à l'engagement pris à l'article 6 de ce traité. Ceci d'autant plus qu'elles-mêmes, notamment les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, ont été en première ligne ces dernières années dans la poursuite des contrevenants à l'article 4, par lequel les pays non dotés de la bombe s'engagent à ne jamais l'acquérir. L'on pense à la Corée du Nord, à la Libye, à l'Iran. L'on verra aussi immanquablement surgir la question de la dénucléarisation du Moyen-Orient, c'est-à-dire du désarmement nucléaire d'Israël, demandé depuis longtemps par l'ensemble de ses voisins.
Dans un tel contexte, la présentation apaisante de l'arme nucléaire comme arme de "non-emploi" a de plus en plus de mal à faire recette. Rappellons le concept : A se dote de l'arme parce que B et C ont cru devoir l'acquérir. Mais B ou C n'osera jamais s'en servir contre A puisqu'il subira aussitôt des dommages inacceptables en retour. Quant à D, E, F... qui ne possèdent pas la bombe, ils ne peuvent menacer A et ne risquent donc rien, en tous cas sur le plan nucléaire. En conséquence, l'arme de A, ou de tout autre d'ailleurs, ne sera jamais employée. Après cet impeccable raisonnement, reste à espérer que la réalité acceptera de s'y plier. De fait, la formule d'arme de non-emploi n'est pas loin de l'oxymore, c'est-à-dire de la figure de style associant deux termes contradictoires. Et elle est surtout populaire chez les détenteurs de l'arme, notamment en France où elle a été fort employée par nos stratèges. L'on devine que les non-possesseurs sont plus difficiles à convaincre.
Disons, pour cerner de plus près la réalité, que l'arme nucléaire est d'abord une arme de dissuasion à l'encontre des autres possesseurs de l'arme. Elle a néanmoins une autre dimension : celle d'être à la fois l'arme que l'on acquiert pour ne pas être intimidé par ceux qui la possèdent déjà, mais aussi, une fois qu'on la possède soi-même, une arme d'intimidation à l'égard de tous les autres. Et cette seconde dimension, avec la disparition du monde de la Guerre froide qui portait en son sein le risque d'holocauste nucléaire, se retrouve aujourd'hui la première, voire la seule qui vaille. Mais un nombre croissant de pays supporte de plus en plus mal d'être intimidé de la sorte. Même si ces pays désapprouvent, par exemple, le jeu de l'Iran en matière nucléaire, ils éprouvent un malaise croissant à observer les pressions, les menaces, les leçons de morale dispensées par des pays si lents à se séparer de leurs propres armes. Tout ceci risque de peser lourdement sur le climat et les résultats de la conférence du mois de mai.
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