vendredi 16 novembre 2007

carnets de voyage : la France à Kaboul

Pour ceux que cela pourrait intéresser, voici le compte-rendu, pour les membres de Français du Monde-ADFE, de mon voyage à Kaboul dans le cadre de la campagne pour des élections partielles à l'Assemblée des Français de l'étranger dans la circonscription de New Delhi.

Grâce à l'obstination de nos amis d'Islamabad - merci à Valérie et à Faqir Khan! -, nous arrivons avec Paul Graf à embarquer mardi sur le vol humanitaire des Nations Unies, petit avion à hélices de 20 places. En une heure de vol paisible, nous voici à Kaboul, aussitôt pris en charge par l'Ambassade de France.

Arrêt au cimetière des Européens, où nous nous recueillons sur les très modestes tombes des Français et de bien d'autres qui, du XIXème siècle à ces derniers mois, ont donné leur vie à ce pays. En traversant la ville poussiéreuse, encore stigmatisée par plus de vingt années de guerre, nous passons par le quartier des nouveaux puissants du jour, barons de la politique et de la drogue, où se pressent des dizaines de villas toutes neuves, plus kitsch les unes que les autres, au murs couleurs pastel, avec colonnades, frontons et escaliers extérieurs massifs, marbres et stucs ostentatoires.

L'ambassade se trouve au coeur du quartier diplomatique et gouvernemental, lourdement protégé par barbelés, sacs de sable et chicanes. Datant des années 1960, elle a, elle aussi, souffert de temps difficiles. C'est néanmoins, avec ses massifs de roses et sa grande pelouse arborée, un vrai havre de paix. Une dizaine de policiers français, visiblement aguerris, assurent sa sécurité et veillent, avec trois voitures blindées, à la protection des déplacements sensibles.

Mais ce qui frappe en parlant aux uns et aux autres, c'est la faiblesse des moyens humains. Quelques agents à peine pour couvrir non seulement l'évolution de la situation intérieure, mais aussi l'international, l'économique, le consulaire, la coopération. La petite équipe a un moral d'acier, indispensable pour ne pas sombrer dans un environnement extraordinairement difficile.

Tous sont profondément motivés et de la plus haute qualité. Il le faut pour maintenir à flot notre image, alors que des pays aux intérêts proches des nôtres, Grande-Bretagne, Allemagne ou Canada, sans parler des Américains, ont su adapter leurs effectifs aux enjeux, et disposent de moyens sans comparaison avec les nôtres. Ici, comme en d'autres endroits difficiles, Paris demande de faire plus avec moins, et se montre faiblement réactif. Dans des circonstances de ce type, pourquoi ne parvient-on pas à réorienter, au moins pour un temps, quelques agents de postes paisibles et bien pourvus afin de renforcer nos équipes?

Il y a évidemment nos cinq coopérants, conduits par notre ami Michel Ouliac, auprès des deux lycées de tradition française, Malalai pour les filles, Esteqlal pour les garçons : 7.000 élèves au total, avec l'ambition pour notre part d'enseigner à terme en français à partir de la classe de seconde au moins les matières scientifiques, et de diriger les meilleurs éléments vers notre enseignement supérieur. Deux beaux établissements, construits en leur temps par la France. Ils ont eux aussi souffert de l'intervention soviétique et de la guerre, non seulement dans leurs murs, mais encore bien plus par la dispersion du corps enseignant francophone, qu'il faut patiemment reconstituer et motiver. Ils ont néanmoins, avec notre soutien, déjà restauré leur image et leur force d'attraction.

Il y a aussi notre centre culturel, animé avec une foi vibrante par Gabriel Buti. C'est une très belle structure : grand hall polygonal pour les expositions, salle de spectacle de 450 places, bien équipée, médiathèque à la chaleureuse ambiance. Avec de très modestes moyens de fonctionnement, heureusement démultipliés par beaucoup d'imagination, notre centre occupe une place hautement visible, unique en son genre, dans une ville à peu près privée de toute offre culturelle.

Et grâce à l'hospitalité de Michel et Roseline Ouliac, nous avons passé notre unique soirée avec une trentaine de Français (dont une bonne moitié de Françaises!) travaillant ici, soit pour des ONG, soit pour des institutions humanitaires de la famille des Nations Unies. Tous gens de qualité, clairement compétents dans leurs domaines respectifs, parlant avec ferveur de leurs projets, qu'il s'agisse de santé publique, de médecine d'urgence ou réparatrice, d'agriculture et de micro-développement, de lutte contre la drogue, d'adduction d'eau ou tout simplement de logistique associée.

Mais tous aussi se montrent inquiets quant à la pérennité de leurs programmes, alors que l'Afghanistan cède la place dans les médias internationaux à d'autres urgences humanitaires, telles que le Darfour, et que commence à apparaître la fatigue des donateurs. Là comme ailleurs, le secret du succès réside pourtant dans la capacité à maintenir notre aide sur longue durée, en la protégeant des fluctuations des modes, des aléas politiques et stratégiques.

Nous repartons par le même avion des Nations Unies en fin de matinée du mercredi, pour refaire un dernier point avec nos amis d'Islamabad, avant de prendre en début de soirée un bus sur Lahore, où nous arrivons à une heure avancée de la nuit. Quelques heures de sommeil, et départ le lendemain matin, Paul sur Téhéran, moi sur Paris. Mardi prochain, nous nous retrouvons en Iran pour poursuivre la campagne.

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