samedi 9 février 2008

Le "eux ou nous " de Rama Yade

Rama Yade prend la défense dans le Monde du 5 février de "deux femmes d'honneur": Taslima Nasreen et Ayaan Hirsi Ali, toutes deux menacées par des intégristes musulmans. C'est bien. Elle nous invite à ne pas choisir "le parti de la prudence". Nous sommes, bien sûr, d'accord.

Et elle poursuit : "Alors que la main des terroristes ne tremble pas quand il s'agit de tuer, le monde occidental, lui, tremblerait-il désormais quand il s'agit d'affirmer ses valeurs de liberté, de justice, de solidarité? c'est pourquoi je propose que l'Europe fasse de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes une priorité partout dans le monde, y compris les pays musulmans".

Aucune raison, en effet, d'exclure les pays musulmans du bénéfice de cette initiative européenne. L'important est de voir par quelles méthodes Mme Rama Yade entend la conduire. Espérons qu'elle produira d'intéressantes propositions, notamment à l'occasion de la Présidence française.

Mais faut-il vraiment terminer en écrivant : "Nous sommes à un tournant civilisationnel. Ce sera eux ou nous"?

Si c'est cela le fond du raisonnement, nous n'irons pas très loin. Ou alors trop loin, car voilà notre ministre embarquée dans les théories à la Huntington sur le "choc des civilisations".

"Nous disons solennellement qu'il est crucial pour notre nation et ses alliés de gagner cette guerre. Nous combattons pour nous défendre nous-mêmes, mais nous croyons aussi que nous combattons pour défendre ces principes universels des droits de l'Homme et de la dignité humaine qui sont le plus bel espoir de l'humanité".

Voilà ce qu'écrivait en février 1962 une soixantaine d'intellectuels américains, dont Samuel Huntington, et aussi Francis Fukuyama, l'inventeur de "la fin de l'Histoire", à l'orée de la guerre d'Afghanistan.

Le combat pour les droits de l'Homme est un noble combat. Mais il n'autorise pas à raisonner en termes de "eux ou nous". Il ne peut à lui seul justifier des guerres où l'on laisserait à Dieu le soin "de reconnaître les siens" dans le mélange obligé de victimes innocentes et de méchants coupables.

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